Maximum the Hormone - Livia / Caelia

La maison n'était peuplée que d'une personne en moins, et pourtant, Livia se sentait seule. Sextus était parti à Minrathie pour affaire, une invitation à voir l'Archimage, et si en temps normal sa femme l'aurait suivi avec joie, elle avait préféré rester tranquillement sous le soleil de Qarinus. Elle ne se sentait pas très bien ces derniers temps, alors un voyage jusqu'à la capitale allait l'épuiser plus que de raison.

Elle avait dîné en compagnie de sa nouvelle esclave Caelia, et aussi des anciens et anciennes, bien sûr. Livia était toujours très bien entourée, même si la présence de Sextus lui manquait. Ce n'était pas son genre, cela l'étonnait elle-même, mais ce soir, elle voulait son mari. Maintenant. Tout de suite. Avec des crêpes. C'est bon les crêpes.

De rage, il lui semblait qu'elle mangeait bien plus qu'à son habitude. Elle reprit deux fois des pommes de terre, mais refusa de toucher aux champignons. Elle qui adorait ça d'habitude les trouvait particulièrement répugnants ce soir-là. Elle fit même une réflexion acerbe au cuisinier, avant de lui réclamer des crêpes.

Quand ces dernières arrivèrent, Livia se sentit encore plus mal, sur le point de vomir... Ce qu'elle fit, non loin de Caelia. Ok, ok, elle avait un souci là.

— Oh... Je... Je suis désolée.

Elle s'excusait. Sérieusement ?

— Je sais pas, je me sens pas bien...

Alors qu'elle commençait à tourner de l'œil, Livia se mit à pleurer de rage et de frustration : elle détestait être aussi vulnérable, surtout sans raison apparente.

La maîtresse de la maison déborde d'appétit ; plus que d'habitude, de manière anormale, ce sont ses amis esclaves qui le lui ont susurré quand le sujet est venu sur le tapis. Si Caelia ne s'en inquiète pas, peut-être est-ce son manque d'expérience couplé à son entrée en service plutôt récente, elle sent que cette soirée risque d'être... spéciale. Sextus n'est pas là et Livia est agitée. La jeune femme fait profil bas à proximité, prêtre à répondre aux attentes de cette dernière si besoin est - outre que la nourriture. Elle sait où est sa place et n'espère pas entendre des réflexions acerbes à son tour. En vérité, elle se demande si le cuisiner s'est réellement planté dans la préparation des mets ou si quelque chose d'autre cloche. Sa vue ne la trompe pas : non loin d'elle Livia dégurgite et l'alarme autant que les autres servants. Les excuses sont encore plus perturbantes car inhabituelles. Automatiquement, Caelia se précipite vers sa maîtresse en piteux état. « Maîtresse ! C'est peut-être la nourriture ? » L'inquiétude est palpable dans toute la pièce, les regards se tournent vers le cuisiner qui clame pourtant n'y être pour rien, malgré le doute qui s'installe. Sans réponses claires, en ne se fiant qu'à ce qui se trouve sous nos yeux, il est facile d'accuser des innocents. Et Caelia ne va pas jusqu'à là, malgré la panique, elle envisage seulement. Une goutte de sueur perle à son front, c'est bien la première fois qu'elle est confrontée à une telle situation. Elle pose sa paume contre l'épaule de Livia puis propose ce qui lui semble le plus approprié pour l'instant. « Venez avec moi, il vaut mieux que vous vous allongiez... Je vous accompagne jusqu'à votre chambre. » En espérant qu'elle ne le prenne pas mal, l'esclave reste à ses côtés en l'aidant le plus possible.

La nourriture, bien sûr. Évidemment, quoi d’autre ? Livia regarda un moment Caelia avec un air entre l’étonnement pur et l’exaspération, avant d’être prise d’un nouveau haut-le-coeur. La naïveté de l’esclave récemment acquise faisait sourire, si seulement le moment n’était pas si mal choisi pour être inefficace au dernier degré. Les bonnes intentions de Caelia parlaient pour elle, cependant, et Livia choisit de ne pas trop la fustiger… quand elle aurait assez d’énergie pour ça de toute façon.

Séchant ses larmes de rage, elle suivit sans mot dire sa servante qui chercha à l’allonger, ce qui n’était peut-être pas la meilleure des idées.

— Oh non… je préfère être installée dans ma bibliothèque privée, près du balcon. Ouvrez les fenêtres.

Quitte à être alitée et incapable de bouger, Livia préférait que ce soit dans un cadre lumineux, avec un livre à portée de mains, et surtout, dans une pièce qu’elle avait eu le temps de redécorer elle-même. Il ne manquerait plus qu’un tapis mal assorti ne réveille sa nausée.

Livia se tourna vers Caelia une fois à demi-allongée sur un sofa, et s’efforça de prendre sa voix la plus douce et compréhensive. Cela marcha plutôt pas mal.

— Non, ma chère, je ne pense pas que ce soit la nourriture, quand bien même elle n’était pas extraordinaire… Dis-moi, Caelia, t’es-tu déjà occupée d’un enfant ?

Heureuse, et surtout loin d’être stupide, Livia se doutait de ce qui se tramait en elle. Sextus allait enfin accéder à l’un de ses vœux les plus chers : être père.

Caelia, derrière son innocence bien marquée, est au moins suffisamment réactive et capable de prendre quelques initiatives tout en restant à sa place. Elle guide Livia jusqu'à la chambre puis escompte l'aider à s'allonger, chose qui ne plaît pas tellement à cette dernière. Alors la dame de compagnie s'adapte, hoche la tête. « Ce sera fait. » La maisonnée s'agite promptement : les fenêtres sont bientôt ouvertes et c'est Caelia qui installe le sofa à la bonne hauteur au sein de la bibliothèque privée, accompagnant sa maîtresse afin qu'elle limite ses efforts. Enfin quand elle est allongée elle se demande si la priorité est de lui tendre un livre disposé sur un des étages ou bien de lui apporter un rien qui serait capable de lui faire passer sa nausée. Vraiment, la jeune femme se sent perdue, mais cet événement l'habituera au moins pour la prochaine fois. Elle s'apprête à lui demander ce dont elle a besoin avant que les paroles prononcées ne l'interpellent. Si ce n'est pas la nourriture, alors quoi ? Elle ne cache pas son expression plutôt étonnée, n'a même pas le temps d'envisager une autre possibilité car une question s'ajoute, la concernant, la surprenant également. La réponse est évidente : non. Tant de situations qu'elle n'a pas encore eu la chance de découvrir et de vivre, tant de connaissances qui lui manquent alors qu'elles sont censées être évidentes pour la majorité. En ça Caelia se sent parfois très lésée mais redouble d'autant plus d'efforts au lieu d'abandonner comme d'autres le feraient. « Non... Je n'en ai jamais eu l'occasion. » Enfermée comme elle l'était, elle ne voit pas comment elle aurait pu. « Mais puis-je vous demander quel en est le rapport avec votre état, maîtresse ? » Encore des lacunes, vraisemblablement, qu'elle espère bien combler ; elle tend l'oreille.

Caelia est une bonne esclave. Elle ne discute pas les ordres, les exécute promptement, et semble s'inquiéter réellement de l'état de santé de Livia. Cette dernière se sent soudain prise d'une immense compassion pour sa domestique, dont elle serre la main dès qu'elle en a l'occasion.

Sa bibliothèque : là, elle était bien. Elle ignorait si elle se sentirait d'attaque assez longtemps pour parcourir l'un des nombreux ouvrages de sa collection, mais elle n'était pas contre l'idée d'essayer. Mais avant, elle devait se rendre à l'évidence. Ses nausées, ses sautes d'humeur, ainsi qu'un certain retard que seules les domestiques les plus intimes aient pu remarquer lui avait mis la puce à l'oreille... et le polichinelle dans le tiroir.

Elle demanda alors si Caelia avait déjà eu l'occasion de s'occuper d'un bébé, ce que la jeune domestique inexpérimentée nia, bien sûr. Livia aurait dû s'en douter, mais c'est avec un grand sourire qu'elle lui répondit :

— Bien, nous allons donc apprendre ensemble !

Bon, elle n'avait pas encore compris pourquoi Livia demandait cela, et force était de constater qu'il allait falloir lui expliquer deux ou trois petites choses à cette pauvrette. Se trouvant soudainement des réserves de patience, Livia lui demanda d'aller chercher un livre en particulier, connu partout ailleurs dans Tévinter pour le zèle de l'auteur à décrire toutes sortes de débauches. Elle l'ouvrit pour en chercher un passage en particulier, et s'arrêta subitement.

— Je crois savoir que tu ne sais pas lire non plus... ?

Ça ne faisait rien, Livia lui ferait la lecture sans problèmes. Ça l'occupera quand elle se sentira trop mal pour se lever.

— C'est rien. Ma chère Caelia, je crois deviner que tu ne sais pas comment sont faits les bébés, me trompe-je ? Dis-moi ce tu sais !

Au niveau où elles en étaient, autant en faire un jeu, ce serait bien plus drôle !

Visiblement une fois installée à la bibliothèque, la maîtresse des lieux semble être plus dans son assiette qu'il y a quelques minutes et Caelia commence à comprendre ce choix : les livres. Une occupation idéale dans son état. Elle affiche ainsi un sourire tendre, sincère, restant à disposition ainsi qu'à l'écoute. La jeune esclave arrive à mettre toute sa bonne volonté dans des tâches d'ordinaire si ingrates et dont on se passerait bien ; ce qui au final fait toute la différence. Et bientôt elle est intriguée par la question qui sonne à son oreille, tout comme les propos qui suivent après sa réponse. « J'en serais ravie, maîtresse, si vous vous sentez en état de le faire. » Apprendre ensemble... En théorie non ? C'est ce qui lui semble quand Livia lui demande de prendre un livre sur l'une des étagères. Elle le lui ramène rapidement après l'avoir déniché, le reconnaissant prioritairement à sa couverture très colorée et collant à la description.

Puis elle lui demande si elle sait lire, grande question. « Je réapprends encore, j'arrive à lire quelques mots, quelques phrases. » Petite il lui avait été enseigné la lecture mais après ces années d'enferment, comme sa mémoire rejette son identité, elle rejette naturellement la plupart de ses enseignements ; qui reviennent malgré tout progressivement. Caelia est soulagée que cela n'empêche pas l'apprentissage, curieuse de voir où sa maîtresse veut en venir... Ce qui arrive rapidement ; automatiquement ses joues prennent une couleur toute autre en raison de la gêne provoquée par le sujet. Elle ravale doucement sa salive, détourne le regard, complètement innocente et peu connaisseuse du sujet, comme une enfant. « Je... Je ne sais pas grand chose, ma dame. N'est-ce pas ce qui arrive entre une fille et un garçon quand ils s'aiment ? » Le rouge lui monte aux oreilles, elle bégaye presque, voilà tout ce qu'elle sait et elle ne sait même plus vraiment d'où elle le tient. Peut-être ses géniteurs le lui avaient-ils soufflé quand elle était encore une tendre enfant, avant qu'ils ne soient plus là, mais elle n'est clairement pas au fait de la vraie "technique" pour y parvenir. L'esclave inspire un bon coup pour reprendre le contrôle, il est évident qu'elle est déstabilisée pour ce qui touche à ce domaine encore inconnu pour elle. Ce n'est pas croyable et pourtant, c'est le cas.

Oh mais Livia allait beaucoup mieux tout à coup ! Elle avait compris que sa pauvre Caelia avait encore beaucoup à apprendre, et la position dans laquelle Livia se retrouvait alors lui plaisait énormément. Dame Tilani s'amusait déjà comme une gamine surexcitée quand son esclave lui ramena le livre qu'elle lui avait demandé.

— Oui oui je suis en état, ne t'inquiète donc pas !

Au pire, si elle devait avoir une nouvelle crise, Caelia serait là pour s'occuper d'elle. C'était l'avantage d'avoir décidé d'embêter sa propre petite esclave comme passe-temps.

Cette dernière lui confirma qu'elle n'était pas encore capable de lire un ouvrage complet. Le réapprentissage de la lecture était long, et Livia comprenait tout à fait. Elle n'en tenait pas rigueur à son esclave, chassant tout cela d'un geste de la main. Elle s'empressa plutôt d'ouvrir le livre et de chercher un passage intéressant, tout en demandant ce que Caelia savait déjà de la "chose". La réponse de l'esclave la fit rire de bon cœur, mais sans méchanceté.

— C'est un peu naïf, mais c'est une façon de le présenter. Enfin, on n'est pas obligé de s'aimer non plus, c'est plus... compliqué que ça. Mais j'aime Sextus, ne te méprends pas !

Alors alors alors, par où commencer ? Livia tourna quelques pages, avant de se tourner de nouveau vers Caelia :

— Je suppose que tu n'as jamais vu un homme nu non plus, me trompe-je ? Bon dans tous les cas, amène-moi Maximus va !

C'était un autre esclave, pas mal foutu selon les goûts de Livia : après tout, Sextus n'allait pas non plus acheter des laidrons.

Si sa maîtresse semble aller mieux, d'un coup, c'est le contraire pour Caelia qui baigne dans la gêne depuis plusieurs bonnes minutes. Le sujet de conversation n'aide pas, en même temps. Telle une enfant candide voilà qu'elle se met à rougir pour un rien et heureusement pour elle son imagination n'est pas active comme elle le serait pour d'autres. Elle espère néanmoins avoir correctement répondu.

Visiblement, oui et non. Elle écoute sagement les indications de Livia, hoche la tête puis lui répond le plus naturellement possible ; toujours en partie gênée. « Oh, je vois. Mais si l'amour est absent, cela doit être bien triste, ne pensez-vous pas ? Je suis contente qu'il soit présent entre vous et le maître Tilani, en tout cas. » Son innocence ou sa naïveté paraît au moins amuser la Tilani et si c'est cela qui l'aide à se sentir mieux, alors elle prend un maximum sur elle.

Avant que son faciès ne se recouvre presque en totalité d'une rougeur certaine aux dernières paroles qui lui sont adressées. Caelia ne sait plus où se mettre ni quoi faire, déstabilisée. Sa maîtresse compte elle se servir de Maximus comme exemple...? « Non et... Je... Oui... Toute suite... » Elle bégaye. Bientôt elle réalise que sa respiration s'est coupée un instant, allant chercher comme demandé son ami esclave, Maximus, plutôt surpris de la voir dans cet état. La jeune femme n'est pourtant pas capable de le lui expliquer et bientôt les voilà tous les deux qui se présentent devant Livia. Dans le doute, Caelia détourne déjà les yeux : il est impossible pour elle de rester sereine si c'est ce qu'elle pense. Candide et oisive certes, mais pas totalement idiote non plus.

Caelia était d'une candeur adorable : Livia lui sourit en hochant la tête quand elle songea qu'avoir un enfant sans amour était d'un triste... Si seulement elle savait que c'était la norme et non pas l'exception pour des gens comme Livia...

— Oui, nous avons de la chance, beaucoup ne l'ont pas, hélas.

Elle songeait notamment à tous ces nobles obligés de se marier sans amour et contre tout ce qui faisait leur nature : un sort terrible s'il en est. Au moins l'enfant de Sextus et Livia grandira au milieu de parents aimants et aimés, et ça, c'était beau. Ce qui se passait dans leur chambre, par contre, bon.

Et en parlant de ça, si Caelia n'avait aucune idée de comment se faisaient les enfants, concrètement, on pouvait toujours s'appuyer sur une démonstration grandeur nature. Livia demanda à ce que Maximus, un de ses esclaves préférés du point de vue physique, ne soit amené dans la bibliothèque. Quand Caelia revint en charmante compagnie, le sourire de Livia s'élargit lentement.

— Notre chère Caelia n'a jamais vu un homme, alors remédions à cela, veux-tu ? Retire tes vêtements.

Allez allez, et plus vite que ça !

Pour une fois, Caelia regrette d'avoir raison. Ses doutes s'avèrent fondés quand après avoir été cherché Maximus, la maîtresse Tilani indique à ce dernier de retirer ses vêtements. Le regard déjà détourné et les joues si rosies qu'on pourrait croire qu'elle retient son souffle, elle ne trouve plus les mots pour dire que non, ce n'est pas nécessaire. Que ce n'est pas si grave si elle n'a jamais vu d'homme nu, finalement. Non ? Mais en tant qu'esclave, même dans cette maison, elle n'ose pas s'opposer ainsi à la décision de Livia.

Maximus ne tarde pas à abandonner ses tissus au sol et quand Caelia se risque à lever les yeux, elle glisse instinctivement une main vers son visage. Ses prunelles restent pour l'heure sur une zone fixe : le torse de son ami esclave. Elle n'ose descendre plus bas, si gênée qu'elle risquerait d'en faire un malaise. Pourtant ce dernier n'est pas timide : il est plutôt joueur et décomplexé.

Quand il s'approche, il attrape la main de la jeune femme qui s'était décalée devant ses propres yeux. Ainsi piégée elle est plus ou moins forcée de voir le spectacle sous son nez. Elle qui voulait apprendre, elle n'est pas déçue du voyage, car elle découvre pour la toute première fois un corps nu différent du sien. Un détail plus gros que les autres est évidemment mis en avant. « Je... Je pense que ça devrait... aller. » Oui, à son goût, elle en a assez vu. C'est surtout que la proximité augmente sa gêne et clairement, elle n'était peut-être pas prête à voir tout ça d'un coup, sa candeur enfantine s'en retrouvant pas mal affectée.

Comment ça, c'était pas grave ? Le devoir d'une bonne maîtresse était également d'instruire ses esclaves les plus ignorants. Livia ne doutait pas que Caelia était moins stupide que simplement naïve, et tentait de remédier à la situation. Tout ceci était purement... pédagogique. Bon ok, Maximus était quand même vachement sexy et Livia en profitait pour se rincer allègrement l'œil, mais ça, c'était du détail.

Maximus est loin d'être farouche, et vient chercher doucement la main de Caelia pour se dévoiler devant elle. La jeune esclave ne sait visiblement pas où se mettre, ce que Livia trouve terriblement mignon. Adorable, si seulement elle ne considérait pas ces lacunes comme étant non-négligeables. Toujours allongée dans son sofa, Livia adressa un sourire à Maximus avant de se tourner vers Caelia.

— C'est juste pour l'illustration. Les gens sont... comme des pièces emboîtables, vois-tu, et quand elles s'emboîtent d'une certaine manière (parce qu'il y a tellement de manières de s'emboîter, si tu savais, on te montrera un jour avec Sextus), et bien ça peut faire un enfant !

Livia était ravie de jouer les professeures auprès de Caelia, peu importe qu'elle en soit terriblement gênée ou non. Avec un sourire, elle fit signe à Maximus qu'il pouvait disposer. Habillé ou non, c'est pas comme si elle avait quelque chose à faire.

— Ensuite, le bébé grandit dans le ventre de sa mère et après neuf... longues... lunes... OH PAR LE CREATEUR C'EST TELLEMENT LONG ! Je vais sûrement grossir et ressembler à une énorme vache et Sextus ne m'approchera plus jamais et...

Oups, encore une crise hormonale : Livia sentait les larmes lui monter aux yeux, inexorablement, alors même qu'elle avait conscience dans le fond d'elle-même que tout ceci était stupide. Ça l'était oui, mais elle était dans un tel état nerveux que cette simple pensée l'angoissait terriblement. L'air vint même à lui manquer alors qu'elle respirait de plus en plus vite et bruyamment.

Caelia essaie péniblement de se ressaisir plutôt que de paraître si gênée. Elle réalise que sa réaction est probablement démesurée face à la situation, quand bien même elle n'est guère habituée et aurait préféré préserver un peu plus de son innocence. D'un autre côté, ce n'est là qu'une leçon plus détaillée qu'elle ne l'aurait soupçonné. Il n'y a pas de mal.

La jeune femme inspire calmement, à nouveau, reprenant contrôle malgré les paroles de sa maîtresse. Quoi que la manière dont elle évoque la chose est intéressante et à l'amène à penser sans forcément imaginer deux corps nus, mais plutôt deux pièces, deux objets. Elle opine du chef avec un sourire timide, son œillade étant adressée à Livia plus que Maximus qu'elle préfère ne plus regarder pour l'heure. « Je vois, maîtresse. Merci de m'en apprendre tant... » Et elle frissonne sans réellement savoir pourquoi. Si elle lui montre un jour avec Sextus, ne serait-ce pas intrusif de sa part ? Elle préfère ne pas y penser pour l'instant...

Quand Maximus s'en va, Caelia est déjà moins perturbée. Mais sa jeune maîtresse retourne rapidement à une crise hormonale dû à son état et c'est ce qui permet à la dame de compagnie de se ressaisir pleinement. Elle s'approche en espérant être d'un réconfort après sa tirade exagérée. « Je suis là, ma dame. Ne dites pas ça, je suis certaine que jamais il ne vous délaissera. Inspirez calmement. » C'est un peu une première pour elle, de guider sa maîtresse en ce qui concerne sa respiration. Pour avoir été elle même guidée récemment, par Caïus - à son grand étonnement, elle tente de reproduire le même effet salvateur. Elle est prête à aller lui chercher quoi que ce soit pour se sentir mieux ou le demander à l'un de ses amis serviteurs ; elle demande d'ailleurs à l'un d'apporter une serviette chaude à déposer contre le crâne de la Tilani enceinte. Caelia espère bien faire, même perdue comme elle est.

Livia ne regrettait absolument pas ce qu'elle venait de faire, tout simplement parce qu'elle était la maîtresse de maison et qu'un jour ou l'autre, Caelia allait devoir en apprendre plus sur les choses de la chambre. Heureusement pour la pauvre esclave, les hormones de Livia refirent des siennes, la plongeant dans un accès de panique alors qu'elle angoissait à propos des prochains mois et de sa terrible transformation physique.

Son esclave est là pour elle, déjà un peu plus à sa place quand il s'agissait d'apaiser une femme enceinte qui ne savait plus où donner de la tête. La serviette chaude était la bienvenue, même si elle ne servait pas à grand-chose, concrètement. Tentant de se calmer en respirant plus lentement, Livia se tourna vers Caelia :

— Tu es adorable. Puisse-tu avoir raison... Es-tu déjà tombée amoureuse ? Parle-moi un peu de toi !

C'était le meilleur moyen de faire diversion de ses propres angoisses : parler un peu de son esclave. Bien sûr, s'il s'était agi d'une autre noble tévintide avec quantité de petites anecdotes drôles à raconter, ç'aurait été plus simple. Caelia n'avait sûrement pas grand-chose de bien trépidant ou positif à dire, mais ça, Livia n'y avait pas songé. Elle était secouée, la pauvre, sinon jamais elle ne se serait intéressée à la vie de son esclave !

Peu à peu le malaise s'étiole et Caelia retrouve ses esprits, pile quand Livia est en proie à ce qui semble être une nouvelle crise. Quel timing. Ainsi elle se précipite presque à ses côtés pour lui venir en aide si besoin, si la position est dérangeante, si il faut quelque chose, pour inspirer, expirer. Bientôt, comme gentiment demandé, l'un de ses amis serviteurs amène une serviette chaude qu'elle place d'elle-même sur le front de sa maîtresse. Sera-t-elle d'une grande utilité ? Elle ne sait pas mais elle espère tout de même qu'elle ne sera pas inutile.

Mais la demande qui arrive à ses oreilles la prend plutôt de court. Parler d'elle ? Sans compter la question précédemment posée qui un instant, la laisse interdite. Ce n'est pas habituel, surtout dans sa situation, elle cherche un peu ses mots pour que sa réponse ne demeure pas trop sombre mais c'est impossible d'y voir du positif dedans. Cloîtrée dans une sombre cave pendant tant d'années, que pourrait-elle raconter de joyeux à ce sujet ? Excepté s'amener une crise d'angoisse, elle aussi. La jeune esclave essaie de ne pas rentrer dans les détails ; « Non... Jamais. Je n'aurais pas pu en avoir l'occasion, enfermée comme je l'étais... Je... » Elle bafouille plus que prévu. Inspire un bon coup. « Je n'ai pas grand chose à dire, je le crains, maîtresse. Rien d'aussi palpitant que vous. »

Elle réalise qu'elle n'est pas d'un grand confort, peut-être Livia a-t-elle juste besoin de divertissement pour repousser son malaise, ainsi elle ouvre encore la bouche sur une note plus enjouée qui n'a rien à voir avec son passif - plutôt avec son présent, cette chance qui lui est offerte de repartir à zéro. « Mais je peux vous dire que je suis très impliquée dans ce que je fais ici, et je vous remercie de me permettre de m’épanouir enfin. D'apprendre, de vivre. » Caelia lui lance un sourire timide après s'être exprimée, on ne peut plus sincère.

Caelia était une esclave exemplaire, et Livia ne manquerait pas de faire en sorte que le marchand qui lui ait livré cette merveille soit au courant de sa satisfaction. Elle était certes un peu naïve et n'avait pas beaucoup de conversation, mais elle faisait preuve d'une telle bonne volonté qu'on ne pouvait pas lui en vouloir. Avec un sourire, Livia se laissa pomponner, toujours allongée dans le sofa de sa bibliothèque si familière.

Tant pis si Caelia n'avait rien à dire : rien que le son de sa voix berçait doucement Livia, que les sautes d'humeur avaient épuisée. Elle soupira longuement, se languissant de la présence d'un époux bien trop occupé. Oh, elle pourrait toujours appeler Maximus mais ce ne serait pas pareil.

— Tu es parfaite, Caelia. Parfaite.

Assez du moins pour que Livia ne se laisse aller à la soudaine somnolence qui la prend. La fatigue arriva par vagues, tant et si bien qu'en l'espace de quelques minutes, elle n'eut plus le courage de se lever pour aller chercher un bouquin. Tant pis, elle pourrait toujours faire la sieste tranquillement, sur son sofa. Ce qu'elle ne tarda pas à faire, d'ailleurs.