La Métamorphose | ONE SHOT

Tous avait commencé par les mauvais rêves.

Des cauchemars, Rhea en faisait beaucoup, ces derniers temps. Toutes les nuits, en vérité. Elle n'avait jamais eu le sommeil facile, mais depuis ces quelques jours fatidiques où elle avait perdu tous ceux qu'elle considérait comme sa famille (ainsi que la dernière once de respect qu'elle avait pour ses parents) dans un bain de sang, c'était bien pire. Les visages des esclaves de sa mère revenaient sans cesse, celui de Loras en premier, bien sûr, et avec eux, sa colère et sa culpabilité de n'avoir rien pu faire pour les aider.

Mais ces rêves-ci étaient différents.

Tout était confus, brumeux, dans sa tête. Elle s'était tournée et retournée dans son lit, agitée dans son sommeil. Elle avait entendu des voix... Celle de sa mère, d'abord, distante mais reconnaissable, la voix toujours autoritaire - mais aussi, peut-être, un peu désespérée ? - de Nerva Pavus. Et puis une autre voix, une voix ancienne et étrange, avec quelque chose de différent sur lequel il était impossible de mettre le doigt... Une voix inconnue, qu'elle n'avait jamais entendue avant. Dans le flou de son rêve, il était difficile de distinguer leurs mots, les sons se mélangaient comme perdus dans le brouillard. Mais un mot revenait pourtant, plus clair que les autres, le mot pacte.

Un pacte, un pacte, un pacte impact impact

Et puis la douleur s'était réveillée et Rhea avait ouvert les yeux.

C'était comme si un éclair l'avait traversée de part en part, mettant son corps entier en feu. Elle s'était réveillée brusquement, en sueurs, mais son esprit était toujours embrumé par le sommeil et affolé par la douleur. Elle avait roulé sur le côté sans reconnaître l'agréable chambre où elle dormait dans la maison de son oncle Faustus, à moitié persuadée d'être de retour entre les mains de Nero Pavus et de ses experiences. Avait-elle hurlé ? Elle ne pouvait être sûre de rien. Mais elle avait fini par remarquer des visages autour d'elle, donc sans doute avait-elle du les alerter à un moment ou un autre. Combien de temps s'était écoulé ? Elle n'arrivait à se concentrer sur rien.

Et elle ne comprenait rien à ce qui se passait.

Elle avait déjà souffert, bien sûr. Elle avait toujours eu des problèmes de santé, toute sa vi, et les petits projets de son oncle - son père - n'y avaient rien arrangé. On ne s'y habituait jamais, pourtant. Mais cette fois-ci... Cette fois-ci devait être la pire.

Elle songea qu'elle devait être en train de mourir. Cette pensée soudaine lé réconforta presque. Elle pouvait comprendre ça, la mort... Elle s'était toujours attendue à la trouver très jeune. Et qu'avait-elle à perdre, à présent ? Qu'avait-elle jamais eu à perdre. Son seul regret, si elle mourrait maintenant, c'était que bien des membres de la famille Pavus verraient probablement sa disparition avec plaisir.

Combien de temps s'était écoulé ? Des heures ? Des jours ? Elle finit par retomber dans un état de somnolence agitée. La douleur s'était assourdie, mais son esprit ne s'était pas clarifié pour autant : elle se sentait fiévreuse, toujours plus fiévreuse. A chaque fois qu'elle ouvrait les yeux, la pièce où elle était toujours allongée semblait changer... Le soleil montait et redescendait, transformant les ombres à travers la petite chambre. Parfois, quelqu'un d'autre était installé à son chevet... Parfois, elle était seule. Le temps devait donc bien passer. Et elle était toujours en vie.

Que se passait-il ?

La frontière entre ses rêves et la réalité se faisait de plus en plus floue. Il lui semblait voir du sang - le sien ? - mais était il réel ? La voix de sa mère s'était tue depuis longtemps, mais il lui semblait toujours percevoir des murmures autour d'elle, ou peut-être en elle.

Peut-être était-elle en train de devenir folle...

Au bout d'un moment, elle se mit à alterner entre périodes de perte totale de ses moyens et périodes un peu plus éveillée. Elle apprit que deux jours avaient passé. Qui lui arrivait-il ? C'était difficile à dire. Personne ne semblait le savoir. Elle changeait, lui dit-on. Elle changeait.

Elle demanda à ne pas être enterrée avec le reste de sa famille. A l'instant, cela semblait le plus important.

Deux personnes discutaient à côté d'elle, deux voix préoccupées chuchotant furieusement. Parlant de quelqu'un qui avait disparu... D'une maison laissée en héritage... De quoi s'agissait-il ? Elle voulu poser la question, mais quand elle se tourna pour le faire, elle était seule, et il faisait nuit.

Les ombres semblaient lui murmurer son nom.

Et puis elle du s'endormir, parce que quand elle rouvrit les yeux une nouvelle fois, la lumière du soleil filtrait à travers les volets fermés de sa chambre.

Elle se toucha le menton, lentement, hésitant presque. Mais la fièvre semblait être retombée. Elle avait l'esprit plus clair, lui semblait-il... Et une étrange impression indéfinissable dans son corps, quelque chose semblait différent, mais quoi ?

Elle avait toujours mal. Moins qu'avant, c'était supportable, mais la douleur était toujours là, sourde et diffuse. Pourtant, elle pouvait bouger... Elle pouvait, et elle en avait envie. Combien de temps avait-elle passé dans ce lit ? Trois jours ? Elle devait marcher.

Elle s'assit doucement sur son lit, tremblant légèrement. Elle était seule... Si elle avait crié, quelqu'un aurait sans doute accouru pour l'aider, mais elle ne voulait pas de ça. Fermant les yeux, elle prit une inspiration, tentant de se débarrasser de son vertige...

Elle avait soif.

Il y avait une carafe, sur la table, un peu plus loin. Pour un premier objectif, ça ne semblait pas trop mal. Elle posa précautionneusement un pied sur le sol, appréciant sa fraîcheur sous ses orteils. Mais dès qu'elle tenta de se lever, il se mit a tanguer sous elle. Elle chuta et se retrouva par terre, sur ses genoux :  elle pouvait entendre son coeur battre furieusement dans sa poitrine. En vie. N'était-il pas si étrange qu'elle soit en vie ?

Déterminée, l'adolescente se releva en prenant appuis sur le bord du lit et fit les quelques pas vers la table. L'eau n'était pas très fraîche, et elle en renversa une bonne partie, mais ça ne l’empêcha pas de la savourer.

Et puis elle aperçu son reflet dans le mirroir de l'autre côté de la pièce... et laissa tomber son verre.