Welcome to Skyhold | Ft. Raza

Voyager, il n’y a rien de plus agréable en temps de paix. Découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles personnes, discuter, apprendre, se battre parfois, passer une agréable soirée à boire et à rire dans des tavernes, ça c’est agréable. Malheureusement, nous ne sommes pas en paix et voyager s’avère dangereux et risqué même pour un guerrier aguerri comme moi. J’avais beau être un habitué du genre, je prenais toujours d’infimes précautions pour éviter de faire de mauvaises rencontres. Mais aujourd’hui, on pouvait aisément comprendre que je jouais de malchance. Une petite troupe d’engeances me barrait la route. Pourtant, je n’avais pas atteint encore les Dorsales de givre. Leur présence me rappelait que l’Enclin n’était pas terminé, malgré cette victoire décisive à la Forteresse Céleste. J’avais ma claymore dégainée, prête à mordre les chairs qui passeraient à sa portée. Mon Mabari, vieillissant, certes, mais d’une robustesse à toute épreuve, se tenait à ma gauche, les babines retroussées, lui aussi était prêt à mordre et on pouvait compter sur lui pour que ces saletés de monstres y laissent des plumes. Même s’il était borgne, il n’était pas fragile.

Je restais quelques minutes à les regarder, deux de ces choses gisaient déjà mortes au sol, c’est ce qui avait sans doute poussé les autres à se montrer plus prudentes. Mais je n’avais pas le temps. Finalement, avec un sifflement pour mon compagnon de combat, je chargeai. Lars me suivit sans hésiter, me devançant sur la gorge d’une engeance. Ma lame fusa et trancha un autre en deux de manière net et propre. Son armure m’avait à peine ralenti. Pivotant, alors que le monstre mordu par Lars tentait de se dégager en essayant de le poignarder, ma lame décrivit un arc de cercle et le bras armé de la chose s’envola dans une giclée de sang noire et poisseuse. Le dernier hurla en me chargeant, mais, avec une esquive rapide, aidée par le poids de mon arme, je lui décochai un coup de pied dans le ventre. Je réarmai mon bras et décapitai proprement ce dernier ennemi. Lars venait d’achever le manchot en lui arrachant la gorge. Avec une petite caresse derrière l’oreille, celle qu’il affectionnait le plus, je rangeai mon arme, puis j’allais chercher mon carreau. J’avais tué le premier depuis mon cheval avec mon arbalète. Le crâne transpercé par l’impact, il n’a jamais vu qui l’avait tué. Je remontai ensuite à cheval et je repris ma chevauchée, mon animal de compagnie trottinant à côté de mon cheval.

Je voyais enfin les contreforts de la Forteresse, elle avait quand même pris un sacré coup. La plupart des murs de pierres étaient éventrés et des barrières en bois servaient de murs temporaires mais il y avait fort à faire pour rendre à cet endroit toute sa majesté. Un vent assez froid, à cause de l’altitude, soufflait et j’avais été obligé de sortir ma vieille peau d’ours pour ne pas geler sous mon armure. Lars, lui, ne semblait pas affecter par le froid et jouait dans les tas épars de neige qu’il voyait sur la route. Il approchait des huit ans, mais avec la neige, on aurait cru voir un jeune chiot tout fier. Je finis par entrer dans la Forteresse, après mettre identifier, évidemment. On prit mon cheval pour le bouchonner et j’allais me débarbouiller, du sang d’engeances et de la poussière. La nuit tombait à présent et je pourrais enfin dormir sur mes deux oreilles dans cet endroit. Le voyage depuis la Forteresse inébranlable avait été long mais relativement agréable. Après m’être nettoyé, j’allais m’installer près d’un feu pour me réchauffer. J’espérais aussi à manger, car mon estomac commençait doucement à crier famine.

Je devais être assis depuis moins de cinq minutes quand une voix familière parla dans mon dos. Un sourire ravi se dessina sur mon visage, il y avait donc des visages amis dans ce château. Je levai la tête et répondis avec un ton enjoué.
"Isobel, heureux de te voir."
Elle s’installa près de moi et demanda comment avait été mon voyage, j’eus un léger soupir.
"Long. Relativement calme, malgré une petite patrouille d’Engeances un peu avant les Dorsales de Givre, rien de particulier."
Je n’avais pas vu Isobel depuis un certain temps. C’était donc un vrai plaisir de la voir. Je la connaissais depuis un certain temps maintenant, on avait fait quelques missions ensemble, surtout quand la Garde de Férelden et d’Orlaïs se devait de travailler de concert. Et puis il y avait la Bataille pour la Forteresse dans laquelle son fessier était installé. Il avait pris de bon coup et son compagnon aussi. Il dormait tranquillement, dès qu’il était arrivé, il avait eu droit à un repas, alors que le sien tardait, et il s’était affalé près du feu où il profitait d’un repos mérité.
"Les nouvelles d’Orlaïs sont assez moyennes, je pense. Ehgan court à travers tout le pays pour trouver des recrues et au vu des rapport, ce n’est pas rassurant, mais c’est pareil à Férelden, je te rassure. L’Agent de Férelden commence à écumer les prisons, pour te dire à quel point ce n’est pas réjouissant. Enfin, je dis ça, c’était il y a deux mois déjà, ça a pu changer depuis. Malgré mes seize années de bons et loyaux services, le Commandeur de Férelden me prend pour un faucon voyageur, mais on dira que c’est parce qu’il me fait confiance. Et toi, la Forteresse se relève ou c’est aussi compliqué que ta mine le laisse présager ?"

J’avais parlé de l’expression soucieuse d’Isobel, mais ce n’était pas la seule chose qui me montrait la situation, le regard légèrement perdu, comme si elle était toujours concentrée sur un objectif qu’elle seule voyait, les légers cernes sous les yeux prouvant le manque de fatigue. Je connaissais cela aussi bien que tout autre, j’avais souvent eu cette mine-là à la guerre ou quand la voix dans ma tête se faisait plus présente. Je dois d’ailleurs avouer qu’actuellement, le fait qu’elle se fasse discrète me faisait le plus grand bien. Je haussai légèrement les épaules à la question d’Isobel, je lui répondis doucement
"C’est ce qu’il se passe quand on a de lourdes responsabilités, comme toi avec Fort Céleste. Sa reconstruction prendra du temps, on le sait tous. Essaie peut-être de déléguer à des personnes dont tu es absolument sûre de leur fiabilité."
J’essayais toujours d’aider quand je le pouvais. Ce travail était, à mon sens, presque plus important que de combattre l’Engeance. Garder une cohésion entre nous autres, membre de la Garde des Ombres, était nécessaire et extrêmement important.

Je ne pus que rire devant les mots d’Isobel à propos d’Ehgan. Ehgan une patience de moine, je crois que c’était la meilleure blague que j’avais entendu depuis des semaines. Et rire de bon cœur me faisait du bien. J’en avais besoin, cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas ri. J’avais eu la mine sombre et grave pendant tellement de temps que je crois que j’avais oublié le son de mon propre rire. Je secouai la tête avant de répondre, toujours souriant de toutes mes dents, comme je le faisais si souvent quand j’étais amusé.
"C’est même le contraire, mais elle n’a pas vraiment le choix. Nos combattants sont réduits, trop réduits. Si l’Archidémon attaque maintenant nous serons aisément vaincus. Et malgré que le temps passe pour moi, je préfère rester encore en vie quelques temps, si tu vois ce que je veux dire."
J’avais passé plus d’une quinzaine d’années à combattre aux côtés de la Garde des Ombres et très franchement, j’espérais dépasser la vingtaine, mais on ne sait jamais avec le sang qui parcourt nos veines quand le Dernier Appel se fera ressentir. Je vis une personne approcher du coin de l’œil. Mon repas. Je souris en prenant le bol chaud avec les deux mains. Je remerciai rapidement la personne qui me donnait ce bol de soupe, ce serait frugal, mais au moins j’aurais le ventre plein. Je pris une cuillérée alors qu’Isobel me posait une question. Je haussai les épaules.
"Franchement, non. Je ne l’ai pas vu, à croire qu’il nous évite. Je suis resté huit jours à le Forteresse et il devait me recevoir trois fois, pas une fois je l’ai vu. Bien malheureusement. J’aurais eu des nouvelles à donner au Garde-Commandeur de Férelden, mais c’est ainsi, je n’y peux rien."
Je repris une autre cuiller de soupe et je regardai de nouveau Isobel, j’avais besoin d’un bon repos et je pouvais encore rester ici quelque temps. L’idée me paraissait belle alors je tentai le coup.
"Si tu veux, je peux rester ici quelques temps. Je n’ai pas grand-chose d’autres de prévu actuellement et j’ai pas envie de faire encore un mois de voyage vers Férelden. Enfin, pas dans l’immédiat en tout cas."
Ma proposition était soudaine et pas forcément bienvenue, mais un visage amical et aidant pourrait faire du bien à Isobel. Ça me ferait aussi pas mal de bien de rester au même endroit plus de quelques jours. Mais tout cela ne serait possible qu’avec l’accord de la Garde des Ombres qui se trouvait devant moi.