Destins Croisés

destins croisés.

─ passés oubliés ─

Je n'ai jamais réellement quitter le Manoir des Pavus. Du moins, jamais de cette manière, en tout cas. Car si j'appréciais sortir dehors afin de profiter un peu d'air qui semblait me manquer à l'intérieur de la demeure, j'étais rapidement rappelé à la réalité alors que mon propriétaire tirait sur mes chaînes de la même manière qu'on traînerait un chien en laisse. Sans parler de mon état qui semblait se dégrader au fil du temps. De cette exhibition malsaine de mes blessures à la vue de tous. La plupart du temps, rares étaient les tévintides qui se retournaient pour me dévisager et s'étonner de mon accoutrement et pourtant, cela ne changeait en rien la sensation qui me tiraillait à chaque fois que je quittais le manoir pour un autre endroit. D'ailleurs, j'appréciais également rarement rejoindre les lieux habituels où Nero se rendait. Qu'ils soient publiques ou privées, c'était une nouvelle fois l'occasion de m'exposer, de m'humilier. Et d'ailleurs, je dois dire que je ne fus guère enjoué à l'idée de rejoindre la demeure de son cousin, le divin noir en personne, après le comportement que j'avais pu avoir à l'égard auprès de cette personnalité. Je me disais que tôt ou tard, l'homme finirait par se remémorer et quémander à ce que je sois remis sur le droit chemin, corrigé. Or, Nero ne manquait jamais un instant pour me recadrer. Je risquais de passer un sale quart d'heure, pensais-je. Mais pouvais-je seulement refuser de le suivre ? Non, je n'avais tout bonnement pas le choix.

Résigné, c'était donc en me faisant le plus discret possible que je m'étais déplacé avec mon maître jusqu'à la maisonnée du Scaevola, espérant n'être qu'une ombre que l'on finirait par oublier durant leur entrevue. Néanmoins, j'oubliais rapidement mes planifications prochaines afin de me faire délicat lorsque je découvris la présence incongrue d'une figure que je connaissais bien. Lui-même, d'ailleurs, semblait m'avoir reconnu également. Tout les deux, nous ne dîmes rien durant les premières secondes de nos retrouvailles avant que Waylian ne me tirent pour m'emmener vers un endroit plus calme, plus éloigné des deux mages tévintides. L'elfe me demanda alors ce que je pouvais bien faire en ces lieux et je ne répondis pas tout de suite à sa question. En réalité, je n'arrivais pas à en croire mes yeux aussi. Je pensais que cela devait être un piège de Nero qui devait sans nul doute s'amuser à me voir fréquenter des fantômes du passé. Des fantômes qui se retrouvaient dans la même situation que la mienne... Du moins, c'est ce que je supposais. ≪ - Je... Quelqu'un m'a parlé de Tévinter en bien pour les mages qui souhaitaient être libres... Alors je suis venu ici... Et toi ? Ne me dis pas qu'il t'es arrivé la même chose ! ≫. Qui sait. Peut-être que cette Marianis était une esclavagiste ? Qu'elle attirait des pauvres créatures sur ces terres avant que quelqu'un ne se présente pour nous encager ?Cependant, je ne voulais pas y croire. Je voulais m'imaginer que cela n'était rien de plus qu'un pur hasard. Qu'en ces temps troublés, il était normal que des apostats aient eu une idée semblable à la mienne afin de préserver leur liberté ; vainement en ce qui concerne les elfes. C'est alors que je me suis mis à rougir, me souvenant à quel point ma situation devait être choquante. Lui qui m'avait connu comme étant un riche elfe, paré de beaux costumes et de magnifiques bijoux, voilà qu'il me découvrait couvert de haillons, le cou et les poignets entravés par des chaînes, sans parler de mon corps souffrant de la maltraitance, des tortures. De la belle créature, j'étais aujourd'hui déchu de ma splendeur jadis protégée. ≪ - Je... Je suis désolé... Je ne voulais pas que tu me vois dans cet état déplorable. ≫ m'exprimais-je alors soudainement afin d'expliquer ma soudaine timidité liée à la honte de mes nouvelles conditions de vie.

destins croisés.

─ passés oubliés ─

Alors que tout les deux, nous nous retrouvons dans un coin éloigné des deux autres hommes occupés à leurs petites affaires, les interrogations fusent déjà et je lui demande à son tour comment il a pu se retrouver dans la même situation que la mienne. Il s'avère donc que la même idée lui était venue en tête sauf qu'il n'a eu l'aide de personne pour pouvoir prendre une décision contrairement à moi. ≪ - Tu... Tu veux dire que tu es venu ici en sachant les risques ? ≫. Je hausse un sourcils. Si moi-même j'aurais été mieux renseigné par rapport au sort que l'on réservait aux elfes, jamais je n'aurais pris le risque de m'aventurer ici, même en pesant le pour et le contre en faisant la différence entre les Cercles et l'esclavage. Du moins, peut-être que je pouvais me tromper. Après tout, quand on voyait l'était de Waylian, on pouvait supposer que l'asservissement n'était pas si mal en ce qui le concernait. Au moins, il était logé, nourrit et peut-être avait-il le droit à d'autres privilèges tandis que je ne pouvais espérer obtenir une quelconque bénédiction venant de la part de mon propre maître. À partir du moment où il m'avait fait prisonnier, je ne pouvais très certainement plus lui défaire l'idée que je lui devais tout. Absolument tout. Aussi mon état mental s'était très certainement dégradé en même temps que mon état physique au court du temps. Jusqu'à maintenant, je n'avais eu personne sur laquelle je pourrais me reposer, j'avais dû tout encaisser et accepter la fatalité de cette situation dégradante qui était devenue quotidienne. Et pour y faire face, j'ai dû passer à l'état de rebelle pour finalement devenir plus triste, plus docile. J'essayais de croire que tout ceci ne serait qu'un cauchemar et que je finirais par me réveiller un beau jour. Néanmoins, cela devenait délicat dans ce genre de situation, où l'on retrouvait des visages familiers qui vivaient la même chose que vous. Ou presque, vu qu'il n'était pas aussi abattu que je pouvais l'être moi-même. D'ailleurs, j'aurais très probablement pu ressentir de la jalousie et faire l'éhonté face à cette inégalité mais je savais que cela me ferait probablement plus de mal que de bien. Je préférais me saisir de cette main qu'il me tendait, de son soutient. ≪ - Oui, je sais mais... C'est délicat à expliquer... ≫. Il avait raison. Je ne devais pas avoir honte pour ce qu'il m'avait fait. Je devais rester fier, fier de ce que j'étais. Mais le temps défile et l'espoir aussi. Il m'avait arraché toute dignité. À cause des insultes, des coups et des abus. Il avait même osé graver des blâmes sur ma chair, de la même manière que l'on marque du bétail... Alors qui resterait encore digne après toute cette souffrance ? Certainement pas moi. Mais je balayais ces pensées d'un revers de bras pour me concentrer sur Waylian qui m'évoqua le fait qu'il avait eu de la chance en fuyant et que, bien évidemment, il l'avait fait afin de ne pas se retrouvé enfermé dans les Cercles à son tour. ≪ - J'aurais dû retrouver les Dalatiens. ≫ m'exprimais-je soudainement, comprenant qu'aujourd'hui, un elfe ne pouvait pas avoir meilleure position que parmi ses semblables.

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─ passés oubliés ─

Waylian secoue la tête, presque timidement. J'ai le sentiment qu'il n'ose pas l'affirmer, et pourtant, il s'est bien rendu à Tévinter même en connaissance de cause. J'ose sourire un instant. C'est un défi fou qu'il avait cherché à relever, au lieu de cela, il s'était perdu tout comme moi... Pourtant, quand on se rendait compte des opportunités qui nous étaient données, on comprenait rapidement pourquoi on avait osé agir de la sorte ; à travers tout Thédas, les mages étaient enfermés dans des Cercles et le seul endroit où ils ne sont pas, les elfes ne sont pas la bienvenue non plus. Parfois, je me demandais bien ce que j'avais fait pour être ainsi maudit. Avoir non seulement la malchance d'être considéré aussi différemment que le reste de la population et, dernièrement, tomber sur le pire maître que l'on puisse imaginer à Tévinter. À croire que le Créateur m'en voulait pour une raison ou pour une autre... Néanmoins, je gardais l'espoir d'une seule et unique terre qui saurait m'accueillir ; celle des elfes dalatiens... Oui. Je crois qu'il ne pouvait y avoir meilleure solution. Même si ces derniers ne sont pas forcément aimables avec les citadins. Qu'il fallait faire preuve d'une persévérance inouïe pour finalement se faire accepter. S'engager en reniant tout ce que l'on avait connu pour une culture différente. Pourtant, malgré tout les sacrifices, je pense que je pourrais m'habituer à cette existence différente, oui. Surtout après le voyage périlleux que j'avais mené et la situation désastreuse dans laquelle je me trouvais dorénavant. Situation que Waylian me proposait d'améliorer en l'acceptant tout simplement. Mon sourire s’agrandit alors à nouveau, mais cette fois-ci, il était bien plus triste. ≪ - Si seulement ce n'était que ça... Il ne me fait pas mal uniquement pour me punir. C'est comme un jeu pour lui. De la même manière qu'un chat s'amuserait avec un oiseau... Et dorénavant, il montre également l'exemple à son fils qui se complaît dans ce divertissement désagréable... Qu'importe mes actions donc, il trouvera toujours quelque chose pour m'écraser et rappeler où se trouve ma place. ≫. En effet, me soumettre complètement face à lui reviendrait probablement à montrer ses faiblesses et céder un peu trop aisément à ses caprices. Au moins, face à mes révoltes, il avait une bonne raison de me faire du mal et je prouvais, de la même manière, qu'il n'avait pas complètement gagné. Que jamais il n'arriverait à me dresser et que si les chaînes et les murs de sa bâtisse ne cessent de me remémorer mon asservissement, au plus profond de moi, je restais libre. Libre de penser et d'avoir un avis. Libre de me battre pour retrouver ma liberté physqiue par tout les moyens. Cependant, je ne me faisais pas d'illusion. Il était désormais trop tard pour faire marche arrière.

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─ passés oubliés ─

Waylian saisit parfaitement la situation et il est tout comme moi. Impuissant face à ce qu'il nous arrive. Parce qu'il a beau avoir plus de droits que ma petite personne, il reste un esclave avec des devoirs qu'il ne pouvait déroger au risque de se faire punir. Et si moi je m'étais fais aux punitions, je ne voulais pas qu'il quitte sa place agréable pour se retrouver dans la même position que moi. Je me sentirais coupable. Terriblement coupable. Non. Qu'il profite de cette situation. Qu'il ne se préoccupe pas de moi, c'était mon destin, je devais me débrouiller de part moi-même. De la même manière que je n'avais pas parler à Waylian de la destination où je voulais me rendre avant de quitter Val Royeaux. D'ailleurs, si je lui aurais parlé, je ne serais probablement pas dans cette situation présentement. Je serais probablement en fuite, mais j'aurais choisi un autre milieu, une nouvelle idée. Je ne me serais pas montré aussi buté envers les autres personnes qui m'avaient tendu leur main tel que Ysilla ou Wilhelma. Je ne me serais pas seulement contenté de la douce Mage immaculée qui m'avait parlé de cette contrée en bien ; pour la seule et unique raison que les mages se retrouvaient en liberté. ≪ - Non, ne t'excuses pas. Ce n'est pas de ta faute également. ≫. C'était plus de ma faute que celle de Waylian en vérité. Néanmoins, il ne voulait pas s'arrêter sur un échec, proposant d'autres alternatives. Diverses choses qui pourraient nous permettre de nous retrouver ou communiquer même s'il avait bien conscience que cela sera plus délicat que l'on ne pourrait l'imaginer. Surtout de mon côté. Cependant, rien n'est perdu. Aussi je propose ≪ - Ils sont cousins. On pourra se retrouver à chaque fois que l'un de nos maître va chez l'autre. Comme aujourd'hui. ≫ fis-je alors avant d'afficher un petit sourire. Si Nero ne m'emmenait pas forcément avec lui, cela arrivait malgré tout assez couramment. J'avais ainsi l'espoir de revoir Waylian malgré moi. Le retrouver et certainement pouvoir lui donner des nouvelles et lui dire que tout allait bien. Que le magister ne s'était pas encore débarrassé de moi lors d'un sacrifice ou que sais-je. Mais plus rien ne serait comme avant cependant. Nos rencontres se baseraient certainement plus sur les dragues de Waylian et ma timidité démesurée ou sur le quotidien que l'on pouvait mener à Val Royeaux. Il ne serait plus question que de notre culpabilité, de notre pitié pour l'autre. Et savoir si l'autre se portrait toujours aussi bien. Qui sait ce que Faustus ferait un jour de lui ? J'avais à peine parlé au Divin Noir mais je savais malgré tout assez bien sa répulsion envers notre espèce... Se pourrait-il qu'il ne la montre pas aussi franchement envers Waylian ? Ce dernier reprend d'ailleurs la parole mais il se coupe rapidement. ≪ - ...Oui ? ≫. Je fronce les sourcils, interloqué par cette interruption soudaine. Qu'est-ce qu'il voulait me dire ? Pourquoi se retenait-il ? Ne voulait-il pas me blesser et cherchait-il ses mots ?

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─ passés oubliés ─

Oui. Au final, peut-être que cela ne sera pas si compliqué que cela de se rencontrer. Qu'il suffisait simplement à ce que les deux hommes aient l'envie de se voir pour finalement se retrouver. D'ailleurs Waylian ne termine pas sa phrase. C'est que, peut-être, finalement, il est tout aussi convaincu de moi de cette solution. Je souris finalement, oubliant presque ma situation de serviteur pour finalement me concentrer sur celle de mon ami. En réalité, j'ose à peine croire que le Divin Noir en personne puisse s'être procuré un elfe qui aurait pu être tout aussi sauvage que ma petite personne ; un elfe qui avait goûté à la liberté et qui ferait certainement tout le nécessaire pour retrouver ce qu'il avait perdu. Parce que j'avais bien vu le regard que m'avait jeté Faustus lors de notre première rencontre. C'était de la méfiance. Et qui plus est, s'il s'était emporté à mon égard, alors que j'avais évoqué un point sensible, il n'avait pas réagit lorsque j'avais fait preuve de révolution. Certes, le fait que je sois le bien de Nero et non le sien faisait en sorte que. Mais tout de même. Les deux hommes n'étaient-ils pas assez proches pour que Faustus en vienne à prendre les pincettes avec moi ? S'il aurait voulu me faire fouetter sur le champs, j'étais persuadé à l'idée que Nero aurait laissé coulé. Parce que tout les deux auraient considéré cela comme purement mérité. Mais voilà que le Divin se trouve un nouveau jouet aussi. Une créature qui me ressemble quelque peu si l'on cherchait bien. Car Waylian aussi possède cet accent qui définit les Orlésiens. Lui aussi, il est un elfe et lui aussi, il est un mage. Parfois, j'ai envie de croire que Faustus avait tout simplement eu l'envie de copier Nero, de la même manière qu'un garçon qui copiait son aîné afin de suivre ses pas. Cela rendait l'homme presque touchant malgré la litige que l'on avait pu avoir. ≪ - ...Il... Il est gentil avec toi ? J'espère que tu n'as pas évoqué Andrasté. Il aurait pu l'être avec moi si seulement je n'avais pas commis cette erreur. Mais il s'est emporté et, bien sûr, j'ai également réagi au quart de tour. ≫. Cela avait été plus fort que moi. Parce que je n'avais pas compris comment on pouvait être aussi susceptible juste à cause de quelques mots lancés. Tout simplement parce que j'avais une religion différente. Mais en vérité, je ne savais plus vraiment en qui croire désormais. C'était à cause de la jeune femme si je me retrouvais aujourd'hui dans cette situation. C'était également de sa faute si les mages devaient fuir pour préserver leur liberté. Désormais, elle nous tournait le dos. Cela était sans doute à mon tour d'en faire de même.

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─ passés oubliés ─

Je fus surpris d'entendre à voix haute que le Divin Noir pouvait être agréable avec Waylian. Comment cela pouvait-il se faire ? Comment cela pouvait-il être possible quand je me souviens avoir perçu tout le mépris que l'individu avait porté à mon égard et, plus généralement, à mon espèce ? L'homme avait-il finalement réussi à faire fi de la nature de Waylian pour finalement le considérer d'avantage que ma petite personne ? Probablement. À moins que cela ne soit le côté docile de mon ami qui faisait en sorte que cela se passe ainsi... Mais cela n'empêchait pas également le fait à ce que l'elfe soit tout aussi esclave que moi. Même si en apparence, il était mieux traité, il avait la même position que la mienne. Aux yeux du reste des Tévintides, il ne valait pas mieux que du bétail ou un bien que l'on pouvait revendre et acheter. Qu'un jour, il finirait sa vie dans un sacrifice pour la magie du sang, comme me l'avait promis Nero lorsque je lui serais inutile ? D'ailleurs, en parlant de l'homme, il finit par apparaître, comme s'il avait lu dans mes pensées. Je me fige un instant. Pendant quelques minutes, j'avais eu le sentiment d'être libre à nouveau ; de pouvoir parler à mon ami sans à chercher mes mots pour ne pas blesser quiconque. M'exprimer comme je l'entendais. Et voilà que je retournais à ma position initiale. Que j'allais devoir retourner au sein de la maisonnée, de cet enfer sur terre. Que j'allais devoir subir les caprices de mon propriétaire. Mais je n'ai pas d'autre choix, je dois y aller. ≪ - À bientôt. ≫ fis-je alors par résignation et de faire volte-face pour courber instinctivement l'échine et de me précipiter en direction du Magister Pavus, semblable à un chien qui retourne auprès de son maître. Bien sûr, je le sentais aussi ; j'allais probablement revoir Waylian prochainement... Mais combien de temps allais-je devoir attendre avant de le retrouver ? Combien de temps allais-je devoir continuer mes activités humiliantes de serviteur avant de revenir à la maison de Faustus pour revoir Waylian ? Seul l'avenir allait me le dire.

- f i n -