❖ « There is nothing I can't get through » [PV : Sextus Tilani]

There is nothing I can't get through

I'm not gonna give up the fight and die like that

La nuit n'allait pas tarder à tomber. Si l'obscurité n'avait jamais été une bonne compagnie aux yeux de Caelestis, depuis ces derniers mois c'était devenu encore plus difficile à supporter. A présent, il avait peur de ce qui pouvait s'y cacher, ce qui pouvait y rôder. Des menaces qui s'y tapiraient pour mieux lui sauter à la gorge, au moment où il s'y attendrait le moins. Les souvenirs de cette horrible nuit n'arrêtaient pas de tourner en boucle dans son esprit. Une lame qui s'enfonçait dans la poitrine de sa tante pour en ressortir teintée d'écarlate, soulignée par la lumière blafarde de la pleine lune. Des rires qui avaient résonné quand lui n'avait montré aucune résistance. Des coups inutilement distribués. Et ce n'avait été que le début du cauchemar.

Comment le jeune mage avait fait pour s'enfuir de la Flèche Blanche ? Lui-même ne le savait pas trop. Enfin, si, bien sûr. On l'avait aidé à prendre la clef des champs, et jamais il ne pourrait suffisamment remercier cette personne qui avait eu la bonté de le libérer de sa prison. Caelestis se voyait déjà mourir là-bas. C'est pourquoi il peinait à réaliser qu'il se trouvait à présent sur ce chemin terreux, traversant un petit bois, au crépuscule. Chacun de ses pas lui demandait un effort quasi surhumain. Il lui paraissait que chacun de ses muscles le faisait souffrir, d'une façon ou d'une autre. La bouche sèche et pâteuse à cause du manque d'eau, il rêvait de se laisser tomber sur le bas-côté. Oh, comme la perspective d'enfin se reposer était séduisante... Mais une petite voix au fond de lui hurlait de ne surtout pas y céder. S'il s'arrêtait de marcher, il ne recommencerait jamais. Et il était si près du but, si près !
Dans l'obscurité qui s'épaississait de minute en minute, Caelestis trébucha sur un caillou affleurant hors de terre. Avec un juron étouffé, il parvint à se raccrocher à un tronc d'arbre, sur le bord du sentir. Là, il s'accorda quelques instants de répit. Sourcils légèrement froncés, il baissa les yeux vers ses jambes, sentant qu'elles étaient anormalement humides. Une grimace tordit son visage. La parodie de pantalon qu'il portait, en lambeaux, était imbibé de sang. Le sien, évidemment.

- Oh non... souffla-t-il d'une voix éteinte, si faible qu'il s'entendit à peine. Les plaies s'étaient rouvertes. Et, sans savoir vraiment pourquoi, il paria que cette étrange absence de douleur ne devait pas être une bonne nouvelle. Il imaginait sans peine ses brûlures s'être infectées ou la peau se détacher à ces endroits-là. Un frisson de peur lui parcourut le dos, et lui donna l'impulsion nécessaire pour reprendre la route.

Toute la nuit durant, il marcha, poussé par la profonde envie de retrouver un endroit qu'il appréciait par dessus tout, auprès d'une personne où il se sentirait enfin en sécurité. Dût-il en mourir pour y parvenir, il ne comptait pas baisser les bras pour autant.
Pourtant, quand il arriva finalement en vue de son objectif, la villa Tilani, ses jambes refusèrent de le porter plus loin, ou même de seulement le soutenir plus longtemps. Caelestis s'effondra là, à quelques dizaines de mètres à peine de l'imposante porte d'entrée, incapable de se relever. C'était si ridicule qu'il en aurait bien pleuré de frustration. S'il n'était pas trop épuisé pour ça.

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THERE IS NOTHING I CAN'T GET THROUGH

Les bougies lançaient dans la pièce une lumière jaune et vacillante, à cause du vent pénétrant par la large fenêtre; il soulevait aussi légèrement les papiers du bureau, au dessus desquels était accoudé Sextus; de petites lunettes d'or, posée sur le bout de son nez pour protéger ses yeux de la fatigue, il comptait les chiffres, jouait avec les nombres, raturait, ajoutait, ses doigts tachés d'or de la plume. C'était une part de lui que les gens connaissaient peu, ou ne désiraient pas voir. Son image de jeune indécent le dépassait, lui promettant couverture d'or et de luxure à qui ne connaissait que son nom; pour une part seulement. Chez les commerçants, les personnes d'argent, le peuple des nains, Sextus Tilani avait une réputation toute autre; et celle- là également il la travaillait; c'était moins plaisant, mais tout autant vif pour son esprit qui s'aiguisait à obtenir le meilleur possible de chaque personne ou situation, que ce soit pour le plaisir ou le succès. Ainsi une règle tacite parcourrait la maison, on ne dérangeait le maître pendant les compte; c'était l'assurance de garder les conditions idéales qui étaient partagées, de serviteurs à esclaves, bien loin de la vie qu'ils pouvaient avoir dans d'autres demeures de Qarinus ou de Tevinter. Cependant, ce soir la règle ne fut respectée. Ivo apparut sur le parvis de la porte, claquant cette dernière légèrement pour le déranger le moins possible mais le tirer de ses affaires. "Oui ?" demanda-t-il sans quitter ses chiffres des yeux, deux doigts sur la tempe, concentré sur ce qu'il était en train de faire. On lui annonça qu'un homme en sang avait été trouvé à quelques pas de la porte, il souleva un sourcil mais ne se dégagea pas de son occupation. "Et alors ? La garde a été prévenue ? Nous ne sommes hospice." Il sentait toutefois qu'il y avait plus, on ne l'aurait dérangé pour simple chose, et effectivement, le nom de la personne fut lâchée. Caelestis Tenera avait été reconnu en cette victime ramassée dans la rue. Sextus lâcha sa plume et se retourna brutalement vers Ivo qui lui indiqua que le jeune noble était déjà prit en charge dans l'une des chambres d'amis. Posant lunettes et lâchant papier, laissant à son homme de confiance le rangement rapide des affaires privées, il se précipita vers la direction indiqué.

Un fois dans la pièce, où s'afféraient esclaves réveillés, il eut une grimace de surprise, mais pas de celles positives. L'état de son ami, disparu depuis quelques mois, était terrible, entre la saleté et le sang, Sextus donna des ordres rapides "déshabillez-le, ramenez de quoi le panser, boire et manger et laissez-nous." Il observa puis une fois que cela fut fait, il se rapprocha de son ami. Non pas qu'il ait refusé de le faire avant, mais il avait besoin de réfléchir et de se concentrer. La magie de soin n'était pas son fort, comme tout magister se respectant, il en connaissait au moins les bases, mais savait qu'il lui faudrait concentration et minutie pour faire cela correctement, c'était après tout la seule magie où celle du sang ne lui apporterait support; ainsi il lui fallait plus de calme que des esclaves courant partout et c'est ce qu'il fini par obtenir. Il put alors enfin se poser aux côtés de Caelestis, posant sa main sur la blessure lui semblant la plus urgente, tandis que la seule esclave qu'il avait autorisée à rester, pansait silencieusement les autres. La magie coulait et fonctionnait, mais cela le fatiguait plus que de mesure tandis que ses yeux observaient les autres plaies. "Que t'es-t-il arrivé mon ami ?" demanda-t-il, il ne savait si Caelestis était en état de l'entendre, mais il tentait sa chance, la rage et l'envie de vengeance coulant déjà dans son sang. "Réveille-toi je t'en prie..." c'était le plus important. Sextus ne comptait que peu d'amis en qui avoir une réelle confiance, et encore moins de personnes capable de lui rendre, Caelestis était de ces rares perles, et il n'aurait aucunement voulu qu'elle lui glisse entre les mains, dans le sang et la boue.

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Le monde avait disparu derrière une multitude de points blancs lumineux. Les sons étaient devenus lointains, comme étouffés derrière d'épaisses couches de tissus. Puis finalement, il avait sombré dans une sorte d'état second. Pas tout à fait conscient, mais pas évanoui pour autant. La perception qu'il avait de ce qu'il se passait autour de lui était plus que limitée, cependant. Caelestis réalisa pourtant qu'on le portait, qu'on parlait autour de lui. Il sentit qu'on le déposait quelque part, et pour la première fois depuis longtemps, ce n'est pas le contact dur du sol qu'il ressentit, mais la douceur d'un matelas on ne peut plus confortable. Son corps meurtri en était on ne peut plus reconnaissant.
Au moment où, apaisé qu'il se sentait qu'on prenne enfin soin de lui au lieu d'empirer les choses, le jeune mage se dit qu'il s'accorderait bien le luxe de se laisser glisser dans un profond sommeil réparateur, une voix qu'il connaissait à la perfection vint chanter à son oreille. Aussitôt, ses neurones eurent un sursaut, se remirent à se débattre. Les souvenirs affluèrent, des souvenirs qui l'avaient poussé à tenir, à revenir à Qarinus en vie.

Malgré le brouillard qui l'enveloppait, Caelestis fut presque certain de sentir une main se poser sur sa poitrine. Une douce chaleur ne tarda pas à se dégager de cette zone, se propageant lentement mais sûrement à tout le reste de son corps. De la magie de soins. En tant qu'expert -ou du moins fin connaisseur- en la matière, il ne pouvait que la reconnaître. Ce n'était pas grand chose, mais il avait déjà l'impression d'aller un peu mieux. Il se sentait plus vif, au moins mentalement parlant. Physiquement... Eh bien, c'était autre chose. Mais pas de précipitation. Cela viendrait en son temps.
Il fallut une bonne dizaine de minutes au mage pour rassembler suffisamment de forces pour prendre la parole, d'une voix encore éteinte, un peu éraillée.

- C'est une longue histoire... Avec précaution, presque comme s'il craignait que même ses paupières le fassent souffrir, il rouvrit enfin les yeux, pour les poser sur le visage qu'il espérait tant voir. Son coeur fit un bond dans sa poitrine, et un sourire s'esquissa sur son visage fatigué. Sextus Tilani, son plus vieil ami, son plus proche ami, et l'homme auquel il portait de profonds sentiments depuis son adolescence. Sans avoir jamais osé lui en dire quoique ce soit, évidemment. Caelestis arracha une main au matelas pour venir poser un index sur son torse. Tu as l'air en pleine forme. Mais arrête ta magie, tu vas t'épuiser pour rien... Je suis désolé de te causer tant d'ennuis.

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Caelestis restait fidèle à lui-même, d'une douceur à tout épreuve. Cela frappa Sextus, comme une vague de soulagement, dès que son ami prit enfin la parole et ouvrit les yeux. Il n'était pas comme le reste des Tevintides; il avait le coeur trop bon, et ce depuis toujours. Pour certain son amitié avec Sextus était étonnante, troublante peut-être, mais elle remontait à des temps lointains, où déjà enfants, ils passaient leurs journées ensemble, dans la tendresse de la jeunesse et sa relative innocence. On sentait que Cae était allé en enfer et en était revenu, et pourtant, il ne semblait pas avoir changé; son calme était presque contagieux, et Sextus se sentait déjà plus serein, une des nombreuses qualités de son ami; qui non content d'être toujours aussi posé; s'offrait même le luxe de s'inquiéter pour Sextus. Il était vraiment trop bon, et le Tilani se rendait bien compte combien il lui avait manqué, lui qui s'était vaguement alarmé pendant son absence et culpabilisait de ne pas avoir plus cherché à le retrouver plus tôt, voire du tout. Quel piètre ami il faisait, alors même que Cae lui offrait doux compliment.

"Pas autant que toi, il faudra que tu me conseilles ton lieu de vacances." Lâcha Sextus en riant doucement avant de reprendre un air sérieux, alors que Caelestis lui demandait de cesser les soins pour ne s'épuiser. "Ne t'occupe pas de moi, pour une fois, tu en as plus besoin que moi." Sans retirer sa main, laissant toujours la magie couler, il s'adressa à l'esclave restée dans la pièce et lui donna quelques ordres précis. Elle revint peu de temps après, avec une carafe, deux verres et une fioles; D'une main, Sextus versa la potion de Lyrium dans un des verres; rien que l'odeur faisait crépiter sa peau d'une magie retrouvée. Il l'avala d'un trait sec; gardant sa grimace de dégoût pour lui-même; ce n'était pas très bon, mais cela faisait effet, et il pouvait sentir que son soin progressait, alors que la fatigue magique le quittait doucement Cela devrait faire l'affaire. Les bandages étant fait, ils congédia l'elfe et tendit l'autre verre, désormais rempli d'eau, à Cae. "Il faut que tu boives un peu." Il allait s'assurer que son ami se remettre dans un premier temps, et il laisserait sa colère de le voir dans cet état s'exprimer plus tard. Les traces sur son corps ne pouvaient mentir, Caelestis avait été torturé, et cela était impardonnable. Il y avait forcément un responsable, et gare à lui si Sextus le trouvait, peu importe qui il était et où il se trouvait. " Raconte-moi."

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Si, à peine quelques minutes auparavant, le jeune mage se serait bien volontiers laissé sombrer dans un profond sommeil réparateur, à présent il était prêt à se battre bec et ongles contre la fatigue pour ne pas céder à ses séduisants attraits. Hors de question de refermer les yeux maintenant, alors qu'il avait fourni tant d'efforts pour les ouvrir. Et puis, cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de revoir le visage de Sextus. Un plaisir qui lui avait manqué, bien plus qu'il n'avait pu l'imaginer. Il faut dire que ces derniers mois, il avait eu des sujets de réflexion autrement plus importants que le faciès d'ange de son vieil ami.
Le seul fait d'être finalement de retour à Qarinus lui donnait l'impression d'aller déjà un peu mieux. En vérité, c'était à n'en pas douter la magie du Tilani qui faisait son effet, mais il avait l'esprit trop embrouillé pour le réaliser sur le moment. Il penserait à le remercier, plus tard. Pour peu qu'il finisse par comprendre.

Un léger rire secoua doucement Caelestis à la réplique de son ami, lui arrachant une grimace qu'il masqua du mieux qu'il put. Quelles drôles de vacances, tiens. Il n'en conseillerait de pareilles à personne, et espérait que peu de gens connaîtraient les mêmes, le Créateur les en préserve. Douce naïveté que la sienne...
Les mouvements autour des deux mages ne l'inquiétaient pas plus que ça, et il ne leur accordait qu'une attention très limitée. Fatigué, il n'était de toute façon pas capable de rester attentif à deux choses à la fois. Cae fronça imperceptiblement les sourcils en devinant que Sextus venait d'avaler une potion de Lyrium. Ces choses-là ne lui avaient jamais plu, il les trouvait un peu trop... Dangereuses. Les récits de sa mère, quand il était enfant, avaient suffi à l'effrayer de façon qu'il refuse d'y toucher.

Lorsque le jeune Magister lui tendit un verre d'eau, Caelestis se redressa en serrant les mâchoires, s'aidant de ses coudes. La position serait plus pratique pour se saisir du godet et surtout y boire. Réflexe, il y jeta un coup d'oeil... Avant de se sentir coupable. Personne ici n'y aurait versé quoique ce soit. Il coula un regard penaud à Sextus, et avala quelques petites gorgées. Jamais il n'avait été si content de sentir l'eau fraîche courir le long de sa gorge.
Une joie éphémère, sitôt estompée par deux petits mots. Raconte moi. Cette simple phrase suffit à réveiller l'angoisse et le stress. Il n'avait aucune envie de se replonger dans ces souvenirs-là. Cependant, il se verrait mal refuser des explications méritées, surtout considérant que le maître des lieux était en train de prendre soin de lui. Alors, il inspira profondément, et débuta son récit.

- Tu te souviens quand je suis parti avec ma tante Cyriaca, il y a quelques mois ? Sur la route, on a été arrêté par un groupe de Templiers. Ma tante a refusé de se rendre, ils se sont battus, elle a été tuée... J'ose à peine imaginer la réaction de père quand je vais lui dire que sa soeur est morte. souffla-t-il en contenant tant bien que mal des prémices de sanglots. Ils m'ont emmené au Cercle d'Orlaïs. Je ne sais pas pourquoi, mais un des Templiers semblait avoir une dent contre moi. Je ne lui ai pourtant jamais rien fait, que je sache. Ce que tu as sous les yeux... C'est son oeuvre.

Les souvenirs ravivés, Caelestis avait l'impression que son tortionnaire pourrait franchir cette porte, là-bas, à tout moment. Cette perspective le terrorisait.

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Sextus prit un air sinistre en écoutant ce que lui racontait Caelestis; il n'osait, ne voulait pas imaginer ce qu'il avait vécu, il en savait déjà bien assez. Il retrouverait le responsable, et lui infligerait des sévices qui feraient passer les cicatrices sur le corps de son ami pour de simples blessures d'enfance. Il ferait écrire, dès l'aube, au père de Caelestis, pour l'informer de la situation, mais également à quelques contacts en Orlaïs; il avait une vengeance à préparer. Il savait que jamais son ami ne le ferait lui-même, mais telle injure et telles tortures ne pourraient rester impunies; Caelestis était comme un frère qu'il aurait lui-même choisit, l'amour de ce choix valant plus que tout les liens du sang à ses yeux. Sentant l'inquiétude et l'anxiété naissante de son ami, probablement réveillée par les souvenirs que Sextus l'avait obligé à faire resurgir, le Tilani posa une main bienveillante sur la joue de son ami, plongeant son regard dans le sien "tu es en sécurité maintenant, tant que tu es ici, il ne t'arrivera rien." C'était une promesse, et on pouvait reprocher bien des choses à Sextus, mais quand il les donnaient ainsi, ses paroles étaient d'or.

A l'esclave qui pouvait l'entendre si il parlait assez fort, à l'extérieur de la pièce, il commanda nourriture et boisson, avant de soulever sa main posée sur le torse blessé pour observer la plaie qu'il soignait depuis de longues minutes maintenant; elle était refermée. Cela aurait pu être mieux, mais Sextus n'étant pas plongé dans la magie de soin, il avait fait de son mieux, et se sentait fatigué, malgré les aides qu'il s'était donné. Caelestis vivrait et se rétablirait vite toutefois, et c'était l'essentiel. La tête un peu étourdie par une demande magique qui lui était inhabituelle dans un domaine qui puisait dans ses ressources plus qu'il ne le fallait, Sextus fit un petit signe à Cae; "tu me laisse un peu de place à tes côtés ?" Il se glissa alors mieux sur le lit, auprès de son ami, lui offrant l'un des sourires dont il avait le secret. "Tu te souviens, de ces soirées entières que nous passions dans le jardin, à observer les étoiles ?" Le souvenir est doux, Caelestis est doué pour faire remonter ce genre de choses, à ses côtés, Sextus peut oublier de jouer à qui il doit être, pour simplement se retrouver lui-même; c'est assez rare pour être aussi agréable que déstabilisant. "Tu m'as manqué mon ami, je suis heureux de te revoir." Même si, à n'en pas douter, les circonstances auraient pu être meilleures.

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Dans sa naïveté, Caelestis ne se rendait pas compte des sentiments que son état pouvait susciter chez son ami de toujours. Il était trop fatigué pour remarquer sa mine grave, ces petits signes qu'il aurait d'ordinaire reconnus, tant il était habitué à chaque attitude, chaque expression du Tilani. S'il était de nature à se vanter, il n'hésiterait pas à arguer qu'il le connaissait comme sa poche. Ce qui était assez vrai, en un sens.
Alors non, il ne réalisait pas la colère qui couvait sous la surface. Lui, tout ce qu'il voyait, c'est sa joie d'être finalement de retour à Tévinter, et surtout auprès de Sextus. Il en avait rêvé, sans jamais trop l'espérer. De peur d'être déçu, de rester captif du Cercle jusqu'à la fin de ses jours. Caelestis n'avait jamais douté de la volonté ni de la capacité du Magister à garder toute menace loin de lui. Enfants déjà, c'est ce qu'il faisait. A bien des égards, Sextus était le frère que Vitalis n'avait jamais été pour lui. Et il l'aimait à en mourir pour ça. Aussi, il accueillit ses paroles avec un léger sourire rassuré, appréciant le contact de sa main contre la peau de sa joue. Créateur, il avait oublié à quel point ça pouvait être agréable d'être touché de la sorte.

Son sourire se mua en un rire discret quand l'autre lui demanda de lui faire une petite place, ce qu'il fit évidemment, du mieux qu'il put. Caelestis hocha doucement la tête, ses prunelles bleues ancrées dans celles de Sextus.

- A moi aussi tu m'as manqué. Et bien sûr que je m'en souviens. Même si je passais mon temps à grelotter, même emmitouflé dans une fourrure. Je suis tellement heureux d'être revenu à Tévinter... Pendant un moment, j'ai cru que j'allais mourir là-bas. Je crois que je ne vais plus jamais quitter l'empire. ajouta-t-il dans un léger éclat de rire, avec la volonté de dédramatiser tout ça. Ceci dit, il le pensait. Hors de question de passer une nouvelle fois les frontières pour quitter sa patrie. C'était un miracle d'avoir pu y revenir en vie, il n'allait pas pousser la chance.

- Excuse-moi, mais je crois que je vais dormir un peu...

La voix s'éteignant lentement, les paupières lourdes, Caelestis cessa finalement de lutter contre la fatigue, l'accueillant volontiers au contraire. Il sombra rapidement, après être venu se blottir contre Sextus, un soupir de satisfaction lui échappant. Enfin, il pouvait lâcher prise.

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