Codes & Stratégies

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Moi au moins quand je parlemente, c'est pas vicelard.▲ Léodagan

La forteresse fourmillait d'hommes. Cette vue rassura la Vouivre, qui n'en décrocha pourtant pas un seul sourire. Pas son genre, m'voyez. Il arrivait d'un long voyage depuis Gwaren, et il lui semblait qu'il était celui qui avait le moins souffert du voyage. Y'a plus d'jeunesse, si les gamins sont exténués par si peu.

Il descendit de cheval au niveau des écuries, le confia au palefrenier et renifla un grand coup. Ça sentait pas la rose, mais on finissait par s'y faire. Un fort, c'était pas fait pour être beau, de toute façon, chose que ces danseuses d'Orlésiens n'avaient sûrement pas encore compris. Pas qu'ils comprennent grand-chose de toute façon. Ils parlaient si longtemps et avec tellement d'énigmes que quand ils finissaient leurs phrases, ils ne savaient même plus comment elles avaient commencées.

Bon, trêve de galéjades. Shane n'était pas là pour s'enjailler avec les troufions, même si y'en avait un qui lui avait tapé dans l'œil sur le chemin. Il devait retrouver Randall, et ce serait pas une partie de plaisir.

Traversant la forteresse, il se gratta l'arrière du crâne d'un air nonchalant, et entra sans avoir besoin de se présenter nulle part. La Vouivre brodée sur son tabard et sa cicatrice parlaient suffisamment pour lui. Tant mieux, il n'était pas bavard. Quand on lui demanda ce qu'il venait faire là, il grogna seulement qu'il voulait voir le Prince héritier, et on le mena jusqu'à lui. Assis dans son bureau.

— Va pas te couper avec le papier, c'est dangereux ces trucs-là.

Il rit et salua plus formellement Randall, avant de prendre ses aises en s'asseyant sur un fauteuil.

— Alors, comment avancent les travaux ici ? Y'a du mouvement au Sud ?

Autant qu'il ne soit pas venu pour rien : s'il pouvait dézinguer quelques chasinds, ou mieux, les annexer et les rattacher au peuple de Ferelden, son voyage n'aurait pas été inutile.

Codes et Stratégies × ft. Shane & Randall

La petite aile qu'il avait investi, non loin du pont surplombant la gorge et qui avait accueilli la dépouille de son ancêtre crucifié, le roi Cailan, avait été sommairement rénovée. La mine de Randall était d'un gris plus morne que triste. Ses yeux rouges rivés sur des parchemins et des cartes, le tout jeune commandant regardait ce que lui et le défunt héritier avaient écrit il n'y a pas si longtemps. Les noces de ce-dernier avaient eu lieu il y a quelques jours : il s'en était «retourné à la pierre». Voir ses aînés souffrir la disparition de ce jeune être exceptionnel avait été une douleur à accepter dans le plus silence. Le voyage de retour, sans son meilleur ami à ses côtés avait été une rude épreuve. Les paroles de son père également, il avait décidé que Randall hériterait du trône si d'aventure Hereward ne parvenait pas à faire un nouvel enfant, toute une gymnastique mentale. Mais rares étaient ceux qui connaissaient aussi bien le roi que son frère.

En bas, à travers la vitre cassée, des poutres avançaient, des contremaîtres hurlaient, le lieu allait bientôt accueillir des jeunes nobles pour leur formation aux arts du combat et à celui de la guerre. C'était un vaste projet qui s'ouvrait là et auquel ils avaient pensé il y a longtemps avec l'ancien héritier et Shane Ó Braonáin, l'indéboulonnable tiern de Gwaren. Certains pans devaient être finalisés et lancé dans les plus brefs délais, d'autres travaux avaient déjà commencé. Son bureau, si on pouvait appeler ça un bureau, c'était un vieux truc en chêne pris à Lothering, était jonché de cartes à différentes échelles, des Terres Sauvages, des fiefs bannerets, de la forteresse... La fatigue pesait sur ce jeune esprit et un ami avec des épaules solides lui aurait été salvatrice. Il se prit la tête entre les mains pour un sommeil de quelques secondes, avant de retourner à une pile de missives, des rapports de l'étranger, d'éclaireurs, de recruteurs. Il fallait vraiment rationaliser tout ça pour que ne lui arrive que ce qui était essentiel et déléguer toute cette paperasse à des mecs formés pour ce genre d'analyses qui ensuite viendraient lui rendre des comptes à lui. Alors qu'il ouvrait avec lassitude son enveloppe, la porte s'ouvrit et son regard rouge se leva vers Shane, c'était la première fois qu'il le voyait depuis quelques temps, il n'avait eu le loisir de le rencontrer lors des obsèques de l'héritier. De ce que Randall savait, ce n'était pas tellement son genre de cérémonies favorites.

- Mes respects tiern Ó Braonáin , fit-il avec un sourire éteint. Je ferai attention, je sais que la vue du sang vous fait tourner de l'oeil. Vous avez fait bonne route ? Quelles nouvelles de Gwaren ? Il se leva. Le désormais prince héritier était vêtu d'accoutrements de nobles sobres, pas en tenue martiale, elle ne l'avait que trop accompagné ces-dernières semaines. Et puis pour le travail actuel, c'était bien plus confortable. Randall serra la main du tiern, c'était un homme inspirant, car charismatique et parfois inquiétant. Shane avait tout du mystique à ses yeux. Sur une commode, le commandant prit une bouteille de vin et remplit deux verres avant d'en tendre un à son invité. Les travaux avancent, on pourra bientôt accueillir quelques jeunes gars motivés, si vous voulez leur donner quelques cours, ils seront ravis, sauf si vous leur pétez un tibias bien entendu. Sa mine se fit plus sombre. Pas au sud non, comme vous le savez l'héritier est décédé, et gardez ça pour vous mais le roi est persuadé que c'est un coup de Tévinter... je ne sais plus où donner de la tête Tiern. On a commencé à réformer l'armée mais tout n'est pas défini, la question chasind reste une épine dans le pied et il suffit d'un rien pour que notre royaume se retrouve de nouveau en guerre. Sauf que nos ennemis sont plus anciens et leur fonctionnement est mieux rôdé. Nous, nous sommes braves, mais encore à l'âge de pierre putain et... Randall fit le tour de son bureau pour s'enfoncer lourdement dans son siège, les mains dans les cheveux, le regard anxieux sur ses cartes. ... et le pire c'est qu'en l'état des choses, il est possible que ce soit moi qui hérite de ce merdier.

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Moi au moins quand je parlemente, c'est pas vicelard.▲ Léodagan

Une plaisanterie en guise de salutations, voilà qui plaisait à Shane. Tournerait-il vraiment de l'œil à la vue du sang ? Pas le moins du monde. La Vouivre était un guerrier avant tout, et avait forgé sa réputation sur les champs de bataille. Shane fit mine d'être outré, avant de secouer la tête :

— Oh, c'est surtout que ça me donnerait faim !

Shane répondit à la poignée de main du Prince héritier d'autant plus enthousiaste que c'était exactement comme ça qu'il les aimait : énergiques et déterminées. Ce garçon avait beaucoup d'avenir, et le Tiern de Gwaren le savait : c'était pour ça qu'il avait tenu à se déplacer jusqu'à Ostagar.

— La route est ce qu'elle est, chiante et éreintante mais on y survit. Et pour Gwaren, bah pas grand-chose. Ce qui est une bonne nouvelle.

Ce fut ensuite au tour de Shane de demander comment se passaient les choses à Ostagar, et il eut droit à un rapport détaillé de la forteresse et de l'état général du royaume après la mort de l'ancien héritier. Attentif, Shane écouta en plantant son regard perçant dans celui de Randall, comme s'il cherchait à savoir ce qui se tramait dans sa tête. Quand ce dernier eut fini, il fronça les sourcils.

— Si tu fais déjà dans ton froc alors que t'es même pas sur le trône, c'est mal barré.

Il soupira bruyamment et s'étira en arrière avant de reprendre.

— Ouais, t'as raison, c'est un vrai merdier mais je vois qu'une personne qui essaie d'y foutre un minimum d'ordre et c'est toi. Alors tu vas te sortir les doigts du fion et arrêter de faire ta sucrée. C'est malheureux mais t'as pas le temps de pleurer, on a trop de trucs à faire.