White Rabbit

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"We’re all mad here. I’m mad. You’re mad."
"How do you know I’m mad?" said Alice."You must be," said the Cat, "or you wouldn’t have come here."▲ L. Carroll

La maison était petite mais propre désormais. Flavius n'était pas du genre à laisser son espace de vie en désordre, mais il avait fait un effort de plus en rentrant de la Chantrie Impériale en ce jour, sachant que pour une fois, il allait recevoir de la visite. Il avait remis en place les tapis, épousseté les banquettes sur lesquelles il passait trop peu de temps, et il avait remis de l'ordre dans ses livres. Côté cuisine, il avait préparé un simple plat en sauce, qu'il viendrait agrémenter de tellement de sortes de hors-d'œuvre que son manque de sophistication ne devrait pas être trop visible. Et bien sûr, il avait préparé le vin qui décantait. Il n'en raffolait pas, préférant le lait au miel ou un simple jus de fruits, mais il savait que ce n'était pas vraiment bien vu de n'offrir que cela à un invité.

Un invité... Il n'en avait jamais eu, jamais ainsi. Il vivait seul depuis qu'il le pouvait, n'ayant même jamais pris la peine d'avoir un esclave. L'idée d'avoir quelqu'un, même un elfe, dans son intimité le répugnait. Il n'y avait bien que Vitus qui outrepassait cette règle, et Flavius ne se l'expliquait pas. Il aurait pu se triturer la cervelle en vain pour tenter de comprendre ce qu'il se passait, mais il avait préféré lâcher prise tout de suite. Étrange pour quelqu'un qui avait tellement l'habitude de tout vouloir contrôler : les mains de Vitus étaient réellement magiques.

Restait à savoir s'il viendrait. Flavius n'avait pas demandé confirmation à son confrère, et il ignorait même s'il trouverait sa modeste demeure dans le labyrinthe de Minrathie. Il devait se faire à l'idée qu'il y avait de grandes chances pour qu'on lui pose un lapin, et pas forcément volontairement. Vitus avait sûrement mieux à faire que de venir passer la soirée chez lui...

Les minutes passèrent, interminables. Flavius tentait de lire pour se distraire, mais ce n'était pas très efficace. Les lignes se mélangeaient, et en voyant le soleil décliner, Flavius hésitait de plus en plus à sortir les chandelles. Peut-être devrait-il se résigner et simplement aller se coucher, sans manger ? Il était tôt, mais ça ne serait pas inhabituel pour lui.

Mais on ne lui fit pas ce plaisir. On frappa à la porte, faisant sursauter Flavius : ce dernier alla ouvrir avec un sourire dont il n'arrivait pas à se défaire. On, c'était Vitus.

— Entre donc !

La maison était désormais un peu sombre, mais en quelques sorts, les chandelles furent allumées. Il en fallait au moins autant pour profiter des si beaux yeux de Vitus.

— J'espère que tu n'as pas encore mangé..., dit Flavius en désignant la quantité impressionnante de plats sur la table de la salle à manger. Il avait peut-être vu un peu trop large... hmm.

White Rabbit.

Flavius avait dit où il habitait à Vitus juste avant qu’il ne quitte la pièce, le prêtre ne lui avait pas répondu ni même réagit. Sur le coup il ne savait pas quoi répondre en vérité, il préféra donc ne pas trop y penser puis de prendre une décision plus tard dans la journée. Puis le moment de prendre une décision était arrivée, Vitus était assit à l’extérieur de la Flèche Blanche et demandait s’il voulait rendre une visite ou pas à Flavius…Peut être que c’était-mieux de laisser son jouet seul et voir sa réaction le lendemain…Ou peut-être qu’aller voir Flavius était une bonne idée. Il finit par se décider, passer du temps hors de la chantrie ne lui ferait pas de mal.

Heureusement pour lui, Vitus connaissait plutôt bien la cité pour y avoir marché de nombreuses fois dans ses rues. Il ne tourna donc pas trop longtemps avant de trouver le lieu d’habitation de Flavius. Il resta plusieurs minutes devant la porte d’entrée, toujours en train de se poser des questions, savoir s’il frappait ou pas. Accepter l’invitation c’était comme accepté qu’il y ait quelque chose de plus entre lui et l’autre prêtre…Ce n’était qu’un jeu pour Vitus, il avait dicté les règles au début et maintenant il se faisait avoir.
Après avoir inspiré un coup, il frappa à la porte, il n’attendit pas longtemps avant que l’autre homme lui ouvre, le visage souriant. Etait-il vraiment content que Vitus soit là ? Il se posait sérieusement la question. Sur l’invitation de Flavius, il entra dans la bâtisse.

-Non je n’ai pas mangé. Mais d’abord…

Il laissa sa phrase en suspend et attrapa Flavius par l’une de ses manches avant de le tirer doucement vers lui. Une fois assez près Vitus déposa un baiser sur le coin des lèvres de l’autre homme. Le visage souriant, il s’écarta pour aller près de la table, il y avait beaucoup de plats, Flavius en avait un peu trop fait juste pour eux deux, mais pour commencer le prêtre se servi un verre de vin. Il n’était pas un gros buveur mais il appréciait boire un peu de vin de temps en temps. S’appuyant sur la table il regarda son confrère.

-Tout ça c’est juste pour nous deux ou tu attends quelqu’un d’autre peut-être ?

Vitus posa la question le plus sérieusement possible même si au final c’était juste pour le taquiner de nouveau…Comme toujours. Un détail interpella le prêtre, l’absence d’esclaves, Flavius vivait-il vraiment tout seul ? C’était bizarre pour lui. Il avala une nouvelle gorgée de vin avant de s’adresser de nouveau à l’autre prêtre.

-Tu vis tout seul ici ?

Il voulait le savoir, tout simplement par curiosité et parce que de son point de vue c’était étrange.

Codage par Libella sur Graphiorum

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Il était venu. Il avait peut-être hésité, il avait peut-être voulu se faire désirer, mais il était venu et Flavius avait du mal à dissimuler son soulagement de ne pas avoir essuyé d'échec. Il appréhendait un peu le fait de laisser quelqu'un entrer chez lui, mais Vitus était déjà allé plus loin que le reste du Thédas. Qu'il découvre son intérieur n'était pas beaucoup plus exceptionnel.

Il entra et avant de parler de nourriture ou de quoi que ce soit d'autre, déposa un baiser au coin des lèvres de Flavius. Ce dernier se sentit rougir sous la surprise, n'ayant pas l'habitude d'être aussi proche de quelqu'un, et surtout ayant jusque là évité les personnes trop tactiles. Comment en vouloir à Vitus pourtant, quand on voyait son sourire ? Sous le charme, Flavius le laissa prendre place et se servir du vin. Lui allait rester sobre, par goût surtout.

— Oh, il n'y a que nous deux...

Qui pensait-il qu'il allait pouvoir inviter ? Flavius vivait déjà seul, travaillait dans son coin la plupart du temps : quand bien même il apprécierait l'idée d'avoir du monde chez lui (ce qui n'était pas le cas), Flavius n'avait pas d'amis à inviter. Il n'avait déjà pas d'esclaves... Chose qui sembla surprendre Vitus.

— Oui. Il n'y aura personne d'autre à accuser que moi si le repas est mauvais !

Il y avait beaucoup de plats différents, c'est vrai et ça encombrait la table, mais finalement, c'était beaucoup de petites choses dans lesquelles piocher. D'ailleurs, Flavius fit un signe vers les assiettes :

— Sers-toi. Et il enchaîna, sans véritablement marquer de pause : Tu vis seul aussi ?

Flavius se doutait que la réponse devait être négative, mais il n'osait pas faire de suppositions : il souhaitait simplement en savoir davantage sur l'homme qui avait réussi à l'embrasser.

White Rabbit.

Même s’il le savait, il était soulagé d’entendre la confirmation qu’il ne serait que touq les deux. Au moins personne ne les verraient, juste lui et Flavius…Bien des choses pourraient se passer et certaines étaient très loin d’être désagréable, enfin il écarta toutes ses pensées superflues avant de se concentrer de nouveau sur son hôte.

-Je vois, je saurais qui blâmait alors.

Cela avait été dit avec le ton de la plaisanterie, les plats n’avaient pas l’air mauvais en tout cas. Vitus se servi puis aller commencer à manger quand Flavius lui posa une question, il se figea net…Il ne s’y attendait pas, pour le moment l’autre prêtre n’avait pas trop été curieux sur sa vie et c’était très bien comme ça.

-Plus ou moins.Il avala ce qu’il voulait manger puis continua de répondre.Je vis à la Flèche, la demeure familiale je n’y retourne que rarement.

Il n’y avait rien de plus à dire, il n’allait voir sa famille que très rarement et seulement pour y voir sa mère, la seule avec qui il s’entendait assez bien pour avoir une discussion civilisée. Vitus ne voulait plus parler de sa famille, il n’y avait rien d’intéressant à dire, il devait changer de sujet.

-Au fait, félicitations pour tes talents de cuisiner, ce n’est pas si mauvais.

Oui c’était plutôt nul comme changement de sujet mais sur le coup il n’avait pas eu d’autres idées en tête. Il avait pourtant une autre question en tête mais il ne savait pas s’il devait le lui poser ou pas, Vitus avala le reste de son verre de vin avant de s’en resservir.

-Flavius, pourquoi tu…Non laisse tomber ce n’est pas important.

Le prêtre se demandait encore pourquoi il l’avait invité, il ne comprenait pas…Il ne comprenait toujours pas l’autre prêtre.

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Flavius esquissa un sourire quand Vitus parla de le blâmer pour un mauvais repas : il espérait que ce ne serait pas le cas, mais il était dans le même temps prêt à en assumer toutes les conséquences. Ce n'était pas dans ses habitudes d'inviter des gens chez lui, alors il n'avait aucune idée de si ses goûts plairaient à d'autres.

Oui, il vivait seul. Cela était peut-être étonnant pour Vitus, qui devait habiter dans une villa bien remplie, une mini-ville presque... La curiosité le piqua et il lui demanda. La réponse évasive de l'autre prêtre le refroidit quelque peu : Flavius baissa le regard.

— Ce doit être difficile de ne pas avoir de véritable chez toi, non ?

Sa voix s'était faite douce et basse, presque caressante. Il ne savait pas si c'était là un sujet sensible ou non, mais il en savait tellement peu sur Vitus qu'il prenait le risque de le brusquer. Après tout, lui ne prenait de gants pour lui dire que sa cuisine n'était pas terrible. Car c'est bien comme ça que Flavius le prit, même s'il lui sourit.

— "Pas si mauvais"... Je note, j'ai encore des progrès à faire, donc.

Vitus était peut-être particulièrement exigeant, ou alors il n'y avait pas sa nourriture préférée sur la table. Ou bien encore ne s'agissait-il que du réflexe de ne pas faire de compliments. Venant d'entre les lèvres roses de Vitus, ils semblaient être particulièrement rares, et donc précieux.

Un peu comme ses questions, ses hésitations. Flavius plissa doucement les yeux en cherchant à savoir ce qu'il se passait dans l'esprit de son invité. Pourquoi ? Ah, si seulement il savait lui-même... Reprenant une gorgée de son jus de fruits au lait, Flavius chercha un temps ses mots avant de répondre.

— Pourquoi quoi ? Pourquoi je t'ai invité ? Ou pourquoi tu m'as embrassé ? Pourquoi tu t'es mis dans un tel état quand je n'ai pas voulu te dire qui pouvait bien plaire à la Chantrie...?

Il était assez clair pour Flavius que cette personne était celle en face de lui, mais ça ne coulait peut-être pas de source, et il n'y songeait pas un seul instant. La discussion était sérieuse, comme toujours avec lui, mais ce soir il aurait bien voulu un peu de légèreté dans sa vie. C'était sûrement trop demander...

White Rabbit.

Vitus posa ses couverts puis s’accouda à la table, son regard évitant celui de Flavius.

-En fait c’est juste que pour le moment je n’ai aucun intérêt à avoir mon chez moi. Etre à la Flèche me convient pour l’instant.

Il n’avait jamais encore ressenti le besoin d’avoir sa propre habitation étrangement, vivre tout seul avec juste des esclaves lui paraissait étrange pour l’instant. Ce que Vitus dit ensuite sur la cuisine fut mal prise, le prêtre leva les yeux avant de regarder Flavius.

-Ce n’était pas une critique, au contraire.

Après son hésitation, Flavius lui parla et Vitus fut plus surpris par ses paroles. Lui aussi apparemment se posait des questions et aucun des deux n’étaient assez honnêtes pour y répondre. Vitus continua d’éviter le regard de son hôte, il n’aurait jamais dû venir, il était sur un terrain qu’il ne maitrisait pas et cela le rendait nerveux.

-Tu ne voulais pas répondre, c’est pour ça que je me suis emporté c’est tout. Il y avait une autre raison mais plutôt avaler de l’acide plutôt que de lui avouer qu’il avait été jaloux.Ce que je voulais savoir c’était pourquoi tu…pourquoi tu m’avais invité oui.

Il se sentait stupide, il devait surement en avoir l’air aussi mais au point où il en était, un peu plus ou un peu moins. Il voulait savoir mais d’un côté il avait un peu peur de la réponse…Mais peut-être qu’il comprendrait un peu mieux Flavius grâce à cette réponse.

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Flavius avait du mal à concevoir qu'on puisse se contenter d'un logement à la Flèche sans vouloir davantage d'intimité. Il était lui-même très secret et avait des passions assez peu communes sur lesquelles il ne voulait pas se justifier, d'où l'intérêt d'acheter une maison comme l'Aubépine.

— Je vois. Un jour peut-être, qui sait ?

Oui, sa cuisine n'était pas mauvaise, mais Flavius avait le réflexe de se méfier de ce qu'on lui disait, a fortiori quand il s'agissait de Vitus. Mais c'était un réel compliment, et quand ce dernier le lui signifia, Flavius rougit en baissant les yeux. Il avait tellement peu l'habitude de recevoir ce genre de remarques positives qu'il ne savait tout simplement pas comment les prendre.

Autant changer de sujet, et s'accrocher à ce que Vitus avait failli lui dire. Il se demandait pourquoi, et à vrai dire, il n'était pas le seul. Flavius était aussi perdu que lui, si ce n'est plus, par cette situation inédite et passablement étrange dans laquelle ils se retrouvaient tous les deux.

— Je n'en sais rien. Pourquoi tu es venu, alors ? Je crois que si on continue à se demander pourquoi, on va finir par devenir fous.

Il rit doucement, continua à manger en réfléchissant, puis reprit la parole.

— Tout ce que je sais, c'est que l'idée de te faire pleurer ou fuir m'insupporte. Je ne voulais rien te dire, parce que je pensais que ça n'aurait aucune importance pour toi, et que bientôt, tout cette folie serait oubliée. Je ne m'attendais simplement pas à ce que tu aies l'air si... intéressé.

Tout sourire avait fui son visage, et alors qu'il continuait à picorer dans les plats, il se demandait de plus en plus sérieusement où tout ça les mènerait.

— Je me demande simplement ce que tu peux me trouver d'assez intéressant pour être si tactile avec moi, me voler des baisers et répondre à une invitation improvisée... Et, bien que je sois loin d'être habitué à susciter tant d'intérêt pour quelqu'un, je dois avouer ne pas trouver ça tout à fait désagréable.

Flavius avait bien conscience de prendre des chemins détournés pour exprimer sa pensée, mais tout était trop neuf et trop étrange pour qu'il puisse se risquer à être direct. N'importe qui d'autre ayant eu la même attitude avec lui ne lui aurait inspiré que de la haine et de la méfiance, mais pas Vitus. Pas Vitus. Il était une exception, sans que Flavius ne comprenne bien comment ou pourquoi.

White Rabbit.

Il ne savait pas non plus pourquoi il l’avait invité, si personne ne savait ça n’allait pas faire avancer la situation. Vitus commença légèrement un tapoter du bout des doigts la table, en général ça lui prenait quand il était nerveux ou qu’il s’ennuyait beaucoup.

-J’ai failli ne pas venir.

Vitus écouta Flavius, toujours en évitant son regard, il ne voulait pas qu’il voit à quel point dans sa tête c’était le bordel. Il ne savait pas pourquoi il était venu, pourquoi il voulait le voir…Pourquoi il le voulait juste pour lui. Tout ça avait commencé juste comme un jeu, il avait trouvé amusant de chercher les limites de l’autre prêtre et au final il avait voulu en savoir un peu plus sur la raison de sa haine du contact…D’abord le jeu puis la curiosité l’avait poussé à comprendre Flavius. Maintenant il était là et il ne savait pas quoi faire.
Vitus se leva puis s’approcha de son hôte.

-Je suppose qu’on peut dire que je suis curieux.

Après une fois arrivé près de Flavius, il se pencha de façon à ce que leurs visages se touchent presque et pourtant il n’y avait aucun contact. Il regarda l’autre droit dans les yeux, un petit air amusé sur le visage.

-Pour ce qui est des baisers et tout, c’est simple. C’est parce que je peux le faire.I détourna quelques instants son regard avant de le faire revenir sur son hôte.Et parce que j’ai…mh…envie de le faire, c’est aussi simple que ça.

Il se redressa et recula un peu, moins il était proche moins il risquait de vouloir le toucher de nouveau.

-Quand on trouve quelque chose de pas désagréable, il faut le montrer un peu plus tu sais.

Son petit air amusé ne le quitta pas, il attendait de voir la réaction de Flavius désormais. Il l’avait plutôt surpris jusqu'à maintenant, en espérant ne pas être déçu par la suite.

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L'annonce fit l'effet d'un couperet pour Flavius. Vitus avait failli lui faire faux bond, rester chez lui et refuser l'invitation de son confrère qui serait resté avec tous ses plats et sa solitude sur les bras. Il fallait positiver, voir les choses du bon côté : il était venu tout de même. Ce funeste 'presque', ce terrible 'faillir' n'était pas arrivé. Cela voulait sûrement dire quelque chose.

Flavius resta cependant interdit assez longtemps pour que Vitus ne change de sujet et ne vienne le provoquer en se redressant. Il le savait désormais, quand il faisait ça, c'est qu'il se languissait d'un contact. Flavius était encore trop avare de proximité pour Vitus, ou était-ce ce dernier qui en demandait beaucoup ? Sans point de comparaison, difficile de savoir pour le chaste prêtre.

— Tu le peux... Oui, c'est peut-être simple pour toi. Ça ne veut peut-être pas dire grand-chose de ton côté, je ne sais pas combien de personnes sont passées à ma place mais... L'inverse n'est pas vrai, Vitus.

Impassible malgré le rouge qui lui était monté aux joues, Flavius s'habituait comme il pouvait à la proximité, se perdant dans le regard bleuté de Vitus. Il s'éloigna de nouveau, et lança une remarque en forme de plaisanterie à Flavius, qui sourit doucement.

— Ce n'est pas dans mes habitudes de 'montrer' quoi que ce soit. Tout comme il me semble que ce n'est pas dans les tiennes de ne pas pouvoir poser tes mains où tu le souhaites.

C'était une boutade, même si venant de Flavius, on pouvait se poser la question. Ce dernier ponctua sa phrase d'une longue expiration, et planta son regard dans celui de Vitus.

— Je ne suis pas... simple. Je le sais. Mais...

Lentement, il tendit la main, venant chercher celle de Vitus. Il la frôla du bout des doigts, la caressa doucement, avant de se refermer sur elle. Le contact le fit frissonner, à la fois de plaisir et d'appréhension, mais le fait d'avoir le contrôle était rassurant.

— C'est comme si... J'avais peur de l'eau. Je ne sais pas nager. J'ai déjà failli me noyer. Pourtant, aujourd'hui, je suis sur la plage, l'océan est magnifique, et j'ai terriblement envie de m'y baigner. Mais je ne peux pas.

Il retira alors sa main, détournant le regard.

— Pas aussi 'simplement' que toi, en tout cas.

La métaphore était foireuse, et Flavius était à moitié convaincu qu'elle était trop ronflante pour Vitus et/ou qu'il ne la comprendrait pas, mais c'était la manière la plus directe qu'il ait trouvé pour parler de son problème. Si, si.

White Rabbit.

-Un simple contact n’engage rien Flavius, il en faut plus. Et je ne te dirais pas combien ont été à ta place.

En voyant légèrement sourire Flavius, Vitus se dit que la situation devenue peut-être un moins tendue, ce qui était une bonne chose. Le prêtre rigola légèrement en tendant la réplique de son hôte.

-Ecoute, j’aime toucher à tout, je suis curieux.

Il avoua ensuite de lui-même qu’il n’était pas simple…Il l’avait compris depuis un moment et c’est en partie pour ça qu’ils en étaient là. Certes Vitus n’était pas particulièrement facile mais c’était en partie parce que c’était Flavius…Il n’était pas comme les autres et du coup il ne savait pas comment agir.

Vitus baissa légèrement les yeux en sentant les doigts de son hôte caressait légèrement sa main avant de la saisir. Il ne put se retenir de sourire, c’était la première fois que l’autre homme chercha le contact de lui-même. Relevant son regarda lorsque l’autre lui parla, il pencha légèrement la tête sur le côté, pas certain de bien comprendre. Le prêtre fut un peu déçu quand l’autre relâcha sa main. Vitus passa doucement ses bras autour de la taille de Flavius puis posa sa tête sur l’épaule, il ne pouvait pas s’en empêcher, il voulait absolument ce contact.

-La métaphore est un peu tordue mais je pense avoir saisi l’idée générale. Mais si tu pouvais parler plus directement ça serait peut-être plus simple.

Vitus ne dit plus rien pendant plusieurs secondes, il resta sans bouger, respirant calmement. Flavius n’appréciait peut être pas, mais là, Vitus s’en fichait un peu, il était très bien ainsi.

-Flavius, pour être honnête je ne sais pas trop pourquoi je suis venu, je crois que j’avais envie de te voir…Maintenant je suis là et je ne sais pas quoi faire ni dire.

Sa voix était presque un murmure, il n’était pas sûr de lui, il ne savait vraiment pas quoi dire et surtout il ne savait pas comment il devait considérer son confrère.

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Peut-être qu'un simple contact ne voulait rien dire pour Vitus, mais il était clair qu'il en allait tout autrement pour Flavius. Ce dernier sentit une pointe d'amertume lui percer la poitrine quand son confrère évoqua le nombre de personnes qui avaient été à sa place. Ou plutôt, quand il ne l'évoque pas. Cette absence de réponse était une réponse en soi : il y en avait beaucoup trop pour que Vitus ne s'apesantisse dessus, et Flavius ne serait que l'une de ces personnes ensuite.

Il prit quand même le risque de garder le silence et de lui expliquer ensuite ce qu'il ressentait, du mieux qu'il le pouvait. Impossible pour lui d'être aussi direct qu'on aurait pu l'attendre d'un adulte comme lui. Le blocage qu'il nourrissait depuis des années n'allait pas s'affaisser aussi simplement. Lentement pourtant, il s'effritait. Flavius avait cherché le contact de lui-même, et même s'il avait retiré sa main, il n'avait pas trouvé ça désagréable.

Un sursaut le secoua quand Vitus l'enlaça, mais il ne le repoussa pas. C'était étrange d'être si proche de quelqu'un sans vouloir courir à l'autre bout de Tévinter... Flavius n'était pas habitué. Apparemment, Vitus aussi sortait des sentiers battus : il avouait ne plus savoir qui dire ou faire, ce qui fit sourire légèrement Flavius.

— Tu es venu, c'est tout ce qui m'importe. Les gens qui ont envie de me voir ne sont pas légion...

Ce n'était pas bien important s'ils n'avaient pas grand-chose à dire au final. Ils pouvaient très bien rester là, comme ça, ou mieux, aller s'allonger dans une des banquettes et juste... ne rien faire. Parfois, ça faisait du bien aussi. Même si Flavius aurait bien aimé en savoir davantage sur son confrère.

— Je sais que tu ne parles pas beaucoup de toi, mais...

Il voulait lui parler de ces baisers auxquels il n'était pas habitué, lui qui n'avait connu qu'une farce de ce que pouvaient vraiment être l'attachement, mais il se retint. Il n'avait pas spécialement envie de repartir sur ce terrain glissant, et préféra une discussion plus mondaine.

— Tu peux au moins me dire ce que tu aimerais voir au dîner la prochaine fois ? Je me demande ce qui te ferait plaisir.

Et pendant tout ce temps, Flavius avait tenu, presque sans s'en rendre compte. Il avait réussi à ne pas repousser Vitus, parce que son contact n'était pas oppressant, et ne lui donnait pas l'impression qu'il ne pourrait pas s'en échapper. Il était même... réconfortant. Une sensation étrange pour Flavius, nouvelle, mais qu'il regrettait de ne pas avoir connue plus tôt.

White Rabbit.

-Je ne vais pas me plaindre si personne ne veut venir te voir. Au moins je t’ai pour moi tout seul.

Depuis toujours Vitus détestait partager tout ce qu’il avait, peut importe l’objet ou la personne, il voulait être le seul à l’avoir. C’était d’ailleurs le motif de nombreuses disputes avec son frère lorsqu’ils étaient enfants. Enfin au moins son ainé ne serait pas là pour venir lui prendre Flavius. Vitus leva légèrement les yeux au ciel quand il commença à entendre le début de la phrase de son confrère…Oui il ne parlait pas beaucoup de lui, pourquoi ? Parce qu’il n’y avait rien d’intéressant à dire. Cependant il changea radicalement quand il entendit parler de nourriture, il avait tendance à le cacher mais il adorait manger, en particulier tout ce qui pouvait être sucré.

Il s’écarta légèrement de son hôte, le visage souriant, il devait surement ressembler à un enfant à qui on venait de proposer une friandise. Ce n’était pas quelque chose qu’il aimait montrer mais au point où il en était avec Flavius ce n’était plus vraiment un souci.

-La prochaine fois ? Donc ça veut dire que tu m’invites de nouveau ?

Vitus désigna du doigt plusieurs plats…Les seuls un peu sucré ou contenant le moins d’épices, à voir si Flavius ferait le rapprochement. D’ailleurs il remarqua quelque chose qu’il n’avait pas vu au début…Des pâtisseries, ça faisait un moment qu’il n’en avait pas mangé et ça lui manquait un peu à vrai…C’était vraiment sa nourriture préférée. Enfant il avait fait un caprice et n’avait mangé que ça pendant plusieurs jours, résultat il avait fini malade comme un chien et son père l’avait puni mais ça n’avait pas suffi à lui faire passer son gout pour les gâteaux.

Il s’approche de nouveau de la plat et commença à piocher dans le plat où se trouvait les pâtisseries, oubliant presque que Flavius se trouvait juste à côté. Il trouva les gâteaux particulièrement bon et en mangea plusieurs d’affilé sans regarder une seule fois son hôte.

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Flavius aurait dû être mis mal à l'aise par l'intention affichée qu'avait Vitus de le garder seulement pour lui, mais ce n'était pas le cas. Il était même flatté, heureux de se sentir assez précieux pour qu'on veuille le garder jalousement, à l'abri des regards indiscrets et indignes de se poser pour lui. Il se rendait maintenant compte qu'il adorerait avoir Vitus de la même façon, même s'il refusait de croire que ce serait possible. Ils étaient trop différents et il n'était pas exclu que Vitus ne fréquente finalement quelqu'un d'autre. Il le comprendrait si c'était le cas : qui voudrait s'encombrer d'un cas comme comme lui ?

Mais quand il évoqua une prochaine fois, cela sembla ravir Vitus. Avec un petit sourire dont il a le secret, Flavius lui répondit d'une voix grave et douce :

— Bien sûr, si tu veux bien revenir.

Et il nota les plats que Vitus désignait : les plus doux, les plus sucrés. Pas forcément la tasse de thé d'un Flavius qui adorait quand ça piquait, mais il pouvait bien faire un effort pour son seul invité. D'ailleurs, ce dernier remarqua le plat de pâtisseries antivanes aux amandes et au miel, qu'il commença à dévorer.

— Hé bien... Moi qui avait peur qu'il en reste !

Flavius plaisantait : s'il aimait ces pâtisseries, il n'en raffolait pas non plus, préférant de loin la délicatesse des gâteaux orlésiens. Quoique les Féreldiens faisaient des petits biscuits secs qui étaient absolument exquis dans les boissons chaudes. Antiva était trop sucrée pour Flavius la plupart du temps, mais apparemment pas pour Vitus. Tant mieux ! Au moins maintenant, il savait comment attirer encore plus certainement son confrère chez lui, ce qu'il ne manquerait pas de faire à nouveau.