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Lun 16 Oct - 11:08

Garde ta haine pour les engeances
Séraphine & Keira
Amaranthine - Fort Bastel, 10 : 40 des Misères



Je soupire. La journée a été éreintante. Entre les entraînements et les rapports de missions, je n’ai plus qu’une seule idée en cette heure tardive : m’affaler dans mon lit, et au plus vite. Comme souvent, j’ai passé la soirée avec mes compagnons d’armes, le nez fourré dans une bouteille. Je ne suis pas comme certains, je n’aime pas la solitude. Alors le soir j’ai besoin de compagnie. Cette compagnie me suit parfois même jusque sous mes draps, pour me faire oublier ma triste condition de mort-vivante en sursis.

Je m’apprête à regagner ma chambre lorsque je perçois des éclats de voix provenant des baraquements où sont entassées les recrues en attente de leur Union. Curieuse – beaucoup trop curieuse – je tends l’oreille. Tout d’abord, j’entends des rires et l’écho d’une discussion animée. Puis, rapidement, des bruits de lutte parviennent à mes oreilles. Est-ce que ces idiots sont en train de se foutre sur la gueule ? Il semblerait bien.

Je devrais pas intervenir, je le sais. C’est pas à moi de faire ça. Je fais mine de tourner les talons lorsque les cris s’intensifient. Bordel. Ignorant ma raison qui me hurle de me mêler de mes affaires, je me dirige d’un pas énergique vers les quartiers de recrues. De mauvais poil, j’enfonce la porte à coup de pied. Je tombe alors sur la scène.

Deux recrues se bouffent joyeusement le nez tandis les autres, tous ivres morts à en juger par les cadavres de bouteilles qui jonchent la pièce, les encouragent et prennent des paris sur le vainqueur. Toutefois, ces derniers s’interrompent et ouvrent de grands yeux quand ils prennent conscience de ma présence.

Je reporte ensuite mon attention sur le principal problème : les deux idiots que mon intervention fracassante n’a nullement perturbés. La première recrue, un jeune garçon, est à terre tandis que la seconde lui sert une salade de phalanges en pleine tête. J’identifie alors la jeune femme comme étant Séraphine. Fraîchement arrivée à Fort Bastel, cette dernière se montre distante et pas franchement agréable avec sa nouvelle famille. D’un autre côté, j’ai cru comprendre qu’elle n’était pas là de son plein gré.

« MAIS CA SUFFIT ! » Je hurle en me jetant dans la mêlée pour séparer les deux combattants.

Dans la confusion, je ramasse un coup de coude dans l’abdomen. En poussant un grognement, je parviens à saisir Séraphine par l’épaule et l’écarte vivement, posant sur elle un regard mauvais. L’air de dire : "Bouge pas sinon ça va barder pour tes fesses". L’autre crétin, celui qui est à terre, tombe dans les pommes. Le visage ensanglanté, la lèvre éclatée, il n’est pas beau à voir.

« Vous êtes abrutis au point de vous battre entre vous ? Mais bordel, gardez votre rage pour l’Union ! Et pour les engeances ! Croyez-moi, vous en aurez besoin ! » Je les sermonne, plus agacée que jamais, avant de leur ordonner de regagner leurs lits et de nettoyer leurs immondices.

Voilà que j’ai mal à la tête maintenant. Putain, je le savais. J’aurais mieux fait d’aller dormir. « Toi, tu viens avec moi. » J’intime à Séraphine en l’attirant avec moi dans le couloir, sans lui laisser le temps de protester.

Mieux vaut les séparer pour cette nuit. Je préfère éviter de retrouver l’un d’entre eux égorgé dans son sommeil. J’ignore ce qui a déclenché leur petite rixe, mais à en juger par l’état de l’adversaire de la jeune femme, ce devait être sérieux.
 

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Sam 21 Oct - 21:12

Keira
&
Séraphine
Garder l'ombre
Rouge. Cri déchirant gargotant dans ton goitre. Dents qui déchirent, phalanges qui frappent, ongles qui creusent et qui trouent l’adversaire. L’écarlate broie et ravage ta raison.   Tes doigts s’emmêlent dans les cheveux de ta victime avant de la marteler dans les gencives. Des échardes d’émail dénudent ton épiderme, grattant la tendresse de la chair pour en exorciser l’os. Le prochain coup t’envoie bouler sur le sol mal pavé. Tu l’as touché, ton coude bien planté dans la viande délicate de la bedaine.  Tu te redresses, les crocs dénudés, les lippes meurtries prêtes à la gorgée de gorge tranchée. Tes muscles vrillent sous la surface, se tordent dans l’expectative du prochain assaut.

La salle sourd d’exclamations de soulards et d’ivres encouragements. Des paluches roides te redressent et te poussent vers le centre du cercle. Tu t’arrêtes pourtant  sous l’injonction silencieuse du troisième larron. Un visage  aussi féminin qu'anonyme. Toutefois, tu connais ce regard. Sombre charbon sous l’arc incliné des sourcils, il t’intime le calme ou la mort. Tu craches en conjuration, rôdant toujours, marquant la zone de tes  lentes révolutions. Le gamin ne se relève pas.

Ainsi soit-il. La leçon est donnée. Ta place acquise. Ta paix  assurée.

Fermée comme un poing, tu restes sourde aux injonctions de ton aînée. Peu te chaut les engeances, l’Enclin et la fin du monde. Ourdir dans ta prison séculaire, lécher le fiel de tes blessures intimes, accomplir ta vengeance, là sont tes véritables objectifs. A quoi servirait-il de se battre contre des créatures maudites quand tu t’acharnes déjà à gagner l’intégralité de ta propre campagne ?  Il te faut vaincre, tout de suite, définitivement, sinon tu seras contrainte de les dompter tous les jours et la situation ne fera que se dégrader. La place de conscrit de droit commun n’est guère enviable, d’autant qu’ils le savent : tu as attaqué l’une des leurs.

Quand Keira t’attrape, tu ne peux retenir le grondement fauve de la bête traquée. Peine que tu as à retenir le crachat d’avertissement qui te brûle le gosier. «  Ne t’avise pas, une seule fois, de mettre le pied dans la vie qui est la mienne. Ne t’avise pas d’y entrer par effraction, ni de t’approcher de moi. » Ton corps s’arque et se dégage, fuyant son contact alors que ton dos se rencogne contre le mur. Le choc est mat contre la froideur minérale. Il existe donc une manière de miséricorde chez les pierres. A vrai dire, il faut bien que celle qui a si longtemps fui le monde des hommes trouve refuge quelque part.  « Je n’ai pas besoin de toi, ni d’eux, ni de cette confrérie virile que vous appelez Garde des Ombres. Je ne cherche pas le salut, ni la rédemption. »

Tes dents se dévoilent dangereusement dans l’éclat des torchères. Il en va de même de la vague empreinte amarante laissée par ton dos. Tu te persuades que son monde à elle est propre, ses choix pris, sa conscience nette, sa vie faite, son âme pure. En parlant, tu as l’impression d’abjurer à la question, d’avouer ta faiblesse, ta honte, ton avilissement. Keira représente tout ce que tu ne seras jamais. Elle possède une place, un rang, un but alors que tu n’es rien si ce n’est l’avatar de la jeunesse dévorée par la guerre et les catastrophes.
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Dim 29 Oct - 19:31

Garde ta haine pour les engeances
Séraphine & Keira
Amaranthine - Fort Bastel, 10 : 40 des Misères



Séra gronde, tel un animal sauvage, et se dégage violemment de mon étreinte. En dévoilant les dents, elle me met en garde et m’interdit de m’approcher d’elle. Je fronce les sourcils : pourquoi une telle réaction ? Son regard agressif braqué sur moi, elle semble prête à me sauter à la gorge au moindre mouvement. Mais d’où elle sort exactement celle-là ? Sur le coup de l’agacement, mon poing se ferme, prêt à venir se fourrer dans sa gueule si elle résiste trop.

Ce n’est pas la première fois que je vois une recrue difficile. Dans le défilé de chair fraîche qui vient régulièrement garnir nos rangs, il y a parfois de fortes têtes. Particulièrement parmi les conscrits, présents dans la Garde contre leur volonté. Ce qui semble être le cas de cette jeune femme, à en juger par son discours. Je me demande qui l’a ramenée ici, et pourquoi. Elle ne doit guère avoir qu’une vingtaine d’année et, compte tenu de ses manières et des guenilles qu’elle porte, je devine qu’elle sort tout droit des bas-fonds.

« Et je ne suis là pour t’offrir aucun des deux. » Je lui rétorque, sèche, lorsqu’elle prétend qu’elle ne chercher ni le salut ni la rédemption. « J’ai une tête de sœur chantriste peut-être ? » Je raille. « Non, je suis là pour te former, et visiblement, pour t’empêcher d’écharper d’autres recrues ! »

Les bastons entre les conscrits ne sont pas rares. Il faut dire qu’ils aiment en général bien se tarter la gueule pour prouver leur supériorité. Seulement, il vaut mieux éviter que ces petites rixes ne dégénèrent. Retrouver un cadavre dans les baraquements au petit matin, ça fait un peu tâche, si vous voyez ce que je veux dire. Et nous ne sommes pas assez de Gardes de Ombres pour nous permettre de perdre de potentiels membres de cette manière.

Quelque part, sa défiance à mon égard me fait sourire. Elle a du chien, et j’aime ça. C’est le genre de choses que je veux voir chez les recrues. Sa férocité l’aidera à s’en sortir, si elle survit à l’Union. Enfin, encore à supposer qu’elle ne fasse pas massacrer avant ça.

Je remarque soudain, dans la lumière tremblotante des torches, la trace rouge de sang que le choc du dos de Séra a laissé sur le mur. « Tu es blessée. » Je me contente de lui signifier, en désignant le mur d’un mouvement du menton. « Tu veux bien que je regarde ? » Je lui demande, ne m’approchant pas sans avoir son accord, de peur de recevoir une droite en pleine figure.

Je doute qu’elle accepte de me laisser faire comme ça. Elle préférera assurément crever d’une infection plutôt que de s’y plier volontairement. « En fait, si tu ne me laisses pas regarder de ton plein gré, je t’assommerais, t’attacherais à une chaise et je le ferais quand même. » Je l’informe d’un ton on ne peut plus sérieux. « Mais bon, on ne pourra pas dire que je n’ai pas demandé gentiment. »

La garce est coriace, pour sûr, mais j’ai plus d’entraînement, et elle est blessée. Je n’aurais aucun mal à la mettre hors d’état de nuire. D’ailleurs, je devrais peut-être le faire sans attendre, cela m’éviterait surement d’autres problèmes. Et je pourrais enfin aller me coucher. Je pousse un profond soupir. Bordel, avec cette histoire, mon mal de crâne ne s’arrange pas.  

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Mar 31 Oct - 11:24

Keira
&
Séraphine
Garder l'ombre
Et elle compte faire quoi, la bougresse ? Te dresser ? Te faire garder le pas à la badine et à la longe ? Toi qui n’a connu que les lueurs adamantines des humides pavés, l’air lourd de fumée citadine, la liberté des venelles aux encoignures garnies de coupeurs de gorge ! Tu n’es pas de la sorte qui courbe l’échine, qui plie le genou. Cadet des rues et des roues, Bretteuse, menteuse, plus noble que les filous. Œil d’aigle, jambe de cigogne, dent de loup, tu fends la canaille qui grogne, Perce-Bedaine, Casse-Trogne, sont tes surnoms les plus doux. Et de gloire, ton âme est ivrogne. Ainsi, dans tous les endroits où l’on se cogne, tu donnes des rendez-vous.

Peste donc que ces remontrances. Tu es presque une femme faite et elle, mise à part son titre et quelques printemps supplémentaires, entend t’apprendre à rentrer dans le rang ? Si une quenotte est restée planté dans ton poing, c’est qu’il l’avait mérité. Car si tu veux survivre en Dénérim la roublarde, il faut savoir se faire discret. Ainsi, tu la tances de regards sombres, ne pouvant fuir ni te rebeller. « J’appellerai plutôt ça la sélection naturelle. Faudrait jamais s’en prendre à plus gros que soit. Ca cause toujours du vilain, si vous voulez mon avis. »

Mauvaise grâce, foi contrite, tu te fends d’un sourire un brin méprisant. La femme joue bien son rôle de garde-chiourme. Pourtant, tu ne lui rendras pas la tâche facile, tu t’en fais l’interne serment. Si elle veut ton respect, elle devra le gagner, dusses-tu en souffrir mille tourments. On ne pouvait pas brandir l’ancienneté à ta trogne sans que tu ne te sentes obligée de cracher dessus. Seules les actions comptaient et tu n’étais pas garce à te laisser embobiner par la première gueuse venue.

« Vous avez l’œil du matou, Messerah. L’autre brindille possédait un atout dans sa manche. De quoi me percer un peu lard. Mais comme on dit, un gagné pour un rendu puisque je lui ai complétement refait le râtelier. »

Le freux t’avait planté dans l’omoplate, ce qui rendait, maintenant tes muscles refroidis, tes mouvements bien moins sûrs. Bien entendu, tu peux résister davantage, te faire assommer par Keira ou crever d’une infection. C’est sans doute ce que tu aurais fait si l’ombre sinistre de ta génitrice ne planait pas sur ta destinée. La putain pouvait encore trouver le moyen de te nuire en te sortant du tombeau pour faire de toi son esclave éternel.

« C’est bon. Je me rends à vos grâces. Pas besoin de brandir le martinet. » Grondes-tu doucement. « Une femme du monde sait se rendre à des arguments convaincants. » Tu dévoiles ta blanche dentition dans une parodie de sourire avant d’emboîter les pas à ton aînée. Il n’y a pas de faux-semblants dans la Garde, c’est ce que tu apprécies. Il suffit de pousser un peu pour retrouver l’ancestral langage des poings et des crocs. Et de fait, l’elfe semble le maîtriser à la perfection. Elles pourraient peut-être s’entendre finalement.

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Mer 1 Nov - 21:09

Garde ta haine pour les engeances
Séraphine & Keira
Amaranthine - Fort Bastel, 10 : 40 des Misères



C’est avec un sourire insolent plaqué sur le visage qu’elle continue de me défier. D’autres que moi lui auraient probablement fait ravaler son manque de respect d’un revers de la main. Mais je me contente de la détailler en silence. Je réprime même un sourire. Si toutes les recrues étaient attentives et disciplinées, leur entrainement serait bien triste.

A ma remarque sur sa blessure, Séra me rétorque que l’autre recrue lui a entaillé la chair avec une arme. Eh bien, on ne peut pas dire qu’elle ne l’ait pas mérité.

« C’est sûr qu’il ne risque pas d’oublier cette soirée… » Je commente en imaginant la réaction du pauvre bougre lorsqu’il réalisera, après avoir dessaoulé, dans quelle état est sa dentition. « Je doute qu’il apprécie le souvenir que tu lui as laissé. »

Finalement, non sans mauvaise volonté, Séra accepte que je me charge de sa blessure. Je lui intime de me suivre et la guide hors des quartiers d’habitation. Les éclats de voix s’éteignent progressivement, bientôt remplacés par le silence de la nuit, seul ponctué du bruit du vent qui souffle à travers les ouvertures de la forteresse.

A cette heure-ci, les couloirs sont presque déserts, et nous ne croisons que quelques autres Gardes en chemin. Ils haussent un sourcil interrogatif en me voyant avec la recrue, mais je balaye leurs questions d’un revers de la main. Il est tard, et je n’ai pas envie de m’expliquer. Au bout de plusieurs minutes, j’invite Séra à entrer dans la petite pièce qui nous sert d’infirmerie. « Assieds-toi là. » Je lui demande en indiquant une table. « Et retire ton vêtement que je puisses jeter un œil à cette blessure. »

Je saisis une bouteille d’alcool, quelques compresses et de quoi recoudre la vilaine plaie et vient m’asseoir près de la recrue. « Je suis Keira, au fait. » Je l’informe tandis qu’elle retire son haut, exposant son dos. « Et toi, c’est… Séraphine, c’est ça ? »

Je pose un regard sur le dos nu dévoilé. Il est recouvert de cicatrices, récentes visiblement, et marqué d’un tatouage en langue elfique. Intriguée, je passe mes doigts sur les écritures qui courent le long de l’échine de Séra. Je ne maîtrise pas bien la langue – je n’ai jamais vraiment été très attachée à mes origines – mais les quelques reliquats d’enseignement que m’a donnés ma mère me permettent de déchiffrer le message. Je ne peux retenir un petit rire. « Tu sais ce qu’il est écrit sur ce tatouage, n’est-ce pas ? » Je l’interroge, amusée. En réalité, vu la teneur de l’inscription, j’en doute.

Je porte bien vite mon attention sur l’imposante lésion qui orne l’omoplate de Séraphine. Probablement faite avec une dague ou un surin, la lame a creusé profondément dans la tendre chair de la recrue. Elle va assurément laisser une nouvelle cicatrice à ajouter sa collection. « Eh ben, c’est pas beau à voir. » Je lui tends un morceau de tissu. « Tiens, tu devrais mordre ça. » Je lui adresse mon plus beau sourire. « Ça risque de piquer un peu. »

Et, sans davantage prévenir, j’applique une compresse imbibée d’alcool sur la blessure. Séra se raidit immédiatement et pousse un cri indigné. Je laisse éclater un rire moqueur : « Ne crie pas si fort, tu vas réveiller tout le monde ! »

Je continue de panser sa blessure sans dissimuler mon hilarité face à sa sensiblerie. Je ne suis pas particulièrement douée pour ça - je suis une guerrière, pas une guérisseuse - mais j’ai néanmoins appris les gestes nécessaires pour soigner une plaie ou stopper une infection. Après tout, c’est utile quand on exerce une activité aussi dangereuse que celle de Garde des Ombres.

« Mais au fait, d’où est-ce que tu viens, exactement ? » Je l’interroge, histoire de faire la conversation et de détourner son attention de la tâche que je suis en train d’accomplir.

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Ven 3 Nov - 9:50

Keira
&
Séraphine
Garder l'ombre
Les murs nus éclairés çà et là par l’éclat vacillant des torchères renvoient l’écho solitaire de vos pas. Et pas un morceau de pain, une lichette minérale pour marquer vos pérégrinations au sein du Fort. C’est une nasse, un labyrinthe veiné de couloirs et de passages dont tu ne peux t’extraire. Ici et là, à l’occasion d’une pernicieuse encoignure,   vous rencontrez l’œil interrogateur d’un Frère ou d’une Sœur mais ton guide ne s’ébroue que d’un mouvement d’épaule désabusé. Ainsi, la pièce doit se jouer et chacun son rôle. Pour faire bonne figure, tu figes ta mâchoire en une grimace patibulaire et conserve l’allure traînante des condamnés.

La salle où vous pénétrez est étroite. Une table au bois nu d’entaille. Quelques chaises. Des étagères. Il ne devait guère avoir de survivants qui arrivaient jusqu’ici. Sans un mot, tu te hisses lestement sur le promontoire. Tes doigts s’accrochent aux boucles rouillées et aux lacets, se bousculent et s’écharnent légèrement à l’aigue de leurs angles. Le regard fixe, les joues embrasées, tu t’exécutes. Serais-tu intimidée, enfant ?  Le cuir tombe dévoilant la maille grossière et maculée du justaucorps un peu serré aux entournures.  Tu t’effeuilles de la souillure pour ne laisser que le dépouillement de ta chair malmenée.  Sur la soie violée, l’écarlate de l’hématome se dispute à l’opale des cicatrices. Genoux remontés contre ta poitrine, tu renâcles en silence car, non, tu n’aimes pas que l’on te voit ainsi. Comme une carte non censurée des terreurs et des sévices qui t’ont contrainte depuis l’enfance.

« Keira », tu répètes tranquillement. La sonorité en est aussi douce que tranchante. Pas comme ton prénom. Trop doucereux, pour un traîne-misère. «  Il n’y a que la Révérende Mère pour m’appeler Séraphine. » Le ton se fait nostalgique. Tu ne la reverras jamais plus, condamnée que tu es à l’exil. « Séra, c’est tout. »

Le silence retombe sur la salle. Tu trembles un peu lorsque les doigts de ta camarade de misère s’égarent sur ton épine dorsale. Ils restent là, un instant, retraçant l’encre, tu gages. Le chevreuil prit entre les flèches du chasseur n’aurait pas été plus immobile qu’en ces secondes qui te semblent être une éternité. Elle rit mais tu crains toujours de te retourner. « Fellasan a dit que c’était « ajusté à moi comme la boue au cul d’un Brontö. » L’inquiétude et la colère se disputent ton attention avant que tu ne tranches avec une incisive question : « Qu’est-ce que cette fiente de cochard a bien pu torcher ? » Tes projets de vengeance sont interrompus par la remise impromptue d’un bâillon auquel s’additionne bientôt une douleur de rôtissoire. La bougresse vient de vider la moitié de sa gnôle sur la plaie et tu comprends enfin ce qu’Andrasté a subi sur son bûcher. Tu piaules, gémis alors que la bourrelle poursuit son triste ouvrage. Tu sens les fils plonger dans le dermes pour rapprocher les lèvres de la lésion et ce sentiment te met le cœur au bord des lèvres. Tu aurais accepté, de bonnes grâces de répondre à toutes les questions, sauf à celle-ci. Tes origines. Vaste programme d’abandon et de boue que tu préférerais laisser sur les ornières comme un chien galeux. « De l’orphelinat de Dénérim. J’ai échappé de peu au Bascloître mais comme on peut décemment me faire passer pour entièrement humaine, j’ai eu le droit à un traitement de faveur. Et vous ? »

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Jeu 16 Nov - 19:08

Garde ta haine pour les engeances
Séraphine & Keira
Amaranthine - Fort Bastel, 10 : 40 des Misères



Je remarque rapidement que Séra n'est pas des plus à l'aise en s'affichant ainsi, partiellement nue, en ma présence. La pudeur de la jeune femme m'arrache un sourire amusée.  Je ne suis pas du genre à m'encombrer de ce genre de choses. Combien sont ceux de la Garde à m'avoir déjà vue dans mon simple appareil ? J'ai arrêté de compter.

Et puis, on ne peut pas dire que la recrue soit désagréable à regarder. Derrière la crasse et les sévices qui ont marqué sa chair, se cachent des courbes fort attirantes. Moi qui aime autant les corps féminins que masculins, je ne manque pas une seconde du spectacle. Et ce ne sont pas les cicatrices qui me repoussent, surtout étant donné que mon dos est certainement tout aussi marqué que celui de Séra. Les miennes sont simplement plus anciennes et se sont estompées avec le temps.

« Séra, hein ? » Je souris, quand la recrue me reprend sur son prénom. « Ça me va. »

De toute façon, je trouvais Séraphine un peu trop pompeux à mon goût. Je ne suis pas friande de noms trop compliqués. J’ai tendance à les aimer simple et courts, comme le mien.

La recrue ne manque pas de réagir à ma remarque sur son tatouage, confirmant mes soupçons à ce sujet. Je dois avouer que je trouve tout cela très amusant. Ça me rappelle des souvenirs, qui ne sont pas si lointains d'ailleurs ! La réminiscence d'un étrange réveil, le lendemain d'une soirée un trop arrosée… et d'un tatouage, dans le creux de mes reins, dont je n'avais aucune idée de quand ou comment il était arrivé là. Enfin, il faut dire que le tatouage n'est pas vraiment le seul truc que j'ai oublié de cette soirée.  Dans ma tête, c'est comme un gros trou noir.

« Eh bien… mon elfique est un peu rouillé et je ne te connais pas assez pour dire si "saloperie d'enfant de cœur" te va à merveille mais… en tout cas, c'est original ! » Je raille, tout en continuant de panser sa plaie.

La morale, dans l'histoire, c'est qu'il ne faut jamais faire confiance à celui qui veut vous tatouer. Et en particulier si c'est dans le dos ! Remarque, l'inscription qui orne l'échine de Séra, pour quelqu'un qui ne connaît pas la langue des oreilles pointues, peut n'avoir l'air que de jolis gribouillis mystiques.

A ma question sur ses origines, la recrue me répond qu'elle vient de l'orphelinat de Dénérim et qu'elle a échappé de peu à l'enfer du bas-cloître. Si, à mes yeux, vivre parqué dans ces enclos à bestiaux pour oreilles pointues est toujours mieux que ce que j'ai enduré en tant qu'esclave de l'Empire, je comprends toutefois qu'elle soit soulagée d'avoir pu y couper.

« Tévinter. » Je lui réponds sobrement lorsqu'elle me retourne l'interrogation.

Ce mot a un goût acide dans ma bouche, et il est inutile de lui en dire plus. J’évite en général de parler de mon passé, principalement pour me soustraire au jugement de mes compagnons d'arme. Je n'ai guère besoin de leur pitié ou de leurs remarques à ce sujet. Pour moi, seul importe le présent. Et l'avenir, bien entendu.

Je finis de recoudre grossièrement les chairs avant de tendre la bouteille de gnôle à ma compagne nocturne : « Tiens, ça ne peut pas te faire de mal. »

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Mar 19 Déc - 9:54

Keira
&
Séraphine
Garder l'ombre
Tévinter. Personne ne devrait jamais la questionner sur ses souvenirs d’enfance. Et puisqu’elle a porté cette affirmation sans larmes et sans pathos, tu te conteras de son silence pour combler les vides de son histoire. Une autre, la Grande avec sa Hache a déjà répondu à sa place : l’esclavage, les coups,  les privations. Tu as frissonné involontairement, la chair de poule te dévorant l’épine dorsale. Tu ne dis rien car il n’existe pas de mots pour consoler des années de ravage.

A sa proposition, tu hoches simplement la tête. Tes doigts frôlent ceux de ta comparse lorsque tu te saisis de la bouteille. Le liquide huileux et transparent coule avec volupté dans ta gorge. « Je suis peut-être une saloperie d’enfant de Chœur mais dans la Garde, vous l’êtes tous un peu. Donc à vous.  » Murmures-tu avec un faible sourire. Une seconde rasade. Tu lui tends de nouveau la flasque.

Un silence confortable s’installe entre vous. Tu en oublierais presque ta nudité partielle que couvre à peine le bandage. Toutefois, dans la froideur de la salle, c’est la chaleur dégagée par la proximité de sa peau que tu perçois. Elle est bien trop proche pour que le malaise s’évapore dans les vapeurs d’alcool. Alors, pour faire bonne figure, tu serres un peu plus tes bras autour de toi. Tu vois bien que cela amuse ton aînée mais tu ne peux pas lutter contre le cramoisie qui te monte aux joues alors que son regard vagabonde.

Les prunelles charbonneuses te toisent intensément provoquant une bouffée supplémentaire de trouble. Tu n’as jamais été très capable dans ce qui était de masquer tes sentiments et c’est pourquoi les ombres t’avaient toujours convenu. Là-bas, il n’y a personne pour s’en amuser et personne pour s’y intéresser. Aussi loin que tu pouvais regarder, il n’existait qu’une solitude fade qui colorait de spath ton existence.  

« Je suis désolée pour le gosse. » Les mots peinent à franchir tes lippes toujours serrées. Si tu étais sincère avec toi, tu savais que ce n’était qu’une demi-vérité. Il l’avait bien cherché mais il te semblait que c’était la chose à dire. « Pas qu’on est encore besoin de ses dents pour faire face aux engeances mais bon ça aurait pu lui servir pour lever une donzelle ou croquer dans un autre type de pomme. »

On ne chassera pas de toi les mécanismes huilés par l’eau grasse des rues. On ne ferait pas de toi un héros. Tu resterais la mignarde ribaude de Dénérim. Et dans cette affirmation ne couvait aucun fatalisme. C’était un fait. Sur ses paroles, tu laisses ton corps glisser de la table et dans un mouvement liquide enfiler le justaucorps souillé de ta culpabilité. Il se colle sournoisement à la plaie. Ce soir, tu vas déguster. « J’ai été conscrite. Ce n’est un secret pour personne. Je n’ai plus d’autre choix que d’enfiler des perles avec vous autres ou mourir. Quelle est votre raison, à vous ? Vous avez une affection particulière pour les dortoirs puants ou les connards frigides ? »

Tu t’es retournée vers ta comparse, un sourire irrégulier plâtré sur le visage. Evidemment, tu attends une réponse sardonique mais tu ne peux t’en empêcher. Provoquer gentiment les gens est l’une de tes distractions favorites.

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