SUMMER SNOW - LYSANDER

Mon bien cher ami;

Je vous écrit depuis le plus beau des spectacles, à mes yeux s'offrant. Par la fenêtre de ma chambre, j'observe une étrange mais merveilleuse danse qui s'étend sur les toits de Denerim; les flocons tombent à foison et recouvrent la ville d'une chape blanche; le ciel fait écho immaculé au sol, et il se confond avec la terre; les bâtiments même se cachent dans ce décor charmant, ne laissant paraitre que peu d'eux-mêmes, recouverts de ces larmes gelés à l'incroyable complexité. Je suis prise de l'enfantine envie d'aller courir dans les jardins, et de me laisser rouler dans ce froid coton jusqu'à m'en rendre malade.
Cela me rappelle les paysages grandioses de l'Emprise du Lion, tout de blanc teintés. L'endroit me manque, il me faut l'admettre. Toutefois, il existe une beauté non négligeable en une Denerim enneigée, comme sur la dureté de Ferelden se voyait recouverte d'une tendre douceur, l'espace d'un court instant. Comme j'aimerais que vous puissiez voir ce spectacle de vous même, mes mots ne lui font pas pleinement honneur je crains.
Neige-t-il en Nevarra ? Vous me parlez souvent de la chaleur et du soleil en ces lieux; le nord est également connu pour ces attributs, mais qu'en est-il de l'hiver ? Recevez-vous ce que je vois comme un cadeau du ciel, milles œuvres uniques envoyées depuis les nuages, ou ignorez-vous jusqu'à la sensation de recueillir un flocon dans le creux d'une langue tendue vers les cieux ?

Cela étant dit, je dois bien vous embêter à ne parler que de neige et à ainsi divaguer, veuillez donc me pardonner.
Comment vous portez vous ? Lors de votre dernière lettres, vous me disiez être alité, j'ai prié le Créateur pour vous et j'espère que cette missive vous recevra en meilleure santé, qu'Andrasté vous garde.
Sans vouloir troubler votre esprit avec de telles choses, mais je suis dans une situation qui me cause bien du soucis, et il me faut mettre des mots sur ces émotions qui me bouleversent. Mon Oncle semble sur le point de donner tout son soutien à l'Inquisition, se retournant donc à l'occasion pleinement contre la Chantrie de la Divine. Je ne sais trop quoi penser que cela; il est vrai que les dernières décisions de la Divine m'ont fait frissoner d'effroi devant une telle vague de violence, mais d'une autre part, elle a été entrainée par la prise de Kirkwall, elle-même motivée par une restriction de libertée chérie, née de l'assassinat de la précédente Divine...Tous ont motifs valables, mais voyez, c'est bien la preuve que la violence ne fait qu'entrainer la violence; quand sortirons-nous de ce cercle sans fin ?
Rien ne semble sûr en Ferelden; l'Enclin est toujours à nos portes et les armées se rassemblent pour aller le combattre; combiens de vies seront à nouveau sacrifiées pour combattre cet enfer ? Et plus loin au sud du pays, voilà l'apparition d'une force armée qui rassemble; je n'ai rien contre l'Inquisition, j'observe juste avec une certaine crainte ma contrée être traversée de soldats de toute part; combien d'entre eux ont-ils réellement de bonnes intentions ? Il existe dans tout groupe militaire des personnes assoifées de sang, et ce sont elles que je crains. Je pense que j'aurais à voir par moi-même l'organisation de l'Inquisition si jamais soutien il y a réellement, politiquement parlant, une visite régulière de la couronne Fereldienne est une chose à montrer, et mon Oncle étant, à raison, plus préoccupé par l'Enclin que part l'Inquisition qu'il accepte sur nos terres, je serais probablement désignée pour faire ce lien politique.

Mais je parle je parle et je suppute peut-être plus que de raisons; ma tête commence à me meurtir de tant de possibilités, j'aurais préférer passer cette lettre à vous parler de la neige, mais plus rien ne semble être aussi facile désormais.

Je vous salue tendrement et espère que vous vous portez au mieux;
Qu'Andrasté vous garde,

Eira Theirin.

Mon bien cher Lysandre;

Je suis heureuse et soulagée que ma lettre vous ait trouvé en bonne santé; j'en remercie Andrasté et le Créateur du plus profond de mon coeur.
Je m'attriste de vous savoir prisonnier de votre santé et espère que votre soigneur trouvera un jour un moyen de vous faire profiter des choses de la vie autrement qu'en vous couvant.
En attendant, permettez-moi de vous offrir un voyage à travers ma plume, si vous le permettez; je vais vous parler de Denerim.
Je n'ai jamais visité les grandes contrées du Nord, mais Denerim doit être bien différente de Nevarra; c'est une ville à l'image de Ferelden, toute de pierres bâtie. Là où la perle de Ferelden est Amaranthine, Denerim serait son coeur. Notre capitale a résisté à bien des choses, vous savez. Un enclin a prit fin en son sein, et elle a vu passer son lot de conflits et de sanglantes guerres civiles. Peut-être sa résistance vient de la protection d'Andrasté elle-même, qui y est née ? La manière dont est célébrée sa naissance dans la ville est d'ailleurs assez singulière; là où d'autres auraient fait bâtir temples et statues immenses, nous nous contentons d'un roc, érigé au cœur d'une place, gravé de ses saintes paroles. Les Féreldiens sont un peuple simple par certains égards, une population plutôt directe, dans ses actes, pensées et manières; après avoir vécu quelques années en Orlaïs, je me dit que ce n'est pas forcément un mal, peut-être même une qualité. Toutefois, il ne faut pas être dupe; si notre histoire est emplie de guerres civiles, c'est bien que nos nobles pourraient faire en bien des égards, part belle au Jeu orlésien.

L'un de mes bâtiments préféré de la ville pourtant n'est pas de facture Féreldienne. Il faut dire que nous parlons d'une époque où Ferelden n'était pas, quand l'Empire Tevintide s'étendait jusqu'au bout des frontières du Sud. Il s'agit du Fort Drakan; il domine la ville de sa tour, celle-là même où le héro de Ferelden se sacrifia pour vaincre l'Archidémon à l'ère dernière ! L'architecture y est différente; on  trouve plus de dômes et des plafonds voutés, gravés de sublimes arabesques qui évoquent un Nord lointain. J'aime à  monter en haut de la tour, pour cotoyer là où l'histoire s'est faite (que vous devez me prendre pour une incorribigle rêveuse !) mais également me souvenir, en ce moment, que tout Enclin est capable d'être défait. Cela me redonne espoir pour ma contrée. Et puis, il s'agit aussi de la plus belle vue sur la ville. D'ici il est possible d'appercevoir le fleuve Drakan qui se jette dans la Mer d'Amaranthine, le port empli de bateaux, les milles toits et demeures fortifiées de la ville, le labyrinthe des grandes artères qui se changent en les plus petites des ruelles au détour d'une maison. La ville ne semble pas avoir de sens; comme construite sur un coup de tête, aux grées des envies de ses habitants; elle respire la liberté, un autre aspect purement féreldien ! On voit même, de cet étrange perchoir, le grand arbre du bas-cloître des elfes. J'aimerais visiter ce quartier, hélas, il m'en est impossible; je suis comme vous protégée. Je ne désire pas y aller pour m'émerveiller d'une culture, mais pour voir la réalité des lieux, la pauvreté, et peut-être y faire quelque chose. Toutefois, on ne cesse de répéter que ce n'est pas ma place et je n'ai pour le moment jamais réussit à m'y glisser discrètement.
Pour que vous puissiez mieux visualiser la ville, je vous joint un croquis de cette dernière, tracé par mes soins, depuis le haut du Fort.

Excusez ma longue digression. Pour en revenir aux inquétudes que je vous aies partagées, et que je vous avez bien généreusement relevées, une bonne nouvelle est arrivée avant que je ne reçoive votre missive : mon cousin Randall qui avait disparu est revenu parmi nous, dans la meilleure des santés qu'il lui soit possible après les aventures qu'il a connu. Me voilà à nouveau éloignée du trône d'une personne de plus; vous n'imaginez pas mon soulagement, même si au moment où je trace ces mots, je me sens ingrate envers tout mon peuple.
Quant à l'Enclin et bien, l'Archidémon semble s'être bien installé à Fort Céleste, mais le revers qu'il a connu il y a quelques mois aux portes d'Orzammar ne tiendra pas le gros de ses armées loin de nous bien longtemps; des incursions d'engeances sont à déclarer dans tout l'Est du pays, qui est à feu et à sang. Mais les armées se préparent et Fort Bastel aussi, j'entend que bientôt seront lancées les marches contre cette Créature et ses suppôts. J'espère voir une fin prompte à l'Enclin, non seulement pour Ferelden et Orlaïs, mais également pour tout Thedas.

Je ne vous coupe à vos occupations avec ma lettre que depuis trop longtemps mon cher ami; j'espère qu'Andrasté veille sur vous et attendrais de vous nouvelle avec une sincère impatience.

Que le Créateur vous garde;

Tendrement,

Eira Theirin.