When the sun goes down ~ Nina

La troupe Almarri était arrivée au Nevarra moins d'une semaine plus tôt. Le voyage depuis Ferelden avait été assez long, et ponctué de petits spectacles dans divers villes et villages et trous paumés. On ne s'ennuyait jamais, dans une troupe de saltimbanques : il y avait toujours quelque chose à faire. Ce qui ne l’empêchait pas d'être contente d'être enfin arrivée... C'était la première fois qu'elle visitait le Nevarra. Elle avait toujours été ouverte à de nouvelles aventures.

Ça faisait quelques temps que Nina avait envie de découvrir ce pays - elle avait même fait partie des quelques membres de la troupe qui avaient proposé la destination. Elle était un peu déçue, cependant. Les villes lui semblaient froides, et surtout remplies de nécropoles, ce qu'elle était loin d'apprécier : certes, on l'avait prévenue de la fascination des habitants locaux pour la mort et ce genre de choses, mais elle n'avait quand même pas cru que c'était à ce point... Entre la richesse des nobles locaux et leurs spiritualisme bizarre, elle commençait à se dire que cet endroit n'était pas pour elle. Au moins, leurs quelques premiers spectacles s'étaient bien passés : encore qu'ils n'en avaient encore fait aucun dans Nevarra City, la capitale, où ils n'étaient arrivés que la veille.

Elle avait remarqué, au passage, une énorme demeure qui était, selon Nova Almarri, une propriété Pentaghast. Autant dire que ça l'avait tout de suite tentée. La naine, pourtant, l'avait immédiatement dissuadée de faire quoi que ce soit : elle ne tenait pas à se mettre la famille royale à dos, surtout à présent qu'ils étaient tous sur son territoire. Les Amis de Red Jenny, avait-elle dit, ne leur avait donné aucune raison de tenter quoi que ce soit contre les Pentaghast ; elle n'avait qu'à se contenter de faire son job au cirque, ce n'était quand même pas si compliqué. Mais voilà, ça faisait près de trois mois maintenant que la demi-elfe n'avait plus rien dérobé et, avouons-le, ça lui manquait ; et elle ne voyait pas où aurait été le mal à aller cambrioler cette maison-là, de toute façon... Ses habitants étaient déjà bien assez riches comme ça, et ils ne remarqueraient même pas son passage, et elle avait même entendu dire que certains d'entre eux étaient des nécromanciens, et franchement, ils le méritaient, non ? Mais Nina doutait de pouvoir convaincre sa supérieure comme ça... Alors elle avait soufflé et râlé et accepté avec réluctance ses demandes, du moins en apparence, et avait attendu le bon moment.

Ainsi, ce soir-là, elle s'était glissée hors du cirque pour retrouver cette demeure. La façade était parfaite, juste le parfait mélange de points d'appuis accueillants et de passages plus compliqués : on aurait presque pu croire qu'elle avait été construite pour l'inviter à l'escalader, un parfait challenge. Comme une ombre, elle était passée par l'arrière, avait grimpé jusqu'au premier étage, et était entrée par une fenêtre. Elle s'était doucement glissée à l'intérieur, presque invisible dans ses vêtements noirs, et avait commencé son boulot. Elle avait commencé par chaparder quelques bibelots décorant une cheminée (chacun trouvant leur place dans la sacoche suspendue à son épaule) avant de se faufiler dans un salon (qui avait besoin de plusieurs salons ?) et de se mettre à la recherche d'autres objets de valeur à emporter. Il y avait un tableau au mur, un beau tableau, un peu trop grand pour qu'elle le transporte, malheureusement ; elle se tourna plutôt vers deux candélabres très brillants (de l'argent ? De l'argent !) dont elle s'empara, en fourrant un dans son sac... Puis elle entendit des pas s'arrêter dans le couloir juste derrière elle et retint son souffle. La porte s'ouvrit. Une voix lui demanda sèchement ce qu'elle faisait là.

Elle s’immobilisa, une pensée - et merde ! - passant très distinctement dans sa tête. Lentement, elle leva une main, gardant l'autre serrée sur le candélabre... Une arme, si elle s’avérait nécessaire. Bien sûr, elle avait d'autres armes, ses quelques lames bien en place dans leurs fourreaux... Elle ne sortait jamais sans, quand il s'agissait de ses activités les plus illicites. Elle préférait ne pas avoir à s'en servir, pourtant. Elle n'aimait pas le sang, elle ne voulait pas tuer. Elle se retourna doucement vers la voix.

-"Je sais c'que vous devez penser, mais permettez moi de vous dire qu'il ne faut jamais sauter sur des conclusions hât - Matei ?"

Nina avait du mal à le croire. Elle avait déjà rencontré le jeune homme - c'était ce mage qu'elle avait aidé à semer des templiers à sa poursuite, dans les forêts d'Orlais. Ils avaient voyagé ensemble durant des semaines, avec le reste de la troupe Almarri, jusqu'à ce qu'il ne décrète qu'il était temps pour lui de suivre son propre chemin. Il cherchait à rentrer au Nevarra, sa nation d'origine. En fait, si Nina avait argumenter pour que le Cirque prenne cette direction après le passage à Denerim, c'était un peu pour ça. Ses descriptions du pays l'avaient rendue curieuse, et elle avait aussi eu envie de le revoir... même si elle ne se serait jamais attendue à le retrouver dans de telles circonstances.

C'était pourtant bel et bien lui, debout dans l'embrasure de la porte : il l'avait reconnue aussi. Nina se retrouva sans voix pendant un moment - un fait rare, pour elle. Elle finit par retrouver un brin de contenance, sa main toujours crispée sur son chandelier, et bredouilla ?

-"Matei ! Je - Que - Qu'est ce que tu fous ici ?"

Une série de scénarios défilèrent dans sa tête. Est-ce qu'il travaillait ici ? Est-ce qu'il était là pour cambrioler la maison comme elle ? Il avait un pomme à la main - quel genre d'idiot apportait une pomme à un cambriolage ? Hum, en fait, elle l'avait déjà fait, une fois. On était jamais à l'abris d'un petit creux.

Matei avait l'air énervé - et, vraiment, Nina ne pouvait pas tellement le lui reprocher s'il habitait bel et bien dans cette maison qu'elle était en train de cambrioler. Au moins, il n'alla prévenir personne, fermant plutôt la porte derrière lui comme pour rester discret (est-ce que c'était ça qui l'avait trahie ? Ah, ridicule. Ca lui apprendrait). Elle reposa le candélabre à contrecœur, sans cependant libérer celui qui était déjà dans son sac : Matei ou pas Matei, un objet de valeur restait un objet de valeur et elle préférait que celui-ci soit entre ses mains à elle.

Il lui attrapa le bras et l'attira vers une fenêtre histoire de profiter de la lumière de la lune - technique dont Nina elle-même ne manquait pas de faire usage lors de ses escapades nocturnes. Elle ne se débattit pas à outre mesure - elle aussi tenait à rester discrète - mais ça ne l’empêcha pas de siffler : "Mais lâche moi ! Et je t'ai dit, en plus - enfin, je t'ai dit que j'avais été voleuse, avant, et c'est presque pareil." Elle ignora la question sur Nova - elle restait fidèle au cirque et ne tenait pas à les mêler à tout ça... Car même si la naine ne l'avait pas envoyée chaparder aujourd'hui, d'autres jours, ça avait été le cas. "Et d'abord, tu m'avais pas dit que tu vivais dans une maison Pentaghast, toi. Tu travailles ici, monsieur 'j'ai de belles relations' ?" Il y avait bien sûr une autre possibilité - que Nina avait du mal à prendre au sérieux. Le mage était-il un Pentaghast lui-même ? Mais si c'était le cas, qu'est-ce qu'il aurait foutu des mois plus tôt perdu au milieu d'un bois et poursuivi par des templiers ? Pas très princier, comme vacances...

Et puis elle espérait qu'il travaillait ici. Il n'y avait personne au monde qui n'avait pas un certain ressentiment pour son boss. S'il travaillait là, elle pourrait bien s'arranger avec lui pour repartir avec un bon petit butin. Ca ne ferait de mal à personne, dans le fond.

Il finit par la relâcher et elle s'appuya contre l'appui de fenêtre, jugeant de ses chances de s'enfuir si elle sortait par là. Elle ne comptait pas le faire tout de suite, évidement - elle espérait réellement pouvoir s'expliquer avec Matei, car c'était un ami - mais il valait toujours mieux avoir un plan de sortie en tête, dans ce métier.

-"Ecoute, Matei, si j'avais su que tu vivais ici, je t'aurais prévenu que je viendrais ! Il y a tellement de trucs, ici, j'suis sûre que personne ne remarquerait s'il y avait des choses qui manquent." Elle leva les yeux sur lui. C'était vrai, en plus : c'était toujours mieux d'avoir quelqu'un qui travaille de l'intérieur, pour un cambriolage. Et puis, c'est toujours plus marrant de faire ça entre amis. "C'est sympa de te revoir, en tout cas."

Nina n'avait pas envie de se disputer avec Matei pour une histoire aussi minime qu'un vol de babioles, alors elle le laissa parler. Il dit être content de la revoir : cela lui fit plaisir... mais ce qui suivit la plongea dans la confusion.

-"Tu... hein ?"

Elle avait bien entendu ce qu'il disait, mais c'était tellement bizarre qu'elle avait presque du mal à comprendre. Matei n'était pas noble, de toute évidence - qu'est-ce qu'il aurait foutu tout seul perdu à Orlais et poursuivi par une bande de templiers tueurs, sinon ? Dans l'imaginaire de la jeune femme, les activités principales des nobles étaient constituées de séances de maquillage devant le miroir, de bals extravagants et de longues grasses matinées. Pas de fuites éperdues dans les bois - à part pour ces quelques abrutis qui aimaient jouer à la chasse à la wyverne, elle supposait, mais ceux là méritaient franchement de se faire croquer, de toute façon.

Et pourtant... Entre la présence du mage sur place, le fait qu'il se sentait clairement chez lui, les vêtements qu'il portait, le ton de sincérité dans sa voix... Non, il ne mentait pas. Il était bien ce qu'il disait être...

-"Et tu ne m'as rien dit ? Pendant tout ce temps ?"

Elle ne savait même pas pourquoi ça la choquait à ce point. Ce n'est pas comme s'ils étaient connus depuis des années. Et elle-même, elle ne lui avait pas tout dit sur sa vie... Elle ne lui avait pas parlé de Red Jenny, ou du fait qu'elle faisait toujours dans le cambriolage... Alors que pouvait-elle lui reprocher ? Elle ne savait pas trop, elle se disait juste que si il lui avait posé la question, elle aurait été plus honnête que ça. "J'y crois pas." Rien de ce qu'elle savait de lui ne lui avait laissé présager ça. Pendant leur voyage ensemble, il s'était montré absolument résiliant et prêt à aider la troupe quand il fallait. Bon, pas au point de monter sur scène, certes... Mais elle pouvait le comprendre. "J'y crois pas ! Quelle idiote ! Je viens juste au Nevarra, je me dis, oh, je vais pouvoir revoir mon pote Matei, et qu'est-ce que je découvre ? Qu'il était juste un Pentaghast pendant tout ce temps ! Juste un petit détail, je suppose ! Ah, oui, Nina, il faut que tu visites mon pays, c'est très joli, là-bas... Et quand je dis mon pays, je veux dire littéralement le mien, sauf que je ne vais pas te dire ça, bien sûr... Stupide Nina, pourquoi lui dire quoi que ce soit, hein !" Elle réalisa qu'elle avait commencé à hausser la voix durant sa merveilleuse imitation, et baissa un peu le ton.

-"Désolée, juste... Pourquoi tu m'as rien dit ? Je veux dire, j'aurais été... On t'aurait aidé quand même, hein ! J'imagine !" En fait elle n'était pas sûre... Mais Matei avait vraiment eu besoin de leur aide, noble ou pas noble, et il avait vraiment été sympa, alors... Elle soupira. Elle ne savait pas quoi penser. Elle regrettait déjà un peu de s'être énervée. Mais elle avait surtout envie d'entendre ce qu'il avait à répondre...

Nina se sentait un peu vidée après sa tirade... Elle était en tout cas plus calme, et attendait à présent une réponse de Matei. Mais elle allait devoir patienter... Le jeune homme l'attrapa par le bras et l'attira vers la sortie, lui demandant de rester silencieuse. Elle n'eut pas le temps de protester et s'exécuta, le suivant sans parler : partiellement parce qu'elle avait envie de voir ce qu'il voulait, partiellement parce qu'elle avait peur de réveiller quelqu'un en faisant trop de bruit. Ce n'est que quand ils arrivèrent dans une nouvelle salle qu'elle reprit la parole, sifflant un "Mais c'est quoi, ton problème ?", mais le cœur n'y était pas.

Elle fit un rapide tour de la chambre des yeux - car c'était bien une chambre, celle de Matei, de toute évidence, qui était en train de refermer précipitamment une série de gros livres comme s'il avait quelque chose à cacher à l'intérieur. De quoi s'agissait-il ? Avait-il honte de ses lectures ? Elle se demanda s'il s'agissait de romans coquins. Si c'était le cas, il n'avait pas à s'en faire. En temps normal, elle aurait essayer de déchiffrer quelque chose pour le taquiner plus tard, malgré ses mauvaises compétences de lecture... Mais là, elle se sentait trop dépitée pour ça.

Elle se contenta donc de s'asseoir près de la fenêtre, ne pouvant s’empêcher de jeter un œil en contrebas pour voir si elle pourrait sortir par là. Matei, lui, se posa par terre ; il avait l'air plus sérieux. Et quand il repris enfin la parole, ce fut pour lui expliquer son point de vue d'une voix sincère. Il lui dit qu'il avait eu peur d'utiliser son vrai nom, que des templiers auraient pu y voir une opportunité de s'en prendre à sa famille. Et il lui parla de sa sœur... Sa petite sœur qui était morte, et dont la disparition l'avait tellement ébranlé qu'il avait quitté son pays pour tenter de ne plus tant y songer.

Elle écouta ses paroles sans l'interrompre. Là, elle ne doutait plus de sa sincérité... Elle ne se sentait même plus réellement énervée, le seul reproche qu'elle puisse réellement lui faire étant de ne pas l'avoir mentionné à la troupe - ou à elle-même, pas même une seule fois sur tout le voyage.

Elle soupira, et cala sa tête contre la surface froide de la fenêtre - en sentant la fraîcheur à l'arrière de son crane, à travers sa chevelure. "Je vois. Okay." Elle regarda dans le vide. Etait-ce si grave ? Le mensonge, peut-être... Mais Matei restait Matei. Et il semblait réellement désolée. Et... "Matei... ça va, tu sais. J'ai été surprise, c'est tout. Je veux dire ...même mon père était un noble, dans le fond. Bon, un connard qui a foutu ma mère à la porte une fois qu'il la mise enceinte... Mais tu sais, quand même - un noble." Elle retourna ses yeux vers lui. "Je suis désolée pour ta sœur." Elle n'avait plus vraiment de famille, elle-même - enfin, sa troupe était sa famille. Son père n'avait jamais rien eu à voir avec elle, et sa mère, presque rien... Et de toute façon, s'il fallait en croire ce qu'on disait sur sa ville natale, il y avait des chances pour qu'aucun des deux ne soient encore en vie.

La question de ses cambriolages intriguait toujours son ami. Il était vrai qu'elle aussi lui devait une explication. "Et si je vole, c'est parce que... Et bien... Il y a cet espèce de groupe, dont je fais partie... On essaie juste de... rendre le monde un peu plus équitable ? Nova en fait partie aussi - enfin, nous tous en fait. Faut en parler à personne, d'accord ?" Elle restait persuadée qu'il n'y avait rien de répréhensible dans ses vols. Ce n'était pas comme si elle faisait du mal à qui que ce soit. Avant de rencontrer les Almarris, là, oui - elle avait volé à des gens qui ne le méritaient pas, des gens dans le besoin, des gens honnêtes qu'elle avait peut-être mis sur la paille. Et elle le regrettait, quand elle y repensait. Mais aujourd'hui... Même quand elle ne le faisait pas pour Red Jenny, ses cambriolages restaient moraux, à ses yeux. Ses victimes n'avaient pas besoin de tous ces machins qu'elle emportait... Les perdre n'allait pas les tuer. "Et puis, des fois, je le fais juste pour le défi. Pour la sensation que ça donne..." Elle sourit faiblement. "C'est comme tricher aux cartes, mais en mieux."

Elle cessa de parler, se plongeant dans ses pensées. Mais une idée s'insinuait en elle, réveillée par un mot que le mage avait prononcé un peu plus tôt. "Matei...", souffla-t-elle, et son ton de voix était presque hésitant, à ce stade. "Tu as parlé de nécromanciens..." C'était la région, ici. Des nécropoles pleines de cadavres animés. Des "mortalitasis". Le créateur savait quoi d'autre. "Tu... n'en es pas un, toi, hein ?"

C'était vrai - cambrioler une propriété Pentaghast avait été un défi difficile à ignorer. C'était quand même bien plus intéressant qu'une quelconque famille de nobles riche mais peu connue. Mais il y avait autre chose... La façade de cette maison était tout simplement parfaite, avec juste le nombre suffisant de prises et de rebords pour que l'escalade soit faisable, mais sans être trop facile. Nina l'avait repérée dès qu'elle était passée devant, avant même de savoir qu'elle appartenait à des Pentaghast.

Mais elle cessa rapidement d'y penser quand Matei répondit à sa dernière question.

Elle regarda droit devant elle, un peu sous le choc. Elle ne l'interrompit même pas pendant qu'il lui décrivait les particularités des mages nevarrans, de la culture des mortalitasi, avec - littéralement ! - un crâne entre les mains. Elle était abasourdie, tout simplement. Quand elle lui avait posé la question... elle ne s'était pas attendue à ce qu'il dise oui. Elle avait eu un petit doute, peut-être, mais lui avait surtout demandé ce qu'il en était par acquis de conscience. Mais non, il le lui confirmait à présent : il était bel et bien un de ces nécromanciens. Et il avait beau dire qu'il était désolé, ça ne passait pas.

Elle secoua la tête amèrement. "Je vois." Elle n'était même pas sûre de ce qui la dérangeait le plus, ici. Était-ce uniquement le fait qu'il pratique la nécromancie ? Ou était-ce la façon dont il lui avait menti ? C'était encore différent des questions de noblesse... C'était lus  grave, plus pernicieux. Nina avait mentionné à plusieurs reprises durant leur voyage ensemble qu'elle trouvait ce type de magie dérangeant. Ca n'avait jamais été un secret. Et lui, pendant tout ce temps... il n'avait rien dit. Il avait protégé sa position en la maintenant dans l'ignorance. Elle l'avait réellement apprécié, lui avait réellement fait confiance, et il lui avait caché des choses tout le long.

Elle avait l'impression d'avoir été prise pour une idiote, d'avoir été utilisée ; et, peut-être pire, d'avoir inconsciemment entraîné toute sa troupe dans cette histoire. Nova, Elio et tous les autres... Tous avaient pris des risques, et pour qui ? Pour un nécromancien plein au as et menteur ? Ce qu'elle ressentait n'était pas encore de la colère... Juste un sentiment de déception et de trahison. Mais la colère n'allait pas tarder - elle la sentait venir de loin.

Elle n'était pas une experte sur le sujet de la magie. Elle avait parfaitement conscience qu'il s'y connaissait bien mieux qu'elle, avec... ses grimoires et sa culture et son éducation. Elle ne savait même pas lire ! Mais il avait beau dire, il y avait quelque chose de réellement horrifiant à l'idée de jouer avec la Mort. Il ne fallait pas être un grand intellectuel pour voir ça. Il suffisait d'avoir un cerveau et deux yeux.

Elle se releva doucement. Elle faisait attention à ne pas trop hausser le ton - elle avait peur d'attirer l'attention. Mais elle reprit quand même la parole, sur un ton franchement froid, t trahissant ses émotions.

-"Moi et ma troupe, on a risqué gros pour t'aider. On ne te connaissais même pas, on t'a juste fait confiance. Et tu n'as fait que mentir." Était-ce injuste de sa part ? Il était vrai qu'il n'avait pas vraiment eu le choix. Elle n'y songeait même pas, pourtant, en ce moment... La révélation était bien trop fraîche dans sa mémoire... "Je m'en fiche, de si c'est de la "magie du sang" ou pas, Matei. Je m'en fiche. C'est sale et tu... tu.. Je pensais réellement..." Elle cessa de parler, incapable de terminer sa phrase. Une part d'elle voulait lui crier dessus, et l'autre dégager et ne plus lui adresser la parole.

Vu les circonstances, il valait mieux que ce soit la seconde qui gagne.

-"Tu sais quoi ? Va au Diable."

Elle se tourna et entreprit d'ouvrir la fenêtre pour sortir à travers. Elle en avait assez entendu.