Par la Sainte culotte d'Andrasté (toresha)

De la paume de sa main, Toresha frotte son ventre enfermé dans un corset alors qu'elle digère tranquillement la bière qu'elle vient de vider sans reprendre son souffle. Elle ne dit rien la jeune naine, se contentant de soutenir le regard du Seigneur-chercheur. Il allait forcément échouer, il n'avait pas la carrure de quelqu'un qui s'amusait à des jeux de boisson... Et pourtant, la pièce rebondit et atterrit droit dans le verre, faisant blêmir violemment la jeune femme qui se pencha au dessus de la table en geignant, choquée.

« Hey! Mais... HEEEEY! »

Couine la petite brigande en reposant son derrière sur la chaise un peu trop haute pour elle mais pas suffisamment pour lui permettre d'être à son aise face à la table. Plissant les yeux, la jeune femme renverse le verre vide pour récupérer la pièce. Elle frotte le petit bout de métal entre ses doigts, fixant le gobelet puis balance sa pièce.


La piécette rebondit et heurte le bord du verre avant de retomber sur la table, roulant sur elle-même. Toresha tend la main et plaque sa paume dessus, l'empêchant de rouler plus loin et fronce les sourcils d'un air boudeur avant de toiser l'Orlésien, s'écriant.

« Vous m'avez déconcentré! »

Quelle mauvaise foi! La naine rougit et se dandine sur sa chaise, voûtant le dos avant de poser son menton sur le bord de la table. Elle fixe sa bière d'un air torve avant de se rappeler que c'était sans doute le gage le plus agréable qui puisse être. Boire à foison, et ce, gratuitement! Sa petite bouche se tord en un sourire presque machiavélique alors qu'elle s'empare de sa boisson et la vide d'une traire, comme la précédente avant de lancer un immense sourire à Marius, moustache de mousse sur la lèvre inférieur tout en lui jetant la pièce.

« Et pour votre information, sire, je fais des progrès au tir à l'arbalète! Contrairement à vous et votre gentillesse qui laisse parfois à désirer! À vous. »

Et toujours avec ce même sourire malicieux, Toresha plaque le cul de sa pinte vide sur la table avant de la poussée vers sa consœur.

Un fin sourire narquois éclaira le visage du Seigneur-Chercheur face à la naine qui protestait face au succès de celui-ci. Et bien ? Quand on jouait, il fallait aussi s’attendre à perdre, et d’ailleurs, il était en train de songer que jouer à un jeu d’adresse contre Toresha était de toute évidence gagné d’avance. Marius laissa échapper un petit sifflement ironique : mais bien sûr, c’était tout de suite facile d’accuser l’autre de tricher, hum ! « Oh, quelle mauvaise foi Toresha ! Je ne pensais pas cela de toi. » D’autant qu’elle rata à nouveau son lancer. Il l’observa vider la seconde pinte, sourcil amusé levé avant d’esquisser une mine presque attristée. « Touché… » Quoiqu’un Seigneur-Chercheur n’était pas censé faire preuve de gentillesse, surtout quand on lui perforait les fesses. « En tout cas, je n’ai absolument pas envie de constater ces fameux progrès. » Parce qu’il en doutait horriblement. Elle serait capable de rater la croupe d’un cheval.

Quoiqu’il en soit, c’était à son tour de lancer la pièce. Il observa un instant les cinq choppes pleines posées devant lui, songea qu’il serait tout de même malheureux de ne pouvoir goûter à cette bière de bas étage, surtout que c’était lui qui payait. Bah, le Seigneur-Chercheur jouait pour gagner, pas pour faire exprès de perdre. Il lança la pièce mais cette fois-ci, elle marqua un rebond puis cogna la chope trop bas, et atterrit sur la table. Ah, presque. Il leva les mains en un air résigné avant de s’emparer d’un verre devant lui. « Bon, santé. », dit-il à Toresha avant de porter le récipient à ses lèvres pour en avaler le contenu d’une traite. Le goût était infect, mais au bout de plusieurs gorgées, c’était comme si on ne sentait plus rien. Lorsqu’il eut terminé, Marius claqua la chope contre la table, observant la naine d’un œil de défi et étouffa un rot.

Narrer le réveil de cette soirée serait probablement peu reluisant pour un Seigneur-Chercheur, mais le narrateur chevronné que je suis s’en voudrait de ne pouvoir vous faire part de la surprise qui l’étreignit lorsqu’il se réveilla le lendemain, et se rendit compte qu’il n’était pas dans son lit de Seigneur-Chercheur, et encore moins tout seul. Il eut bien du mal à replacer les choses dans leur contexte et pire, à se rappeler de tout, passé la deuxième taverne visitée. Une nouvelle aventure guida Marius et Toresha dans les basses rues de Val Royaux, à la recherche du cheval du noble orlésien et surtout, du jambon qu’ils avaient oublié Créateur savait où. Au final, le cadet de Ghislain s’en retourna au quartier des Chercheurs flanqué d’un gros mal de crâne (pas à cause de l’alcool mais parce qu’il se prit un coup de jambon dans la figure), les yeux cernés et la tenue débraillée, très peu digne d’un homme de son rang. Tout comme l’excuse pitoyable qu’il servit alors que pendant toute la soirée et la matinée, l’on avait paniqué quant à la disparition de Marius de Ghislain.