L'entêtement est une qualité ▬ FB [Gwenaël]

les opiniâtres sont les sublimesdis-moi oui

***

Cruel, il est vrai, ses mots perçant telle une ondée de coutelas, une nuée d'épines qu'il veut fichées dans l'injuste du sylphe à le tancer à l'instar d'une épouse trop soucieuse. Non point que la sollicitude d'autrui lui soit insipide, bien au contraire, mais il fulmine de légitimer des actions somme toute motivées. Car il se doit être un idéal de bravoure à défaut de posséder sapience et vie sempiternelle, pour ses ouailles, ceux qui ont placé en lui une sainte foi. Il refuse, comme tout Inquisiteur qui se respecte, de ceindre son front de gloriole tout en s'embusquant derrière les rondaches de séides – sûrement pas, en première ligne, qu'il rugit l'arme au poing ! Les meurtrissures sont les compagnes ordinaires des bretteurs, dans ses souvenirs, il a déjà passé les huis de Fort Céleste avec bien pire. Alors il ne comprend pas, ou plutôt ne le veux pas, persuadé sous ses orbières que le dernier mot lui revient. Exposer une conjoncture létale sous la sensibilité de Fëanor lui sert à concevoir que ces blessures sont triviales et seront pansées avant même qu'ils ne s'en rendent compte.
Et il prend conscience de son ineptie, aussi bien attentionnée soit-elle. Lui faire l'exhibition de son corps bosselé n'aurait fait que mettre le feu aux poudres, un mal vain bien au-delà de la probité qu'ils se doivent. Le sylphe bat sa coulpe, détaille les inspirations de son comportement qui trouvent aisément leur route jusqu'au palpitant de l'adonis. Celui-ci lénifie lentement son expression, ses épaules retombent, les muscles se décrispent et l'oeil brasillant contemple. Le tout fleuri d'excuses qu'il n'aurait jamais pensé glaner, le voilà penaud. Il se masse la nuque, gourd des boissons qui rendent ses sens confus, puis prend le temps à la réflexion. Aussi vite qu'il s'est fâché, le voici apaisé.

Il se meut jusqu'à l'échine du dalatien, qu'il dépasse facilement d'une tête, et pose délicatement ses mains chaudes sur ses trapèzes. Il a envie de le sentir contre lui. Ses phalanges pétrissent la carne contracturée jusqu'à ce qu'elles sentent la tension se dulcifier, elles tombent ensuite à hauteur des hanches, qu'elles saisissent précautionneusement. Il a envie de le sentir contre lui. Simultanément, le galbe du sire épouse celui du jeune homme, ses lippes accostent le cuir chevelu qu'elles bénissent d'un chaste baiser et il enserre sa taille évasée. Il a tant envie de le sentir contre lui. Au crépuscule d'un long moment de silence, les bras forment une croix sur tout le tronc de Fëanor, l'encellulant dans une étreinte brûlante, formant un exosquelette providentiel. La gueule hirsute aussi a chu, lovée contre la carnation du cou duquel il inspire la fragrance et dans lequel il expire ses tribulations. Les flammes ondoient dans l'âtre, lichent le binôme de sa luminescence tamisée et les caresse de son intimité. Ici, alors, plus rien ne semble compter. Plus rien ne semble inquiéter. Gwenaël vampirise sans opprobre, de toute son âme, la saveur d'un affectueux étau, d'une tendresse qui lui fait cruellement défaut. Même entouré, l'Inquisiteur se sent seul.

« Dors avec moi cette nuit... » La demande est à demi étouffée contre la peau sensiblement hâlée, il ne relève la truffe que pour la conglutiner contre la joue du mage. Le quidam a ses défauts, mais guère celui d'être libidineux quand bien même a t-il subi le stupre de la jeunesse. Lui qui est si gauche au flirt et ne remarque jamais lorsqu'on le courtise n'aspire qu'à une galante sorgue aux côtés de l'enchanteur, que tous deux se ressourcent à l'affection de l'autre pour oublier ce maudit microcosme. Une proposition jamais étalée auparavant, brisant sûrement l'une des dernières barrières entre eux.

2981 12289 0

L'entêtement est une qualité

Gwenaël & Fëanor

«There wasn’t an in-between for me. I lived at extremes. And maybe I’d die at them, too.»

Son damné caractère l'a emporté trop loin, une fois de plus. D'ordinaire, il ne s'en serait pas formalisé, et l'aurait à peine reconnu. La situation est ici différente, cependant. Car pour avoir poussé un être aussi conciliant et patient que Gwenaël à s'emporter de la sorte, le mage peut estimer à quel point il a dépassé les limites de l'acceptable. Voilà la raison qui le pousse à faire profil bas, alors que c'est si rare venant de lui. Les paroles de Fëanor semblent se perdre dans un silence qu'il ne sait plus comment interpréter. Quant à jeter un coup d'oeil vers l'Inquisiteur, il appréhende étrangement de le faire, comme s'il redoutait l'expression qu'il lirait sur son visage. Objectivement, le dalatien estime que perdre ce lien si particulier qui l'unit à celui que son clan qualifierait très probablement de vulgaire shemlen serait l'une des pires choses qui pourraient advenir. C'est pourquoi il s'efforce de le conserver intact, tant bien que mal.

La chaleur des paumes de Gwenaël se posant sur lui le tire de ses pensées. Avec une certaine surprise, il constate qu'il ne l'a pas entendu ni senti s'approcher. Ses paupières se closent pour mieux apprécier le contact, toute crainte s'évanouissant comme brume au soleil. L'ombre d'un sourire s'invite sur ses lèvres quand un baiser est déposé sur le sommet de son crâne, et que le corps de l'homme vient à la rencontre du sien, ses bras l'étreignant avec une tendresse bienvenue. L'elfe savoure avec bonheur le retour de gestes chaleureux, qui écartent la tension précédente aussi facilement que si elle n'avait jamais existé. Sans protester le moins du monde, il laisse l'Inquisiteur nicher son visage dans le creux de son cou, répondant à la caresse du souffle sur sa peau en frottant affectueusement le bout de son nez contre la tempe de son compagnon. Ces moments de quiétude où le monde s'efface sagement, le dalatien sait les chérir à leur juste valeur. La vie agitée de l'Inquisition n'y est guère propice, mais peut-être est-ce justement ce qui les rend encore plus uniques.

Puis Fëanor rouvre les yeux sous le coup de la surprise. Une surprise qu'il est loin de juger désagréable, mais à laquelle il était à mille lieues de s'attendre. Ses prunelles sombres cherchent dans leurs jumelles cristallines à démêler le vrai du faux. Vient-il de rêver ces mots ? A l'évidence, non. Quelques instants de battement encore, et le jeune mage se tourne finalement pour se lover contre le torse de Gwenaël, ses bras passant dans son dos le long duquel ils descendent tout en légèreté pour éviter de raviver ses maux, et l'enlacent presque jalousement au niveau de la taille. Là, l'oreille appuyée contre la chair, il prend le temps d'apprécier le rythme régulier des battements de son cœur. Comme une mélodie apaisante. L'une de ses mains s'élève pour caresser du pouce la joue de l'Inquisiteur, tandis qu'il se dresse sur la pointe des pieds pour venir déposer un léger baiser à la base de sa mâchoire.

- Je n'ai jamais su te dire non. Mais fais attention que je n'y prenne pas goût. Le dalatien pouffe doucement, son oreille à l'extrémité effilée reprenant place contre la peau, profitant une nouvelle fois des palpitations qui résonnent à travers toute la cage thoracique. Sa mine se déconfit quelque peu, pourtant, et il se laisse aller à une confidence de plus. J'ai vraiment eu peur cette fois-ci. Pourquoi cette fois-ci davantage qu'une autre ? Lui-même ne saurait le dire ; mais il resserre sensiblement sa prise, comme s'il voulait empêcher cet être si spécial à ses yeux de lui glisser entre les doigts.

(c) DΛNDELION

les opiniâtres sont les sublimesdis-moi oui

***

Il songe à la dernière fois qu'il a eu un galbe à caresser, une présence à révérer – une simple vague de tendresse dans la cavité de ses bras tandis qu'il omet tout de ses coercitions, tous de ces ennuis qui le hantant dès le réveil. L'Inquisiteur n'a guère le loisir de procrastiner dans les aires à filles de joie, dans ces sordides lupanars qu'il a jadis fréquenté par une ou deux fois, emballé par une juvénile curiosité. Sans même cela, il n'a point plus le temps d'accueillir ceux et celles qui viennent le courtiser pour une sorgue, car la gloire attise, la renommée charme, et il constitue une gourmandise pour nombre de dames et quidams s'intéressant à ce qu'il vaut dans une couche. Pas le temps, ou pas l'envie ? La lisière est fine, s'il demeure un homme avec ses desiderata, il n'est en revanche pas de ces sybarites qui font profit de chaque opportunité. L'âge faisant également, il aspire davantage à des amours probes qu'aux idylles éphémères, auxquelles il cède parfois par faiblesse humaine. Qui pourrait bien l'en blâmer ?

Ce soir, il n'a de toute façon pas la sapidité à la volupté, et il n'a jusqu'à présent jamais été question de souiller son amitié avec le sylphe. Il sourit toutefois en admirant l'effet de sa requête lorsque celui-ci le regarde, pantois et interrogatif, cherchant à démêler le véritable du fallacieux de son imagination. Les calots diaphanes de Gwenaël ne mystifient cependant pas et le désir de profiter de cette nuit avec lui est véridique. Il l'accueille ensuite tout contre lui, appréciant la suavité qui est reine et effleure son corps meurtri sans le faire souffrir. Il hausse les épaules en ricanant chaudement quant à prendre habitude à la chose, il y a finalement bien pire coutume à adopter. « Comme si c'la allait t'importuner, monseigneur-gardien-de-mon-innocence. » Trait d'esprit gauche, il fait référence à cette jalousie avec laquelle le dalatien se consume dès lors qu'un autre partage l'intimité cette fois lascive du sire dirigeant – au moins, s'il se poste en factionnaire dans son lit toutes les nuits, il pourrait chasser les malvenus intrus à sa guise ! L'humour est inopportun mais il ne peut s'en empêcher, à défaut d'avoir jamais pu comprendre ce biscornu comportement de la part de son ami, qu'il tolère bon gré mal gré. Il lui caresse le râble avant de légèrement se décaler, courbant un sourcil à la fois amusé et surpris. « Vraiment ? » Questionne t-il quant à la frayeur enfanté de leur différend. « Bah. Si tu entendais ce que l'on se glaviote à la gueule avec Bastian, il y aurait de quoi en faire perdre la foi à des Soeurs. Il faudra t'inquiéter le jour où je te regarderai dans le blanc des yeux sans ciller en te sommant de disparaître de ma vie. En dehors de ça, je pourrais danser sur la tête en maudissant ton nom en ancien tévintide que tu pourrais rester tranquille. »

Il rit à nouveau, puis s'éloigne en laissant ses phalanges glisser le long de la joue de Fëanor. Il se dirige vers une bassine emplie d'eau, dans laquelle il plonge les paluches pour mieux se rincer le faciès et se rafraîchir – car contrairement à l'enchanteur, l'alcool lui tient la chaleur à l'organisme. Il bâille ensuite à s'en disloquer la mâchoire et retire maladroitement ses bottes, avant de plonger dans les moelleuses couvertures de son lit et de s'y vautrer tel un félin. « Aïe. » Se plaint-il lorsque ses muscles le tiraillent et que les ecchymoses se rappellent à lui. Il soupire lourdement, épuisé. « Mon père me chantait une berceuse quand j'étais enfant... est-ce que tu la connais ? » Déjà à demi entre le sommeil et la conscience de son environnement, et en attendant que l'elfe le rejoigne, voici que l'Inquisiteur se met à chantonner. « Elgara vallas dal'en, melava somniar... Mala taren aravas, ara ma'desen melar... »

Spoiler:

2981 12289 0

L'entêtement est une qualité

Gwenaël & Fëanor

«There wasn’t an in-between for me. I lived at extremes. And maybe I’d die at them, too.»

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l'esprit de Fëanor est à mille lieues des idées qui viendraient sûrement titiller toute personne de son âge dans une situation pareille. S'il a effectivement de fortes demandes affectives, ces dernières restent aussi chastes qu'innocentes, l'elfe ne ressentant pas forcément le besoin d'aller plus loin. Oh, pas que l'envie ne lui soit jamais venue, mais il est trop méfiant pour prendre sciemment le risque de se laisser aller avec qui que ce soit. Plus surprenant encore, lui qui paraît toujours si bravache est en réalité un peu inquiet face à cet aspect purement physique que peuvent entretenir deux personnes. Ceci dit, il préférerait mourir sous la torture plutôt que de le reconnaître.

Bien qu'un tantinet vexé par la pique de Gwenaël qui sans équivoque s'attaque gentiment au tempérament possessif -exclusif diraient certains- du dalatien, son rire est communicatif et il ne peut retenir un sourire. Même si, pour la forme, il pince légèrement un morceau de peau en protestant.

- Ne te moques pas, j'y peux rien c'est plus fort que moi. Et puis, je n'ai jamais dit que ce serait moi que ça allait déranger d'en prendre l'habitude. Aussi loin que remontent ses souvenirs, Fëanor n'a jamais été très partageur. Enfant déjà, il jouait les chiens de garde autour de ses deux plus proches complices, refusant catégoriquement d'intégrer un nouveau venu parmi eux. Et quand on ne l'écoutait pas, il partait ruminer en se perchant quelque part, jusqu'à ce qu'on vienne le chercher. Si cela n'arrivait pas, alors il finissait par ravaler sa fierté pour présenter ses excuses. Un exercice qu'il n'a jamais apprécié, et que par conséquent il ne prend la peine de pratiquer qu'avec ceux qui comptent vraiment à ses yeux. Les autres peuvent bien aller se faire voir chez Fen'Harel. Parce que tu parles l'ancien tevene, toi ? L'elfe pouffe doucement en le laissant s'éloigner. S'il est amusé par l'image qui s'impose à son esprit, une pointe d'appréhension s'y est aussi nichée quand il n'a pu s'empêcher d'imaginer l'Inquisiteur lui ordonnant de sortir de sa vie. Ce serait une bonne définition de ce que Fëanor appelle un cauchemar. Il réprime un frisson en chassant ses sombres pensées. Non, cela n'arriverait jamais.

Tandis que le maître des lieux prend place dans son lit, l'elfe entreprend à son tour de se débarrasser de ses chausses, qu'il cale dans un coin. Puis il se glisse sous les couvertures, venant se pelotonner contre Gwenaël avec un soupir de satisfaction. Là, il ferme les yeux et ne tarde pas à sombrer dans le sommeil, la fatigue le rattrapant finalement, bercé par la voix de l'Inquisiteur.

(c) DΛNDELION