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Lun 31 Déc - 15:39

 
Open hearted
Shâarum & Felix
 
Cœur ouvert, cœur à l'envers


OSTERBURG - Temps présents


V
isage déformé par la concentration, la plume est serrée presque à l'en briser, les phalanges luisantes dans la lumière vacillante. Le jour est banni depuis longtemps de la pièce aux lourdes tentures pourpres, parsemée de bougies qui s'échinent à repousser l'obscurité honnie. Tout y est teinté de cramoisi, des documents épars aux gouttes de cire qui s'écoulent avec les heures, de l'épée d'Andrasté peinte sur un mur à la pensée de celui qui enrage d'être ainsi enfermé. Chevalier saint dépouillé et bafoué, contraint à se défaire de son épée. Faire couler l'encre au lieu du sang, s'illustrer dans un art qui n'a jamais été le sien. Felix s'applique sur le papier, trace avec soin les lettres d'un discours qu'il peine à s'approprier, si repentant qu'il lui donne la nausée. Les mots dictés lui échappent une fois posés, ne laissant qu'une sensation d'imposture vide de sens. La honte se dispute à l'agacement croissant, la dignité retournée de s'incliner aussi bas, de se travestir de la sorte pour s'amender. Il aurait défendu son honneur au combat si on ne l'en avait privé ; il aurait passé sur le fil de son âme tous ses détracteurs jusqu'à retrouver l'immaculé de son armure souillée. Tenter de se sauver par une mascarade littéraire soulève le cœur et ronge la main qui s'y emploie. Felix est lame vertueuse plutôt que lettres venimeuses. Les conjectures fielleuses affleurent à la surface de son esprit démuni qui peine à les repousser : s'il avait été plus précautionneux, si les erreurs ne s'étaient pas enchaînées de façon si désastreuse, si elle était encore là pour l'épauler. S'il avait les armes pour se venger. Revanche est la seule maîtresse à ne l'avoir délaissé, fil écarlate qui relie ses pas insensés à l'avenir qu'il s'acharne à forger.

Acculé, harassé de tous les côtés il s'est replié dans sa forteresse de l'absurde, où chaque jour qu'il passe reclus lui semble perdu, offert à ses ennemis pour piétiner son idéal. Il les devine dans les ombres qui l'entourent, innombrables et avides de ses chairs, ces profils multiples et indistincts du même mal. Qui le forcent aujourd'hui à plier l'échine pour être autorisé à lutter. Ses doigts tremblent au-dessus du papier, furieux de devoir se prétendre l'égal de ceux qu'il a jadis toisés, fort de sa grandeur fantasmée. Élève nerveux et dissipé, son impatience transpire dans les lignes qu'il inscrit, dans leur tracé brutal et leurs courbes haineuses. Incapable d'atteindre les formes harmonieuses commandées par son précepteur auto-proclamé, peu importe l'application qu'il y met. Felix grogne dans sa barbe, il maudit le vieux dans ses soupirs, accuse Thédas tout entier en pensées. Jusqu'à l'emportement final, les nerfs malmenés qui n'en peuvent plus d'encaisser. La main du guerrier fracasse l'instrument du poète dans un mouvement de colère, abandonne la carcasse tâchée d'encre comme il se redresse d'un bond agité. « Tu veux écrire ça ? Fais donc ! C'est trop pour moi, j'en ai assez. » Les mots s'écoulent, hargneux, de ses lèvres qu'il ne peut plus contrôler, les prunelles décolorées se posent sur son vis-à-vis, embrasées par la frénésie. Le poing balaye le bureau, renverse l'encrier, éparpille les éclats de plume meurtrie.
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Mer 2 Jan - 13:41

Pour aider quelqu'un à apprendre, il convient d'exiger de lui qu'il soit attentif.
George MEREDITH

C'est une pièce en deux actes, une mauvaise reproduction de comédie irrationnelle, une situation qui tenserait Shâarum de menteur s'il essayait de l'exposer aux yeux du monde. A l'exposition, une catastrophe bien trop arrangeante, manquant de retirer la carte fondatrice d'un château commencé il y a des années. Une accusation bien trop facile pour ne subir aucune opposition. Un vieux contrebandier refusant de s'avouer vaincu là où la confrontation directe n'a pas sa place. Et maintenant un enfant dissipé forcé au seul combat qu'il ne pourra gagner par lui-même.

Acte un : un sifflement. Prenant tel le grondement d'un orage sur une côte lointaine. Un coup de tonnerre d'été que l'on ne voit venir que lorsque la foudre frappe à nos pieds. Nul n'aurait pu prévoir que ce bourgeon immature serait projeté à l'avant de cette scène stérile qu'est la politique de Thédas. Il ne peut se résoudre à laisser ce cheval de guerre débridé au milieu de ce bourbier vicié. En plus de vingt ans passés à mettre, pièce après pièce, des machinations autour de l'épanouissement de son golem, il l'a vu piétiner champs de viscères et de cadavres telle une parfaite âme d'acier, mais jamais choisir la bonne pomme au milieu d'un panier de fruits véreux.

Acte deux : un claquement. Similaire à tant d'autres, perdu parmi les innombrables coups de baguette sur l'échine du bureau fatigué. Depuis le matin il ne fait que réprimander, reprendre, corriger, dicter. Un véritable orfèvre au sein d'une forge. Tout en gravitant autour du templier perdu dans les mots, il se concentre. La partie lancée sur l'échiquier menace à tout moment de le mettre aux premiers rangs de cette mascarade alors qu'il n'est que le fou chuchotant à l'oreille du roi. Le jeu ne s'arrête jamais à la perte du bouffon. Pour éviter de retourner dans la boîte avant la fin il se doit de prendre des risques et le défi de la journée est de parvenir à faire écrire trois lettres parfaites et dégueulantes de lignes mensongères à Felix sans que ce dernier ne rende les armes.

- Tu te calmes et tu te rassois de suite. Tout ce qui est fait, là et maintenant, est pour toi ! Tu penses être prédateur dans cette lice mais tu oublies beaucoup trop qu'armure et arme que tu maîtrises ne te sauveront pas. Hors de ces murs, tu n'es qu'agneau perdu au coeur de meutes de loups affamés, un pauvre petit poisson meurtri et blessé parmi un banc de requins sanguinaires. Tu proclames haut et fort, à qui le veut, que tu ne crains nul combat et nul adversaire, et que s'ils veulent prendre ta tête ils n'ont qu'à venir la chercher l'arme au poing, mais il y a bon nombre de façons de tuer quelqu'un. Ils ont pris l'initiative et t'ont piégé. Maintenant, à toi de contre-attaquer. Il te faut écu qui ne soit de fer et lame non forgée. Tu seras alors équipé des meilleures défenses et guidé face à chacun de tes adversaires. Tu verras, via ces mots, l'Inquisition et tous ces traîtres croiront que tu n'es qu'un sot, et se rendront compte trop tard que tu les auras étranglés des fils de marionnettiste.

Le ton paternel épicé de i et de l là où e et r devraient être le font sourire intérieurement. Il n'y a que dans ces situations où ils sont seuls qu'il se permet de l'employer.

- Tu reprends feuille et encre, et on recommence depuis le début !
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Jeu 10 Jan - 2:42


Open hearted
Shâarum & Felix
 
Cœur ouvert, cœur à l'envers


L
'attaque fait mouche, la tirade perce en plein cœur. Felix se laisse tomber dans le fauteuil comme on jette les armes, esseulé au terme d'une lutte que l'on ne peut remporter. La colère ne l'a pas quitté - la colère ne le quitte jamais -, pourtant la raison tente de s'imposer. Ses meilleures armes seront vaines sans chevaliers pour les brandir, sa verve insuffisante si tout Thédas est entraîné à le haïr. La prise de conscience est des plus rudes, l'orgueil violenté de formuler l'impensable, le temps où il était craint dépassé. Sa propre fuite l'a enterré. Il est maintenant à tendre une main innocente, l'enduire de farine pour la présenter aux bergers. Seule solution pour se trouver plus puissant qu'auparavant, les appâter pour les dévorer, il courbera l'échine en ne voyant que la finalité. Il l'a tant fait par le passé. Encaisser les dents serrées, se montrer obéissant en se pliant au rôle qui fut écrit pour lui. Le réflexe est bien encré, seconde nature tatouée sous la surface au fil des années. Il faut alors le jouer encore, offrir son dos et son ego à leurs fouets acérés pour les détourner de la quête qu'il poursuit - presque - en secret, le plan qu'il mûrit pour établir l'équilibre qui lui sied.

D'un geste machinal de serviteur vide et bien rôdé il fait chuter les débris maculés qui jonchent le bureau, ponctué d'un léger tintement comme ils rencontrent la pierre mise à nu. Il se moque que ses doigts, son âme ou son habit soient tâchés. Felix a la tête et le cœur trop lourds pour penser, imprenable défense lorsque la défiante insensibilité est hors de portée. Parchemin vierge et plume que ses mains brutales n'ont encore injuriée entrent en lice et il se remet à l'ouvrage. L'exercice est toujours aussi déplaisant et les efforts déployés sont conséquents pour écraser ses nerfs qui voudraient se rebeller. Font palpiter les veines dans tous ses membres. Lui chuchotent, répètent et puis hurlent de rejeter les machinations pour n'étaler que la force brute. Il tient bon, la mâchoire crispée, les sourcils froncés. Si les mots n'ont pas gagné en sincérité, il pourra au moins clamer s'être saigné pour les coucher. Certains daignent enfin prendre leur sens et il redresse brusquement le menton, massacrant l'autre d'un regard courroucé. « Et ça, encore ? Es-tu seulement avec moi ? Ou bien tu veux juste que je leur donne ce qu'ils veulent. Entends bien : je n'irai pas. Qu'il vienne jusqu'ici, celui qui me demandera de m'agenouiller. » Le faciès tordu, plus carnassier que cruel, suffit à annoncer comment il le recevrait. La méfiance encore jugulée s'est libérée, teintée d'agressivité envers celui qui jure ne vouloir que l'aider. L'entente vieille comme le monde et la proximité, les innombrables services jamais acquittés, tout est renversé par le tour qui est proposé. L'humiliation de trop, celle que sa fierté déjà malmenée ne saurait endurer.
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