DEUX LAMES DANS LA FOULE (ORDOVIC)

La patience est la clef. L'observation, la réflexion, les informations récupérées puis utilisées afin de parvenir à terme du contrat. La mission en apprence complexe ne l'est pas tant pour le Corbeau le plus expérimenté. Du haut de ses vingt-cinq années, accompagné du cadet, il est confiant quant à son déroulement. Il scrute le terrain ; un marché plutôt fréquenté en pleine Minrathie mais avec à proximité des ruelles suffisamment calmes. La cible n'est autre d'un dignitaire, un Templier de l'Empire qui gêne vraisenblablement. Itzal n'en sait pas plus, tout comme Ordovic qui l'accompagne. Là n'est pas leur préoccupation ; un contrat est un contrat, peu importe ce qui se cache derrière tant qu'il est mené à bien. Les assassins ne creusent pas ; ils obéissent. Ils attendent désormais depuis l'ouverture du marché - une bonne heure, tous deux dissimulés dans l'ombre d'un stand. C'est Itzal qui est en tête et qui mène la danse, soupçonnant que l'homme visé s'y rendrait en cette matinée. Et s'il ne semble pas avoir de signes de vie de la part de celui-ci, il reste confiant quant à ses investigations. Un regard est brièvement lancé à son compagnon, comme pour dire que rien n'est perdu.

En effet. A peine cinq minutes plus tard, la silhouette du dignitaire se dessine à travers les allées du marché ; entre les divers établis et leurs propriétaires. « Regarde, il est là. » Argue-il à Ordovic, lui enseignant là un point important : la patience. Accompagnée d'un autre Templier, la cible est automatiquement gardée en vue. Itzal reste les bras croisés en évaluant le terrain ainsi que les directions empruntées, n'hésitant pas à s'avancer pour ne pas perdre des yeux celui qui l'intéresse. « Va de l'autre côté. » Lance-il d'ailleurs à son coéquipier, pour que leur attention étalée soit plus conséquente. Ils peuvent facilement communiquer à l'aide de gestes si ce n'est de regards. Avant d'être séparés, il s'assure néanmoins de lui rappeller quelques conseils, pour quand ce sera le moment propice pour eux d'agir. Pas ici. Pas en public.

Ses pas le guidant de manière à ne pas être repéré, le Corbeau s'intéresse à l'accoutrement du dignitaire et de son garde du corps. Une chance qu'ils ne soient pas excessivement armés mais il faudra dans tous les cas agir promptement. En attendant, il se contente d'observer les diverses emplettes réalisées. Jusqu'à ce qu'ils quittent enfin le marché en direction d'une allée principale. Itzal lance automatiquement un signe distinct à Ordovic pour qu'ils continuent la poursuite ; logiquement, si ses renseignements sont toujours bon, la cible est censée emprunter une ruelle à l'abri des regards. Mais tout se complique lorsque sur la route, celle-ci et celui qui l'accompagne sont rejoints par deux collègues Templiers. Il va sans dire que Itzal grince des dents ; il va falloir une diversion pour les séparer.

Les ombres se faufilent, discrètes, concentrées sur leur cible. La plus âgée d'entre elles garde néanmoins un œil sur la cadette encore dans la fougue de la jeunesse. Le lionceau avide de sang. Ce que Itzal est parfaitement en mesure de comprendre ; mais grâce aux années ainsi qu'à l'expérience qui les sépare, il sait se contenir. Attendre le moment propice. C'est dans cette optique qu'il forge encore Ordovic, le guidant, observant sans pour autant tout lui dicter. L'apprentissage réside aussi là dedans ; qu'il n'attende pas que la totalité des gestes à suivre lui tombe dans le bec. Qu'il scrute de lui-même le terrain, des opportunités qui se présentent, et apprenne à agir en conséquences. Les pupilles du mentor font des allers retours constants entre les templiers regroupés. C'est son compagnon qui se dévoue pour la diversion à faire. Itzal reste donc en retrait, se préparant à couvrir ses arrières si besoin est. Sa priorité reste cependant leur cible qu'il ne quitte pas des yeux, tandis qu'il patiente jusqu'à la fameuse distraction. Et lorsque celle-ci arrive, un faible rictus s'amène automatiquement sur ses lèvres. « Andrasté est l'épouse du Créateur, et elle vous emmerde ! » Joli tour, effectué puis remporté haut la main. Suffisamment piquant pour provoquer les servants de la Chantrie Impériale sans faire trop de vagues en parallèle.

L'attention de la foule ainsi que des subordonnés templiers se porte sur le malheureux qui n'avait rien demandé ; mais qui s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Le groupe est grâce à ceci au moins scindé en deux, leur cible et son garde du corps restant en retrait. Le dignitaire ne perd pas son temps, ses compagnons sont là pour ça. Et même si il reste pour observer la scène quelques secondes, il tourne bien rapidement les talons en direction opposée de l'incident. Là où la foule n'est plus concentrée mais plus attentive non plus. Itzal fait un signe à Ordovic, lui intimant qu'il est en effet temps de passer à l'action. Sa capuche est vivement rabattue sur son crâne.

Il profite du brouhaha qui résonne derrière lui, masqué par celui-ci, puis fonce en direction du chef Templier. La bousculade est dérangeante, la main fuyante vers la bourse qu'elle attrape à la ceinture sans état d'âme. Dans le feu de l'action, dans son élan, l'assassin entraîne la cible en direction d'un cul-de-sac encore plus à l'écart ; et bien évidemment le garde du corps suit le premier le mouvement sans faire attention à Ordovic resté en arrière. Itzal s'est quant à lui précipité dans la ruelle condamnée, donnant l'illusion à ses poursuivants qu'il l'ont coincé. Il en est pourtant bien autrement : dissimulé dans la première cachette qui s'est présentée à lui, une botte de paille, la bourse volée lui a volontairement échappé des mains. Elle est au sol et n'attend plus que le dignitaire la découvre, tente de la ramasser puis se frotte aux lames des Corbeaux.