Correspondance entre Flore de Savrenne et Aurelius Argento

« Ma très chère Flore,

Que veux-tu, on ne se refait pas. Ouvrir l'arène pour ce genre de chose, c'est finalement assez léger quand on connaît notre histoire et ce qu'on pouvait y faire avec quelques milliers d'esclaves... Quelque part, je suis même assez curieux de savoir quelles auraient dû être les épreuves suivantes : il faudra que je demande à Faustus, après tout il a de l'imagination, ce qui est une denrée rare chez les gens hauts placés en Tévinter. Ils refusent de concevoir autre chose que ce qu'ils connaissaient, accrochés à leur pouvoir et à leurs habitudes. Mais je continue de croire que le cycle peut être brisé : il l'a presque été, du temps de Dorian Pavus et de Maevaris Tilani. Peut-être que le moment n'était pas encore tout à fait le bon. Peut-être aussi que je me fourvoie, mais je ne vais pas rester sans rien faire. Même si cela implique d'imiter à nouveau la première bestiole venue. Je crois bien que j'ai attrapé une maladie terrible, Flore : la conviction.

De ce fait, je ne sais pas ce que l'avenir me réserve, mais il va falloir que je m'active. Je ne vais pas rester calfeutré en ma demeure quand il n'existe ne serait-ce qu'une possibilité d'agir. D'aider celles et ceux qui en ont besoin. Si je suis incapable de réformer l'empire ne serait-ce qu'un peu, je ferai au moins en sorte de protéger qui je peux. De trouver un moyen de construire quelque chose, une sorte de réseau. Avec les gens qui veulent bien y croire, pour faire sortir les gens qui en ont le plus besoin. Autant dire que j'ai dû travail qui m'attend. Et je n'oubliera certainement pas de transmettre à ta chère sœur le fait que tu aies conseillé de suivre son exemple. C'est la moindre des choses que je puisse faire.

Au fond, un important événement politique se déroule un peu de la même façon partout : il faut croire que l'acte lui-même n'est pas spécialement civilisé. Sinon on ne lutterait pas sur le sable d'une arène, et on ne trouverait pas de cadavre dans les jardins. J'espère avant tout que ton fils n'a pas été trop traumatisé par sa découverte ; je ne doute pas un seul instant que ton mari et toi aurez su lui apporter le réconfort nécessaire. Sache que mes pensées vous accompagnent, toujours, en temps de paix aussi bien que lorsqu'ils sont troublés. Et je tâcherai de me remettre de l'oubli dont me gratifie dorénavant Bérénice. Mon cœur se fissure, mais qu'est-ce qu'une lézarde de plus ? Je m'en remettrai, et j'ose espérer que la raison de son désintérêt la tiendra éveillée jusqu'à ce que s'étaient les dernières chandelles !

Les nouvelles concernant la succession de votre divine nous sont parvenues il y a peu, mais de loin pas aussi détaillées que ton compte-rendu. J'ai toujours eu tendance à penser qu'une divine en valait une autre, de même pour un divin. Mais Faustus semble capable de me prouver le contraire, aussi j'espère qu'il en sera de même avec votre Anasthasia. Si elle se montre capable de rétablir un peu d'ordre, ce serait déjà un bon pas en avant ! Et j'ose croire que son réalisme consistera à faire face aux réelles menaces qui s'abattent sur notre monde. Mais quelque chose me dit que ça ne sera jamais aussi facile... Si seulement les puissants pouvaient s'accorder sur quelles têtes poser les couronnes après avoir réglé le détail de, je ne sais pas, moi, un Enclin par exemple ?

Albi se porte fort bien, elle a hérité des meilleures qualités de nos parents et gère le commerce mieux que je l'ai jamais fait. Elle a voyagé dans les marches libres il y a peu, en compagnie de la jeune Rhea Pavus, je crois qu'elles s'entendent bien. Pour le reste, mon entourage se porte aussi bien que faire se peut. Je reste à l'affût, cependant : une insurrection en appelle souvent une autre, j'en ai peur...

Je ne sais pas si Faustus sait réellement s'amuser, mais je tâcherai de lui apprendre. Et si je devais me montrer vraiment mauvais élève, je me rabattrai sur ce que je pourrai, mais je ne promets rien pour le dindon. Et de votre côté, quels sont les prochains projets qui vont vous occuper ?

Aurelius, ton ami indécrottablement optimiste (ou du moins qui essaie de s'en convaincre)
PS : remercie tout le monde pour leurs suggestions, qui ont toutes du mérite ! Mais je vais suivre mon instinct, corroboré par la sagacité de Cyril : Henry, ce sera. Enfin, pour ça il faut d'abord que je me trouve un canard. Je ne saurais dire pourquoi l'idée m'attire... J'ai voyagé quelque temps avec un poulet -le savais-tu ?- si ça se trouve, c'est d'avoir un volatile sur mes talons qui me manque. Et je n'oublie pas le terrarium : ma dernière expérience a été plutôt concluante, et son effet sur les chenilles assez remarquables. Je devrai bientôt être capable de vous faire parvenir un prototype ! »