Business Arrangements | Ft. Rowena Cousland

Griselda

Rowena

「 Business Arrangements 」

Sa piécette dûment gagnée, le visage crasseux du vagabond se fendit d’un sourire torve. « Ouais, z’êtes dans la bonne direction m’dame. L’est pas bien loin vot’ village. Faut juste suivre la route principale, pendant une lieue environ. Ou plus. J’me souviens pas bien. Bref, vous en aurez pas pour long, parole ! » D’une courbette grossièrement exécutée – et complètement hors-propos – le maraud salua fièrement la Névaranne, fourra son sou nouvellement acquis dans sa botte, avant de tourner vivement les talons et de s’éloigner à grands pas de la mercenaire – son armure rapiécée cliquetant à chacune de ses enjambées. Griselda l’observa un instant faire, mi-agacée mi-lassée par l’attitude de ce curieux personnage, tandis qu’au loin rougeoyaient les dernières lueurs du couchant. La jeune femme tourna finalement la bride de sa monture, dont elle érafla les flancs de ses talons bottés. « Tu l’as entendu. » Sa jument de protesta pas et, d’une secousse, se remit fidèlement en route.

S’il s’était révélé d’une compagnie plus que douteuse, Griselda eut toutefois le plaisir de constater que le vagabond n’avait – contre toute attente ! – pas eu l’outrecuidance de lui mentir. Comme l’homme l’avait si « généreusement » indiqué, le village se dressait bel et bien à une lieue et demie de sa précédente position. « Enfin. » soupira la mercenaire, tout en progressant à allure réduite le long de l’artère principale de la bourgade, dont le gros de la population semblait vivre (à en juger par la modestie de leurs mansardes et les champs environnants) essentiellement de la culture de la terre. « Plus qu’à trouver une auberge où passer la nuit. » D’une secousse, la jeune femme extirpa ses bottes usées des étriers de sa monture et, cahin-caha, laissa doucement glisser son corps courbaturé sur le sol boueux du layon. Mieux valait débuter son investigation à pied.

Village oblige, l’entreprise s’avéra d’une facilité presque déconcertante. A peine Griselda entreprit-elle ses recherches que déjà se dévoilait la silhouette malingre de l’établissement tant désiré, d’où filtrait – à travers les fenêtres percées – un joyeux vacarme d’ivrognes par trop imbibés. « Eh bien. J’imagine que c’est ici. » Avec précaution, la reître guida sa monture jusqu’au parvis de l’auberge, où somnolaient discrètement deux jeunes garçons d’écurie. Griselda n’eut pas besoin de s’annoncer que déjà émergeait de sa torpeur l’un des garçons, qui s’empressa de secouer son compagnon. « ‘Soir m’dame. » lança mollement le premier, tout en s’avançant vers la nouvelle arrivante, dont il s’empressa de réquisitionner la monture. « Décrottez-la un peu. » déclara la brune à l’intention des palefreniers, qui s’affairait déjà autour du cheval. « Nous sommes sur les routes depuis longtemps, et le voyage a été rude. » D’un geste souple, Griselda tira de sa ceinture une petite bourse de cuir, dont elle allégea de quelques pièces de bronze le contenu. La somme termina son chemin dans les paluches abîmées de l’un des adolescents. « Merci m’dame. » répondit le principal intéressé, tandis que déjà s’éloignait la Névaranne, visiblement pressée de détendre ses muscles fatigués autour d’une chopine de bière – et, avec un peu de bonne fortune, un lit de paille confortable.

Crac. La porte grinça sous l’impulsion de Griselda, qui se glissa discrètement dans son entrebâillement. Une odeur de bectance accueillit son arrivée, à l’instar d’un brouhaha de tous les diables, qui camoufla la chose. Quoique temporairement incommodée par l’agitation ambiante, la jeune femme entreprit de se frayer un chemin à travers l’assemblée de soudards (lesquels s’agitaient joyeusement autour de leurs chopes remplies d’alcool) ce jusqu’au comptoir de l’auberge, derrière lequel gesticulait ce qu’elle devina être le tavernier. « Il me faudrait une chambre. Pour une nuit, seulement. » lança Griselda à l’aubergiste, qui salua la présence de la jeune femme d’un regard pour le moins méfiant. « Z’avez de quoi payer ? C’est cinq sous. Pas moins, pas plus. Encore que vous pouvez donner plus, si ça vous chante. » La Névaranne de répondit rien, et se contenta – non sans nonchalance – de déposer sur le comptoir la somme réclamée. L’homme acquiesça la manœuvre d’un grognement satisfait. « Très bien. J’vais demander à Jana de préparer votre chambre. Si vous voulez la voir, elle est à l’étage. Troisième porte à gauche. » Griselda hocha du chef, avant de déposer une pièce supplémentaire sur le bar. « Je ne monte pas tout de suite. Servez-moi plutôt une chope de bière. » En silence, le tavernier s’exécuta.

Perchée près du bar, le coude négligemment appuyé sur le comptoir de bois et l’une de ses mains refermées autour de la hanse métallique d’une – bienheureuse ! – chopine de bière, la jeune femme entreprit de sonder discrètement l’assistance, dans l’espoir, peut-être, de dénicher quelques futurs contrats. Après tout, les temps étaient propices à la chose : avec les engeances et les querelles entre mages et templiers, Griselda ne doutait pas de ses chances de trouver rapidement un nouveau commanditaire. Le malheur des uns faisait toujours le bonheur des autres.

Business arrangements

Griselda & Rowena

People are guests in our story, the same way we are guests in theirs. But we all meet each other for a reason because every person is a personal lesson waiting to be told.

Pour la première fois depuis trop longtemps, Rowena quitait son château de Highever.

Cela faisait des mois qu’elle n’avait plus pris les routes – depuis avant la mort de son époux, en fait. Avant, elle faisait régulièrement le voyage jusqu’à sa famille natale au Bann de West Hills, mais ces derniers mois l’avaient un peu trop éprouvée pour cela. Sans doute était-ce vrai, elle devenait vielle – et elle craignait de laisser sa maison derrière elle. Cette fois-ci, elle avait une bonne raison pour faire le voyage, cependant, d’abord jusqu’à la demeure de la famille Wulff, et puis jusqu’à la capitale, où elle devait être reçue par la famille royale… Et au final, organiser le voyage lui avait permis de mettre ses soucis de côté ne serait-ce qu’un petit moment, comme elle était préoccupée par autre chose.

Et voilà trois jours qu’ils chevauchaient, à présent, à un rythme assez lent – à une autre époque, elle en avait conscience, elle aurait déjà été bien plus loin sur son chemin. Ils venaient de quitter le territoire de Highever, où elle était chez elle ; les lieux restaient assez familiers, cependant… Ce n’était pas la première fois qu’elle passait dans cette région. Pourtant, le village où elle et ses compagnons finirent par décider de faire une pause ne lui disait rien. Il ne payait pas de mine – un petit endroit sans histoire, vivant sans doute de l’agriculture et des quelques voyageurs éventuels qui y passaient… L’important étant qu’on y trouvait quand même une auberge. Rowena n’était pas particulièrement précieuse, mais elle tenait quand même à disposer d’une assez bonne chambre pour passer la nuit – et sa fille, encore plus.

Comme elle s’y était attendue, l’arrivée de sa petite troupe causa rapidement une certaine agitation. Entre elle, sa fille Lyanna, et leur escorte, ils étaient cinq, et clairement issus d’un milieu plus aisés que la plupart des autres clients sur place… L’accueil des propriétaires de l’endroit fut assez enthousiaste, quoi que pas spécialement efficace (ils ne s’attendaient sans doute pas à voir une telle délégation arriver). Il fallut quelques temps, et pas mal de discussions, pour que tout se mette en place… Mais enfin, une fois les chevaux installés aux écuries, les chambres trouvées et préparées, et sa fille montée à l’étage sans un mot, il fut enfin temps de se poser. Bien sûr, elle aurait pu imiter la demoiselle et passer immédiatement à l’étage, mais quelque chose la retenait un bas : l’envie de se détendre un peu, peut-être, ou la crainte d’à nouveau faire face à son silence plein de reproches.

Rowena soupira en y songeant. Lyanna avait été peu bavarde tout le long du trajet : elle était de méchante humeur, et sa mère peinait à trouver un moyen d’arranger les choses. Pourtant, à la base, elle avait été enthousiaste à l’idée de quitter le château Cousland. Après la mort d'Oswald, les choses y avaient été très lourdes et pénibles, et un changement d’air lui avait semblé bienvenu. Elle avait changé d’attitude quand elle avait appris qu’elle laisserait son frère aîné à Highever, malheureusement, avait vivement critiquer cette décision quand Rowena en avait parlé, et semblait à présent avoir décidé de jouer la carte du mutisme pesant. Bien sûr, elle ne savait pas tout ce que sa mère savait, sur les plans qu’elle et le Roi de Ferelden avaient établis lors de leur dernière rencontre, et sur la vraie raison de ce voyage. Un mariage potentiel, un futur gendre à rencontrer… La Cousland aurait aimé partager tout ça avec elle, mais Hereward Theirin lui avait recommandé de garder le secret pour l’instant. Il faudrait faire avec.

Elle se laissa glisser sur une chaise aux côtés de deux des hommes qui faisaient le voyage avec elle. Tentant à la base de suivre leur conversation, qui portait sur le chemin à prendre et sur la sécurité sur les routes, son attention faiblit rapidement. Elle songea à sa fille, qui serait peut-être Reine un jour, et aux difficultés de communication qu’elles traversaient… Elle aurait aimé que son époux soit là – lui savait toujours comment lui parler. Cette pensée lui fit un pincement au cœur. Songeuse, elle porte sa choppe à ses lèvres.

Avec une certaine lassitude, elle jeta un regard aux alentours. Les clients, peut-être un peu interloqués lors de son arrivée, avaient repris leurs beuveries et leurs conversations. La plupart devaient vivre là, et avoir l'habitude de passer leurs soirées sur place... L'impression de se sentir chez soi - voilà quelque chose qu'elle leur enviait un peu. Elle avait hâte d'arriver à West Hills.

-"Tout va bien, ma Dame ?"

Elle se tourna vers l'homme qui avait pris la parole. Ser Errol était l'un des anciens hommes de confiance de son mari, et un ami de longue date qu'elle avait connu très vite après son mariage. La mort d'Oswald l'avait affecté aussi. Pour l'heure, il la regardait avec une expression concernée... Il venait manifestement de lui poser une question - et elle devait avouer qu'elle n'avait aucune idée de laquelle Des dangers sur la route ? Ou avait-il changé de sujet pendant qu'elle se perdait dans ses pensées ? Elle papillonna des yeux.

-"Bien, oui. Vous disiez ?"

▬ Gasmask

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