BAD MOON RISING (MELISENDE)

Ma position était probablement la pire que l’on pouvait avoir dans ce foutu cercle… J’étais la fille du tortionnaire psychopathe qui se faisait appeler Chevalier-Capitaine, étant sa cible préférée pour les tortures et pour… autre chose. Mais ça, j’évitais de trop en parler… Tous les mages subissaient des violences physiques et également des violences psychologiques à coup d’insultes et de coups bas mais moi, j’avais « droit » à ce petit plus. Depuis peu, celui qui se situait juste en dessous de mon père s’était pris un malin plaisir à faire de moi son nouveau souffre-douleur. Il m’avait surprise, une fois, avec mon père et depuis, il s’en était pris à moi pour une raison que j’ignorais. Il y avait autre chose que de la haine car il ne s’était jamais comporté comme cela avec moi. Peut-être se sentait-il davantage supérieur d’avoir vu cela, de savoir que je suis abusée en plus d’être torturée… Pourtant, il n’avait pas eu les mêmes gestes avec moi… C’était peut-être que je ne l’interagissais pas pour cela, ou qu’il avait peur que mon père le découvre… J’imagine qu’il voulait garder l’exclusivité de ces moments en famille.

Je me retrouvais dans les quartiers du Chevalier sous-capitaine. Il était venu me chercher avec sa poigne ferme pour m’emmener jusque dans son espace privé. Je ne savais pas pourquoi il ne m’avait pas emmenée dans l’espace habituel pour s’en prendre à moi… Les coups avaient commencé à tomber. Je le sentais même plus violent que lorsque nous étions à la salle de torture… Cependant, jamais il ne me frappait au visage, les seules choses qu’il saisissait parfois, c’était mes cheveux pour me relever après un coup un peu trop violent. Je ne pouvais plus supporter ce genre d’homme et pourtant… Je ne pouvais rien y faire. Je n’avais pas le choix de subir et de me taire. Son dernier coup dans mon abdomen m’avait fait pousser un gémissement de douleur et j’étais tombé au sol. Il savait que j’attendais qu’une chose, c’était de dégager d’ici… C’était tout ce que nous voulions. Des larmes coulaient le long de mes joues, principalement de douleur.

« Mais pourquoi faites-vous ça ? » Dis-je dans un soupir en tentant de me relever. Mais un bruit venant de l’extérieur semblait venir me sauver, au moins quelques instants. Il vint me saisir le cou pour m’ordonner de ne rien toucher et sortit. J’avais mis ma main sur mon cou qui était quelque peu rouge. Je m’étais approchée de son bureau, posant mes mains sur ce dernier en reprenant un peu mes esprits. Et en relevant les yeux, je vis quelques lettres d’une main que je connaissais que trop bien, celle de mon père. Certaines dataient de pas mal de temps, visiblement, et mes yeux se posèrent sur une espèce de poupée lui ressemblant que trop bien. Je la pris en main, la regardant sous toutes les coutures, ne sachant pas trop quoi en penser… Mais j’y réfléchissais… Il se comportait bizarrement avec moi et il était très fidèle avec mon père, même trop… Pourquoi ? Que signifiait donc tout ceci ? Mais il est certain que mon père n’apprécierait certainement pas ce genre… d’attention. Une poupée… Non mais sérieusement. Cet homme avait définitivement quelque chose qui n’allait pas, en plus de s’en prendre à moi de manière virulente, quasi aussi fortement que mon père, sans les extras. Mes yeux se reportaient vers la porte, ne la voyant pas encore s’ouvrir, me laissant encore le luxe de regarder un peu ce qui trainait sur ce bureau, sachant très bien qu’il ne pourrait pas me faire plus que ce qu’il me faisait déjà. Ces menaces étaient du vent, je ne risquais rien de plus… Il me faisait déjà assez souffrir comme cela. Que je fouille ou non ne changerait probablement rien.

 

Découverte capitale. Tout défila à vive allure dans mon esprit. Ce genre de preuves ne laissait guère présager le doute. Non, c’était limpide comme de l’eau qui ruissèle sur la roche. C’était limpide. Le Chevalier sous-capitaine semblait avoir un faible pour mon père. Cette idée me répugna quelque peu, d’ailleurs… Non pas deux personnes du même sexe qui pouvaient éprouver des sentiments, moi-même préférant les femmes après tout ce que j’avais pu subir. C’était surtout le fait qu’il semble aimer un type comme mon père. Mais après tout, Caïn était le même genre d’enfoiré alors bon… Pourquoi pas ? Ce qui est certain, c’est que j’allais en faire des cauchemars et probablement pas des reluisants.

Mes yeux se relevèrent lorsque j’entendis la porte s’ouvrir. C’était trop tard, j’avais encore l’objet en main et je n’avais pas le temps de trouver une excuse. Il venait de me voir et c’était trop tard, j’allais devoir continuer à lui rentrer dedans afin d’être celle qui dominait désormais ce jeu sordide. Il referma la porte violemment et s’approcha de moi pour me saisir la gorge, me faisant gémir de douleur, relâchant la poupée à mes pieds pour poser mes deux mains sur celle qui serrait ma gorge. Je sentais que l’air avait plus de difficultés à entrer mais il n’exerçait pas une pression qui pouvait m’étouffer. Sa réaction ne faisait que confirmer mes soupçons déjà bien présents. Il n’y avait plus de doutes possibles, alors qu’il me menaçait de me couper la langue ou de faire bien pire.

« Je doute que mon père apprécie cela. Il serait dommage de le mettre de mauvaise humeur, vous risqueriez de perdre toutes vos chances avec. »

Ces mots m’arrachèrent les tripes en les énonçant, car, rien que le fait de les imaginer ensemble me donnait des haut-le-cœur. Mais il fallait bien dire ces choses-là afin qu’il comprenne que j’étais au courant de tout ceci et que je n’allais pas m’en priver pour en faire usage afin d’avoir l’ascendant sur lui, qu’il me laisse tranquille. J’avais déjà assez à faire avec mon père pour qu’il en rajoute une couche.

« Vous ne pouvez rien de plus contre moi, que ce que vous ne faites déjà. Alors, lâchez-moi maintenant. » Dis-je en posant mes yeux sur lui. Pour la première fois, mon ton était plus dur que ce que je n’avais l’habitude de dire. Je me sentais pousser des ailes, je sentais que j’avais peut-être la paix, avec lui du moins… Mais Caïn faisait partie des Templiers qui arrivaient à me faire le plus souffrir alors… Je préférais m’en débarrasser. Bien entendu, j’aurais préféré que cela soit père mais je ne perdais pas espoir de me défaire de son emprise, un jour.  Mais le fait de pouvoir mettre la main sur un secret aussi sérieux de cet homme me redonna un peu d’espoir… Espoir que je perdais chaque jour passé dans cet endroit maudit. J’espérais, un jour, pouvoir faire de même avec mon père et m’extirper de ce cercle infernal.
 

Tout doucement, la situation bascula, pour une fois, en mon avantage. Mon audace avait fini par payer. Si j’étais restée aussi sagement qu’il me l’avait ordonné, jamais je n’aurais pu découvrir ce petit trésor qui allait m’offrir un certain répit. Un répit que j’avais largement mérité. Caïn n’y allait jamais de main morte avec moi et j’avais le souvenir de certaines ecchymoses qui m’avaient fait souffrir pendant quelques jours, jusqu’à ce que mon père prenne le relais. Je pouvais lire la crainte dans le visage du Chevalier sous-capitaine. Je pouvais lire la crainte qu’un jour, je révèle son honteux secret à qui voudra bien tendre l’oreille. J’étais, ici, en présence d’un atout puissant et je n’allais pas me gêner pour l’utiliser. Mais il fallait que j’use d’ingéniosité pour ne pas me faire avoir à mon propre jeu, car, une fois le secret révélé, Caïn ne se gênerait plus pour me le faire payer, à ceci près que mon père le laisse encore à son poste, qui sait ? Je ne savais pas du tout ce que l’annonce d’une telle chose pouvait provoquer et je n’avais pas prévu de le révéler. Pas encore. Cela n’était pas nécessaire.

Sa poigne à mon cou se desserra doucement, me permettant de respirer normalement, non sans une dernière insulte qui, avec tout ce qu’il m’avait fait subir, sonna plutôt comme une douce caresse qu’un coup de poignard. Il désirait savoir ce que je désirais afin de s’assurer de mon silence. Bien entendu, il me mit en garde sur le fait que je pouvais oublier un moyen de m’échapper du cercle. Je savais bien que je ne pouvais user cela pour lui demander de me faire évader car, tôt ou tard, cela lui serait retombé dessus. Il fallait que je sois patiente et que j’use de cette nouvelle influence de la plus sournoise des manières. Je restais silencieuse quelques instants avant de faire un pas en arrière, préférant garder ma distance avec cet homme qui avait été l’un de mes cauchemars, tout comme mon père.

« Plus jamais vous ne lèverez la main sur moi. Sans quoi mon père sera tout de suite averti de tout ce que je viens de découvrir. » Dis-je en jetant un bref regard à son bureau avant de relever le regard vers lui. Pour une fois, mon regard n’était pas dirigé vers le bas, je n’avais pas peur de le regarder et de le vexer, car j’avais désormais cet atout. « Et si j’ai besoin de vos services, vous y répondrez avec grand plaisir sans quoi, il sera également mis au courant. »  Dis-je en le regardant, gardant mon air menaçant même si j’étais plus petite et plus jeune que lui et certainement moins imposante. Mais il ne pouvait pas me faire pire que ce qu’il ne m’avait déjà fait et désormais, il se retrouvait dans une position délicate, très délicate.