A serious talk | ft. Ekaitz

Être maître espion de l'Inquisition impliquait beaucoup de choses. Ca impliquait garder des contacts dans tous les coins de Thédas, en espérant avoir ainsi une bonne idée de toutes les rumeurs circulant à travers le monde. Ca impliquait d'avoir un certain nombre d'agents sous ses ordres, de connaître leurs faiblesses, leurs points forts et leur valeur individuelle. Ca impliquait faire des choix, parfois peu moraux, en songeant que le résultat final justifiait les moyens - chose pour laquelle la naine avait toujours eu, il est vrai, une prédisposition.

Ca impliquait aussi de devoir garder un œil sur les nouvelles recrues du groupe et de s'interroger sur leurs passés en les voyant débarquer.

Dans le cas d'Ekaitz Vezate, ça n'avait pas été trop difficile... pour la simple et bonne raison qu'Arda le connaissait déjà. Enfin, de très loin. De réputation. C'était un écumeur, un type peu fréquentable aux yeux des bonnes gens - mais qui était-elle pour juger ? Dans son passé, à Tevinter, elle avait déjà eu vent de lui, sans le rencontrer personnellement. Et ce qu'elle en savait... et bien, c'était justement ce qu'elle en savait qui l'avait poussée à lui fixer ce rendez-vous. Un simple passage dans son bureau. Une simple mise au point. C'était son apprentie qui avait été porter le message - et à présent, l'heure approchait, et elle attendait.

Elle était installée dans son bureau - une pièce lumineuse, avec une bonne vue sur le décor extérieur, et surtout, un bon endroit pour accueillir un oiseau porteur de message. Elle avait viré toutes les vieilleries de l'ordre des Chercheurs, dont elle jugeait la valeur décorative proche de zéro, en s'appropriant la pièce... Avec tout le respect qu'elle devait à Marian Howe, il n'était pas question qu'elle suspende une vielle épée rouillée à son mur. Non, le bureau était simple, comportant simplement quelques beaux meubles noirs - un bureau, des chaises, des coffres remplis de papiers confidentiels, et une carte de Thédas suspendue au mur. Rien de bien folichon, mais elle préférait réserver ses petits conforts à sa chambre personnelle.

(C'était quand même la chaise de son côté du bureau qui était la plus confortable de toutes)

Elle attendait, parcourant des yeux quelques papiers sans grande importance le temps que l'écumeur arrive. Serait-il là à l'heure ? Il avait l'air du genre de type capables d'arriver en retard pour montrer son manque de respect de l'ordre... La première impression était toujours importante. Elle espérait en tout cas qu'il se montre. Inaya avait bien insisté sur le fait que ce serait très apprécié. Et étant donné qu'il revenait à priori déjà d'une mésaventure dont Fëanor avait du le sortir... Eh bien, il ne pouvait pas se permettre de trop se faire mal voir.

Silencieuse, elle croisa les jambes. On verrait bien. Dans tous les cas, ils finiraient par discuter.

Arda savait être patiente, mais elle n'aimait pas qu'on la fasse attendre.

C'étaient deux choses différentes.

Elle avait appris, avec les années, à attendre une bonne opportunité pour agir plutôt que de se jeter dans l'action comme le premier idiot venu. Elle avait appris à patienter afin de prendre sa revanche sur un ennemi ; elle avait appris à observer une situation pendant des mois avant de trouver le moment parfait pour abattre ses cartes. La patience, pour un espion, était une qualité importante. Elle pouvait faire toute la différence entre la réussite et l'échec, entre la vie et la mort. Donc, oui, elle était patiente. Elle n'avait souvent pas eu le choix.

En revanche, elle détestait avoir à attendre dans des situations comme celle-ci. Ses subordonnés, les gens sous ses ordres - elle attendait une réactivité parfaite de leur part. Elle n'avait pas de temps à perdre avec des traînards ou des contestataires. Et elle n'avait certainement pas besoin de gens qui lui manquaient de respect dans ses rangs. Arda avait sa fierté - une forte dose de fierté... et Ekaitz Vezate était en train de la piétiner.

Il était en retard. Elle l'avait vu venir, et elle ne s'était pas trompée. Mais ce n'était pas le pire... Quand l'écumeur fit enfin son arrivée, ce ne fut pas avec l'air contrit d'une personne en tort. Non, il entra sans même qu'elle l'y invite, comme si l'endroit lui appartenait. Et, pour parfaire le tableau, il l'apostropha en la tutoyant, sans l'ombre d'une honte, et s'installa sur une chaise en posant les pieds sur son bureau. Il aurait voulu faire exprès de se faire mal voir, qu'il ne l'aurait pas mieux fait.

La naine ne répondit pas tout de suite, un peu estomaquée.

Le Carta, à l'époque d'Arda, n'était pas un milieu raffiné. En fait, probablement ne l'était-il toujours pas aujourd'hui... Pourtant, aussi loin qu'elle s'en souvienne, la naine avait toujours eu envie d'autre chose. D'argent, oui, comme tout le monde - mais aussi d'un certain luxe, d'une certaine... qualité de vie. Même à l'époque où elle vivait dans la misère des Bas-Fonds d'Orzammar, elle avait eu envie d'être réellement respectée, de s'élever au dessus de sa station. Ses frères d'arme se comportaient comme des rustres ? Et bien, ça devait simplement vouloir dire qu'elle valait mieux qu'eux.

Toute sa vie, elle avait ouvré pour arriver là où elle était aujourd'hui. Et ce n'était pas pour se faire marcher sur les pieds par un capitaine croyant avoir tous les droits. Ca faisait franchement longtemps qu'on ne lui avait plus parlé comme ça. A Tevinter, elle avait bien rencontré quelques gens méprisants, mais c'était différent... Ils n'étaient pas sous ses ordres ; dans leur cas, leur comportement faisait partie des règles du jeu. Ici... Eh bien, ce pirate allait devoir apprendre qu'il n'était plus maître à bord, sinon ils allaient vraiment avoir un problème.

Elle sourit, doucereuse.

-"Eh bien, quelle merveilleuse entrée en la matière..." Son ton de voix trahissait plutôt une envie réprimée de meurtre. Elle se redressa légèrement sur son siège. "Vous devriez faire plus attention au temps qui passe, Capitaine Vezate. C'est si traître."

Pas un mot plus haut que l'autre - elle savait rester polie. Pour l'instant, en tout cas. Elle prit le temps de rassembler les quelques feuilles qu'elle venait de lire, les tapota sur son bureau, les posa sur le côté. Quelques gestes à priori calmes... elle aussi pouvait le faire attendre.

-"Retirez vos pieds de mon bureau, et nous pourrons commencer."

Il ne fallait pas être devin pour voir que les choses allaient mal se passer entre eux deux.

Arda avait un gros ego. Peut-être était-ce une façon pour elle de compenser pour ses origines modestes ; peut-être était-ce juste sa personnalité. En tout cas, elle avait de mal à supporter qu'on lui manque de respect, surtout quand ça venait d'un homme dont elle était la supérieure.

Mais ça, soit l’Écumeur n'en était pas conscient, soit il s'en fichait. Sans doute un mélange des deux. En tout cas, il ne changea pas spécialement son attitude malgré son rappel à l'ordre... continuant de la tutoyer et de se comporter comme le dernier des rustres. Au moins, il retira ses pieds du bureau : sans quoi, franchement, elle aurait eu du mal à continuer pacifiquement.

Mais elle voulait aller de l'avant. Franchement, le moins de temps cet individu passait dans son bureau, le mieux. Elle l'écouta donc faire ses remarques moqueuses sans l'interrompre. Je m'y connais mieux que toi en bien des matières, péquenot, songea-t-elle vivement, mais elle répondit plutôt avec un sourire doucereux. "Je préfère parler de subtilité. Mais je vous remercie." Il avait peut-être cherché à l'insulter, mais elle ne lui ferait pas ce plaisir... Surtout sachant qu'à ce qu'elle en savait, lui même n'était pas ignorant en matière de "trahisons", bien au contraire. Les pirates n'étaient certainement pas connus pour leur intégrité ! "Vous protestez beaucoup, pour un innocent. Sachez je n'aurais pas pris le temps de vous parler s'il ne s'agissait que d'une histoire de paysans fereldiens mécontents." Elle avait un peu entendu parler de sa mésaventure d'il y a quelques jours - mais Fëanor semblait s'en être très bien chargé tout seul. En toute franchise, elle s'en moquait. C'était une histoire indigne de son intérêt, et elle avait mieux à faire que d'en parler à l'écumeur.

-"Je vous connais, vous savez, Capitaine Vezate. De loin... De réputation. Vous n'êtes pas vraiment le genre d'homme à rejoindre une organisation telle que la nôtre par excès d’héroïsme, n'est-ce pas ?" C'était une chose qu'elle pouvait respecter. L'héroïsme, c'était très bien, mais ça menait souvent à une mort prématurée. Elle se demandait tout de même ce qui avait poussé Ekaitz à se joindre à l'Inquisition, réellement. Elle-même l'avait fait par ambition, par envie - non, besoin - de s'élever au dessus de sa station. Mais lui... Elle avait du mal à le deviner. Probablement une raison personnelle. Ca durerait le temps que ça durerait. "J'ai été très surprise, je l'avoue, quand j'ai appris votre arrivée à Therinfal. Je dois pourtant avouer que c'est un atout indéniable, que vous nous apportez. Un bateau, un équipage entier..."

Des compliments, des flatteries, Arda n'avait pas de problème à en faire quand ça l'arrangeait - que se soit pour manipuler quelqu'un ou pour mieux le frapper après. Dans ce cas-ci, ce qu'elle disait n'était même pas faux - le Sea Hawk et son équipage seraient parfaitement utiles au sein de l'Inquisition, malgré l'attitude de leur propriétaire. D'ailleurs, sans ces atouts, peut-être n'aurait-il pas été accepté dans le groupe... Enfin, ça, ce n'était de toute façon pas à elle d'en juger.

-"Et vous avez été remarquablement honnête, par rapport à votre parcours de vie, au moment de nous rejoindre. Vous nous avez donné des informations vérifiables - et vérifiées." Elle avait veillé à cela. "Enfin... à une exception prêt..."

Elle sourit à nouveau, finement. Ils arrivaient là où elle le voulait. "Pourquoi essayiez-vous de nous cacher vos activités de transport d'esclaves, Capitaine ? Auriez-vous... honte ?"

Au moins, il ne niait pas : ça aurait été idiot de sa part, vu la certitude qu'avait Arda en ses informations. Par contre, il affirma fermement n'avoir aucune honte en ses actions : la seule raison pour laquelle il n'avait rien dit à personne, c'était pour éviter de déranger les autres. En fait, en un sens, il avait bien fait : Arda doutait que l'Inquisiteur l'aie accepté en tant que membre du groupe s'il avait été au courant.

-"Je vois."

Il avait dit s'être calmé sur ce plan, mais sans complètement affirmé qu'il n'y prenait plus part du tout. Arda n'était pas idiote, ça ne lui avait pas échappé. Ce qui ne lui avait pas échappé non plus, c'est qu'il la vouvoyait, à présent... Voilà qui n'était pas sans lui faire plaisir.

Dans le fond, sur un plan personnel, elle n'était pas la mieux placée pour faire des reproches à l’Écumeur. La morale était une chose bien fragile, après tout, facilement mise de côté au profit des bonnes affaires. Comme on disait, l'argent n'avait pas d'odeur... et Arda était bien placée pour le savoir. Avait-elle jamais touché au commerce d'esclave ? Non, pas une fois dans sa vie... Mais il fallait voir les choses en face, c'était surtout parce qu'elle n'en avait jamais eu l'occasion. Par le passé, elle avait surtout trafiqué du lyrium, et plus tard, des informations... Mais dans sa jeunesse, elle avait été impitoyable, sans états d'âme, et elle n'aurait même pas hésité avant de se lancer dans ce genre de plan, à cette époque. Quelqu'un d'assez faible pour se retrouver entre les mains d'un esclavagiste, de toute façon, devait sans doute le mériter.

Aujourd'hui, pourtant, elle ne ferait plus une chose pareille même si l'occasion se présentait. Peut-être s'était-elle adoucie, ou peut-être avait-elle tout simplement conscience que ce genre de jeu n'en valait pas la chandelle au vu de sa situation financière actuelle... Plus que d'argent, c'était de pouvoir qu'elle avait envie, et ce pouvoir, c'était au sein de l'Inquisition qu'elle le trouvait. Elle n'aurait même plus songé à se salir les mains ainsi. A moins d'avoir une vraiment, vraiment bonne raison.

-"Pourquoi ? J'aurais cru que c'était évident." Elle s'appuya sur le dos de son siège et croisa les jambes. "Je vais vous épargner le discours sur les idéaux de l'Inquisition et sur la grande et belle morale que nous nous devrions tous de partager. Je devine que ça ne vous intéresse pas plus que moi. Mais voilà l'important. Nous avons une image à conserver. Nous avons un code de conduite. Et s'il y a bien une chose dont nous n'avons pas besoin, c'est de rumeurs selon lequel nous travaillons avec des esclavagistes."

Déjà comme ça, ce n'était pas l'idéal. Dans le fond, même Arda elle-même alimentait un certain nombre de rumeurs au sein des détracteurs de l'Inquisition. Une naine issue du Carta ? Avec des liens avec Tevinter ? Rien que ça devait être scandaleux. La grosse différence, c'est qu'elle avait assez d'importance dans l'organisation pour y rester malgré tout... Ekaitz, peut-être pas.

-"Il faut que ça cesse. Entièrement. C'est clair ?"

Les arguments de l'écumeur n'impressionnaient pas Arda. Elle roula des yeux en l'entendant préciser que, "techniquement", il n'était pas ce qu'on pouvait appeler un esclavagiste. La prenait-il pour une imbécile ? Elle soupira, l'air exaspéré : "Oui, je suis sûre que les agents d'Athanasia Chavez feront la différence." Que ne comprenait-il pas à ça ? Le transport d'esclaves, quel que soit le nom qu'on lui donne, avait vraiment une mauvaise image. Beaucoup de gens auraient pardonné le meurtre, le vol, mais pas ça... S'il avait envie de se considérer comme un simple intermédiaire, grand bien lui en fasse, mais il fallait bien comprendre que le reste du monde ne serait pas si indulgent.

En tout cas, quand elle lui demanda d'arrêter, il refusa tout net. Elle ne s'était pas réellement attendue à ce qu'il accepte sans discuter... Il avait l'air d'une vraie tête de mule. Pourtant, entendre ses ordres balayés comme cela était très déplaisant. Elle pinça les lèvres.

Elle le laissa pourtant terminer sa tirade, curieuse de voir où il voulait en venir. Il fallait reconnaître qu'il ne manquait pas de culot... Demander une compensation en or pour qu'il daigne arrêter son trafic ? Il y en a beaucoup qui n'auraient pas osé. Le commentaire suivant était déjà plus intéressant. Comme il le faisait remarquer, dans le monde, tout pouvait s'acheter - et eux deux avaient l'esprit assez profiteur pour trouver un accord. C'était une chose à prendre en considération.

-"En toute discrétion ?", répéta-t-elle, incrédule, quand il se tut. "Quelle discrétion ? Combien de temps m'a-t-il fallu pour vous percer à jour ?" Les espions des autres factions n'étaient peut-être pas aussi bons qu'elle, mais elle ne les sous-estimait pas. Si, vraiment, Ekaitz voulait jouer la carte de la discrétion, il avait sérieusement intérêt à s'améliorer sur ce plan. "Et si vous croyez vraiment que les fonds de l'Inquisition vont servir à financer la bonne action de l'année d'un écumeur dans votre genre... Vous êtes payé autant que n'importe lequel de nos membres, Capitaine. Ne vous attendez pas à un traitement de faveur." Elle balaya ses demandes de la main. "Trouvez-vous un autre moyen de gagner votre or."

C'était plus facile à dire qu'à faire, elle en avait conscience. L'Inquisition n'aurait certes rien gagné à une mutinerie sur le Sea Hawk... à moins de s'arranger pour que le nouveau Capitaine ne soit dans leur poche, mais ça semblait assez douteux vu le type de personnage qui devait travailler dans cet équipage.

Et puis, il n'avait pas tout à fait tort. Il y avait bel et bien un service qu'il aurait pu lui offrir, et qui aurait rendu, disons, plus acceptable toute cette histoire. C'était une idée qui l'avait déjà effleurée quand elle avait pris conscience de tous ces soucis... Le fait était qu'elle avait besoin d'un moyen de transport discret et rapide entre Therinfal et Tevinter. Quelque chose de secret, circulant en dehors des circuits officiels et qui ne susciterait pas trop de questions. Bien sûr, avoir à compter sur un homme tel que le Capitaine Vezate n'avait rien d'engageant. D'un autre côté, elle était capable de reconnaître une opportunité - elle n'en aurait pas été là dans sa vie sans cela.

Elle reprit soudainement, sur un ton plus songeur.

-"Par quelles villes passez-vous ? A Tevinter. Durant vos... trajets d'intermédiaire."

Arda soupira. Il ne s'agissait pas uniquement de passer inaperçu en mer - ça, elle ne doutait pas que l'écumeur le faisait très bien. Il devait connaître toutes les routes de contrebandiers et les ports les plus discrets. Là n'était pas le problème. Il avait une réputation dans son milieu, des bruits sur ses traffics couraient - suffisamment pour être remontés jusqu'à elle. Et si tel était le cas... ils pouvaient remonter chez leurs ennemis aussi.

L'idéal aurait été de mettre tout ça derrière lui, encore une fois. On ne pouvait pas réécrire le passé, mais si elle avait su que tout cela était derrière lui à cent pourcent, elle aurait pu s'estimer heureuse. Oui, des rumeurs auraient peut-être fini par circuler, mais rien de trop grave... Il n'avait pas l'air du genre à s'en préoccuper, de toute façon, et les services qu'il aurait rendu à l'Inquisition en auraient valu la peine.

Mais voilà, il s'entêtait. Elle songea avec un certain mépris que rien de ce qu'elle dirait ne pourrait le convaincre : dans le meilleur des cas, il prétendrait accepter ses conditions pour quand même poursuivre ses activités en secret ; dans le pire, il partirait en claquant la porte - et peut-être en attaquant la ville d'à côté au passage. Ils n'avaient vraiment pas de ressources à perdre pour l'arrêter. Et puis, quel gâchis ça serait...

-"Laissez Gwaren tranquille. Et ne croyez pas que vous avez tous les droits, ici."

Elle n'aimait vraiment pas sa manière de lui parler et de jouer au plus malin avec elle. C'est pourquoi il lui était d'autant plus désagréable de songer à avoir recours à lui pour quelque chose de personnel. Et pourtant... L'idée était dans l'air, à présent. Des voyages discrets entre ici et Tevinter, ça pouvait avoir son utilité. Surtout pour Arda...

Il allait donc, entre autre, à Minrathie et à Qarinus. Rien de surprenant, au final. C'étaient des villes importantes. Elle imaginait qu'il y avait toujours beaucoup de demande, par là.

Un instant, elle se laissa aller à songer à sa maison à Qarinus. Le salon si bien meuble, les esclaves à ses petits soins, le balcon avec sa vue sur la mer... Elle ne regrettait pas d'être rentrée dans l'Inquisition après sa reformation, elle appréciait le pouvoir qu'elle avait ici, mais... Oh, Qarinus lui manquait, il fallait l'avouer. Même Minrathie, qu'elle avait beaucoup fréquentée sans pour autant y vivre, lui manquait. Therinfal était froid et morne et désagréable, en comparaison.

Elle ne pouvait pas rentrer dans l'immédiat, bien entendu - elle avait trop de responsabilités ici. Quand elle voyageait, c'était uniquement pour l'Inquisition, pas pour son propre plaisir. Elle s'y était consciemment engagée en reprenant son poste, et dans le fond, elle aimait ça... Elle aimait se sentir importante, écoutée, indispensable. Mais niveau cœur, par contre, ça ne l'arrangeait pas.

Ah, si elle avait pu s'amouracher d'un homme plus simple ! Un homme potiche, joli mais un peu idiot, qui l'aurait suivie jusqu'ici sans trop poser de questions ! Ca aurait été bien plus facile ! Oui mais voilà, les amants comme ça, c'était bon pour une nuit, pas pour plus longtemps. Elle était attirée par les gens intelligents, les gens de pouvoir... Les gens comme Varian Titus, magister bloqué à Tevinter pour les même raisons de responsabilités qu'elle.

Elle jeta un coup d’œil au capitaine écumeur. Il souriait déjà comme s'il avait gagné la partie. Ca l'énervait un peu. "Il se trouve que j'ai une connaissance à Qarinus... Quelqu'un qu'il me ferait plaisir de revoir, de temps en temps." Comment s'organiseraient-ils ? Irait-elle jusqu'à lui, ou le contraire ? Se retrouveraient-ils à mi chemin ? Il faudrait lui envoyer un oiseau pour lui en parler. Dans tous les cas, un moyen de transport discret serait fort utile.

Arda avait découvert, au court de sa vie, que tout le monde pouvait être acheté. Que ce soit avec de l'argent ou d'autres promesses, ou même des menaces... personne n'était totalement incorruptible, et quiconque était capable d'exploiter ces faiblesses chez les autres méritait de gravir les échelons. Il s'agissait simplement d'être malin - et elle avait eu besoin de l'être pour arriver là où elle était maintenant.

Certaines personnes, cependant, étaient plus faciles à cerner que d'autres, et c'était le cas du Capitaine Vezate. Son objectif, il le citait clairement : il tenait à s'enrichir... Chose que la naine pouvait respecter - l'argent faisait tourner le monde, et elle appréciait qu'il ai au moins l’honnêteté de le reconnaître.

Elle réfléchit. Il voulait de l'or, et son silence. Elle voulait ses services en dehors des missions pour l'Inquisition, et un moyen de transport discret pour ses affaires personnelles. Clairement, il y avait là une entente qui n'attendait que d'être établie. Elle reprit la parole. "Une connaissance, oui. Un ami qui m'est cher. Et si vous parvenez à faciliter notre rencontre - rapidement, discrètement - je peux vous assurer que vous y trouverez votre bénéfice. Pour vous et votre si important équipage..." Elle esquissa un léger sourire moqueur. Elle ignorait la répartition de l'argent entre lui et ses hommes, mais elle doutait qu'il soit très égalitaire.

Trouver l'or, comme il l'avait deviné, elle en était capable. Elle n'était pas pauvre... et puis, il y avait les caisses de l'Inquisition... Toujours accessibles à quiconque, comme elle, avait assez de pouvoir et de discrétion. Vu toutes ses responsabilités, ne méritait-elle pas un petit "extra" ? Avec l'Inquisiteur en convalescence, elle ne risquait pas grand chose. (L'ironie d'avoir elle-même gagné son poste de maître espion en exposant les abus de son prédécesseur ne lui échappait pas. La différence était qu'elle était plus maligne et qu'elle ne se ferait pas prendre.)

Il ramena très vite le sujet de son transport d'esclaves - alors qu'Arda pensait presque être passée à autre chose. Enfin - c'était l'occasion de clarifier les choses. "Quel petit commerce ?", demanda-t-elle avec une fausse innocence... Elle le regarda dans les yeux. L'argent faisait tourner le monde, et quoi qu'on fasse, il y aurait toujours quelqu'un pour se charger de ce genre de sale boulot. Alors pourquoi ne pas en tirer son propre profit ? Elle se doutait que cet état d'esprit, elle et Ekaitz le partageaient. "J'éviterai de me mêler de vos affaires tant que vous continuez à m'être profitable, Capitaine. Alors veillez à rester mon ami."

Oh, bien sûr, elle ne se priverait pas réellement de mettre son nez dans ses affaires. Après tout, c'était son rôle, d'espionner les autres. Mais elle comptait bien cacher tous ces secrets au reste de l'Inquisition, quand bien même elle aurait du aller les déballer au reste de ses dirigeants dès la première heure. Ca durerait... Eh bien, le temps que ça durerait. Si l'écumeur s'avérait trop difficile à gérer ou menaçait sa propre réputation, elle n'hésiterait pas à aller le dénoncer avant qu'il ne fasse trop de dégâts. Il ne fallait pas s'attendre à beaucoup de loyauté de sa part. Mais en attendant, elle ferait tout pour éviter que cette histoire de remontent jusqu'aux oreilles de l'nquisiteur... Il se portait bien mieux comme ça.

-"Très bien. Restez alerte - je vous recontacterai rapidement avec plus d'informations. Préparez-vous déjà à partir... Cales replies ou non, je compenserai le reste." Elle devait d'abord contacter Varian et s'arranger avec lui... Cela pourrait prendre plusieurs semaines. Et puis, tant qu'à avoir quelqu'un en route pour Tevinter, elle pourrait tout aussi bien en profiter pour communiquer avec quelques autres amis sur place... Et peut-être lui demander de lui ramener une caisse de bon vin, ou quelque chose comme ça. Elle en avait assez, de la vie à la fereldienne.