Hands of Gold

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“In heaven, all the interesting people are missing.” ▲ Nietsche

Si les nuits de Flavius avaient chacune son lot de surprises et d'originalité, ses journées étaient quant à elles désespérément mornes. Il se levait aux aurores, faisait ses ablutions, priait et s'habillait pour remplir son office à la Chantrie Impériale. Il n'était qu'un prêtre parmi tant d'autres quand il entrait dans la Flèche d'Argent, se fondant dans la foule des magisters venus remplir leurs tâches administratives, ou préparer les prochaines cérémonies religieuses importantes. C'était une immense fourmilière où chacun avait sa place et son rôle, et Flavius était étrangement rasséréné par cette monotonie.

Il salua ses supérieurs et ses subordonnés avec le même ton égal et la même expression froide qu'on lui connaissait. Flavius était un prêtre sérieux et pieux, rabat-joie même, et il était très fier de cette réputation chèrement acquise. C'est donc en camouflant sa réticence à devoir travailler aujourd'hui avec Vitus qu'il prit ses ordres du jour.

Arpentant les couloirs de la Chantrie, il ne tarda pas à trouver Vitus apparemment inoccupé. Il n'appartenait pas à Flavius de juger de l'efficacité de son confrère, même si l'envie était très forte.

— On vient de m'informer que Sextus de la maison Tilani vient de faire un nouveau don substantiel à la Chantrie Impériale. Il nous faut mettre à jour les comptes et vérifier que tout est en ordre.

Allez savoir pourquoi on avait décidé de le mettre en binôme avec Vitus : Flavius ne se sentait pas spécialement proche de lui. Après, il fallait également avouer que Flavius ne se sentait proche de personne.

Hands of Gold.

Vitus n’écoutait que d’une oreille ce que les autres prêtres disaient, il s’était prit dans une discussion entre plusieurs vieux et malheureusement il ne trouvait pas de bonne excuse pour s’en aller. De temps en temps il hochait la tête pour donner l’impression de suivre mais dans sa tête il n’avait qu’une envie, partir loin, très loin des vieux croulants. Après un temps qu’il sembla durer une éternité, Vitus put enfin quitter les autres prêtres, partant dans la direction opposée à eux, il ne savait pas encore ce qu’il allait faire mais il resterait loin des vieux.

Il décida d’aller errer dans les couloirs de la Flèche d’Argent, les lieux étant calmes cela le détendait. Le jeune prêtre croisa d’autres collègues mais eux eurent la décence de le laisser tranquille, au bout d’un moment Vitus s’assit sur un banc. La tête contre le mur derrière lui, les yeux fermés, les jambes totalement détendues, il se contenta de ne penser à rien.

Malheureusement pour lui, le Créateur décida d’envoyer quelqu’un pour l’interrompre, Vitus ouvrit doucement les yeux et regarda la source de l’interruption. Flavius, un autre prêtre comme lui…Enfin non, ils étaient différents, Flavius était bien plus croyant et dévoué au Créateur que Vitus, même si ce dernier cachait bien son jeu. Le jeune homme soupira puis se leva.

-C’est une blague ?...Non, bien sûr avec toi ça ne peut pas l’être.

Vitus lui tourna le dos puis se mit à marcher en direction de l’une des nombreuses bibliothèques de la Flèche, une bibliothèque où se trouvait des archives plutôt intéressantes si on aimait les chiffres et les comptes. Les deux prêtres allaient devoir garder leur nez dans un tas de paperasses et le pire pour Vitus fut qu’il devrait être en compagnie de Flavius, ils n’étaient pas proches et clairement Vitus ne l’appréciait pas particulièrement. Une fois arrivé là où il le voulait, Vitus se dirigea vers l’une des étagères et attrapa l’un des plus gros livres s’y trouvant et le plaça sur une table.

-Tient, voilà une partie des comptes. Amuse-toi bien avec.

Le jeune prêtre afficha un petit sourire en coin puis commença à s’éloigner de la table, hors de question qu’il s’occupe des comptes, il n’avait pas la tête d’un comptable pourtant.

Codage par Libella sur Graphiorum

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En effet, Flavius n'était du genre à faire des blagues, surtout au travail. Ce n'était pas quelqu'un de très drôle, ni d'excellente compagnie, et il en avait bien conscience. En fait, il faisait tout pour rester seul aurait-on dit, comme s'il avait peur qu'on ne s'approche trop près de lui. Ça marchait bien, la plupart des gens le fuyaient comme la peste malgré son zèle et sa compétence.

Il aborda Vitus pour l'enjoindre à travailler avec lui sur la mise à jour des comptes de la Chantrie Impériale, ce qui arracha un soupir à ce dernier. Flavius le regarda d'un air désapprobateur, avant de le suivre. Il avait du mal à cerner Vitus, et il n'était pas spécialement à l'aise en sa présence. C'était bien dommage, car il pressentait qu'ils auraient pu être amis.

— Merci beaucoup Vitus.

Flavius s'inclina avant de commencer à fouiller les comptes, se rendant bien compte que Vitus n'était pas prêt de l'aider pour ça. Il ne lui en tenait pas rigueur, préférant de loin travailler en solo que d'avoir un binôme mal assorti. Cela dit, ça ne voulait pas dire qu'il se devait de travailler en silence : reporter des comptes ne lui demandait pas tant de capacités cognitives que ça.

— Je me disais... Nous ne parlons pas beaucoup, et c'est dommage. Je sais que je n'ai pas des abords très sympathiques, je m'en excuse platement. Ça ne pourrait pas me faire de mal de... discuter simplement avec mes confrères. Si tu es d'accord, bien sûr.

Une page des comptes se tourna, alors que Flavius y inscrivait de minuscules chiffres... en taille, pas en valeur. Ce Sextus Tilani avait de l'argent, et c'était tant mieux pour la Chantrie.

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Après avoir déposé l’énorme livre sur la table, Flavius le remercia, ce qui l’étonna. Il s’attendait plutôt à l’entendre râler comme quoi ils devaient le faire tous les deux, mais rien, bien il n’allait pas se plaindre. Il avait déjà du s’occuper des comptes plusieurs fois et cela lui donnait la migraine, peut-être à cause du fait qu’il en avait assez de cette impression de voir son cousin en permanence à la Flèche d’Argent. Il fallait croire que la fonction de magister offrait énormément de temps libre et que son cousin était devenu très pieux…Non, Sextus ne s’était pas découvert une passion dans la prière, il avait une autre occupation.

Vitus s’assit près de l’une des fenêtres de la bibliothèque préférant penser à autre chose et par chance, Flavius lui donna une occasion. En entendant les paroles de l’autre prêtre il eut un léger rire.

-Certes nous ne parlons pas beaucoup, mais la vérité c’est que tu ne parles quasiment à personne.Il s’installa de manière à faire face à l’autre homme.Tu n’as pas vraiment besoin de t’excuser, même si par moment ton caractère un peu froid à froisser plusieurs de nos confrères, mais moi ça m’est bien égal. J’apprécie cependant le fait que tu acceptes de discuter un peu.

Le jeune prêtre se leva et alla s’asseoir face à Flavius, puis réfléchis pendant quelques secondes à quel genre de question il pourrait lui poser. Il ne savait pas grand-chose sur lui à vrai dire, hormis qu’il était très dévoué à sa fonction.

-Je me rends compte que je ne sais absolument rien sur toi alors que ça fait cinq ans qu’on sert ici. Pourquoi la chantrie ?

Oui c’était une question qu’il posait assez souvent étrangement, il voulait comprendre pourquoi les gens étaient ici, pourquoi certains venaient volontairement. Ceux-là étaient des énigmes pour Vitus, il ne comprenait pas comment on pouvait vouloir dévouer sa vie à un dieu qu’on ne pouvait ni voir ni entendre.

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Vitus n'avait pas tort : Flavius ne parlait à personne, et ne pouvait donc se plaindre de ne pas avoir d'amis avec qui faire la conversation. Il ignorait pourquoi c'était tombé sur lui, mais après tout, pourquoi pas ? C'était peut-être aussi l'ambiance intimiste des archives, cet endroit où personne ne venait jamais, qui avait poussé Flavius à engager la conversation. Peu importait, de toute façon.

— Oh, j'ai froissé certains d'entre nous ? J'en suis bien désolé...

Flavius ne serait pas très honnête s'il disait qu'il n'en savait rien. Il avait bien compris que son attitude ne plaisait pas à certains, mais il s'assurait seulement d'être bien vu de ses supérieurs. Parfois, il fallait dire les choses, et rappeler les préceptes de la Chantrie. Tant pis si ça ne plaisait pas à tout le monde. Ce qui comptait aujourd'hui, c'était que Vitus appréciait le geste de Flavius, et qu'il était prêt à discuter avec lui. Tout en remplissant les registres, ce dernier sourit, ce qui changea un peu de son allure froide et coincée.

Cela dit, sa première question était déjà bien compliquée. Une vraie question piège, à laquelle Flavius ne savait pas comment répondre. Pas immédiatement du moins : il réfléchit quelques temps, avant de hausser les épaules.

— C'était naturel pour moi. J'ai toujours été élevé dans le respect de la religion, et comme je suis le septième fils, ce n'est pas bien grave si je consacre ma vie à la Chantrie. Et puis, c'est une position qui me plaît, je dois avouer. Et toi ?

Après tout, Vitus devait aussi avoir ses raisons pour avoir atteri à la Flèche d'Argent.

Hands of Gold.

Flavius s’excusa d’avoir froissé certains prêtres, enfin c’était une excuse pour la forme, Vitus se doutait qu’il n’était pas totalement sincère.

-Tes excuses sonnent tellement fausses, mais bon ce n’est pas un problème.

Vitus croisa les bras puis posa sa tête dessus, son attitude ressemblant plus à celle d’un enfant plutôt qu’à celle d’un adulte. Il vit ensuite l’autre prêtre changeait un peu d’attitude, il avait même droit à un petit sourire, il n’avait jamais vu son collègue affichait ce genre d’émotion. C’était bon signe, il allait surement pouvoir apprendre pleins de petits secrets sur lui…Comme d’habitude, les secrets étaient importants pour Vitus.

-Septième fils ? J’imagine que l’ambiance ne devait pas être très calme pendant ton enfance. Quoi que si tous les autres sont comme toi, ça devait être terriblement silencieux et ennuyeux.
Vitus afficha un sourir
e, il se foutait gentiment de la tête de son confrère. Ils allaient passer beaucoup de temps dans cette pièce autant en profiter un petit peu. Puis il soupira, pourquoi il était là ? Il ne l’avait pas choisis en tout cas.

-Si je suis ici c’est tout simplement parce que mes parents ne savaient pas quoi faire de moi. Un deuxième fils n’est pas utile du coup, hop, on me fout à la chantrie impériale et c’est réglé.

C’était plus ou moins la vérité, enfin plutôt plus, Vitus n’était pas particulièrement utile du coup on l’avait mis un peu à l’écart. Oui il en voulait à son frère d’être né et c’était réciproque, c’est pour cela que depuis longtemps au lieu de se taper directement dessus, c’était les esclaves qui servaient de défouloir aux frères Sepirio. Vitus attrapa le livre de compte, le ferma et le poussa sur le côté, voir l’autre le nez là-dedans l’exaspérer un peu.

-Laisse ce truc pour le moment, tu veux discuter alors oublie les chiffres. Bon, ok t’es le septième gosse de ta famille mais franchement, ça te plait tant que ça de dévouer ta vie à la chantrie ? J’veux dire tu aurais certainement pu faire quelque chose de mieux au lieu de finir ici…Puis c’est pas parce que tu as plein de frères et sœurs que tu ne pourras pas finir héritier.

Il se retient de rajouter ‘Regarde Sextus’, il avait fini héritier grâce à de malheureux accidents…Ahlala le karma pouvait être très méchant pas moment.

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Hmm, ainsi Vitus voyait clair dans le jeu de Flavius, mais ça n'empêchait pas ce dernier de prendre une mine surprise, comme s'il ne voyait pas de quoi son confrère parlait. Le déni, encore et toujours. Cela dit, il ne s'attarda pas là-dessus et commenta le fait que Flavius était le septième de sa fratrie. Non sans lui envoyer une petite pique au passage, bien sûr.

— Ils ne sont pas comme moi, bien sûr que non.

C'était celui qui en avait pris le plus dans la gueule, et qui s'était trop longtemps fait marcher dessus par sa famille, entre autres. Il ne préférait pas s'attarder là-dessus, d'ailleurs, d'où son attitude de nouveau fermée.

Elle s'accentua quand Vitus lui prit le livre de comptes, comme si ce n'était pas important. Il étouffa une protestation, mais ne fit rien de plus, si ce n'est abandonner sa plume sur le pupitre et s'appuyer sur le dossier de sa chaise. C'est bon, Vitus avait gagné.

— Je ne désire pas hériter, c'est toute la différence. Et non, j'aime ma vie ici. J'ai une place, un rôle à jouer et ça me convient tout à fait. Par contre, je devine que ce n'est pas ton cas. Qu'est-ce que tu aurais voulu faire, à la place ?

Parce que c'était de ça dont ils parlaient, non ? Des rêves brisés de Vitus, de son sentiment d'ennui profond en restant à la Chantrie... Des choses totalement étrangères à Flavius qui était très heureux là où il était. D'ailleurs, si tout le monde était comme lui, le monde irait beaucoup mieux !

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A la mention de la famille, Vitus trouva l’autre homme un peu tendu, un peu sec…Il avait touché un point sensible, bien, il allait donc continuer là-dessus le plus longtemps possible.

-Je suis certain qu’ils sont beaucoup plus charmants que toi…Ou plus expressif en tout cas.

Le visage toujours souriant, le regardant toujours dans les yeux, discuter avec Flavius était bien plus amusant qu’il le pensait. Il devrait passer plus de temps avec lui, ça serait plus distrayant que de passer du temps avec les autres prêtres. La réponse de Flavius fut plutôt prévisible, Vitus fut un peu déçu d’ailleurs mais il ferait avec, puis ce fut son tour d’être interrogé.
Vitus se redressa puis fit mine de réfléchir, tapotant son menton avec l’un de ses doigts.

-Mmmh, je suis heureux de servir sous les ordres du Divin, mais j’aurais aimé enseigner ou voyager peut-être. Je n’ai jamais eu d’occasion de sortir de Tévinter, alors oui actuellement il est dangereux pour les mages de sortir de l’empire mais j’aimerais voir ailleurs parfois.

Vérité et mensonge mélanger, c’était toujours ainsi que les mensonges passaient mieux. Oui il voulait voyager en vérité, il était tellement curieux, mais non il devait rester ici avec les mêmes gens en permanence et faire toujours les mêmes choses. C’était surement cela le pire pour lui, l’ennui.

-Enfin, je suis ici et content de l’être. Je servirai le Divin aussi longtemps qu’il voudra bien de moi.

Non, il ne servirait pas toute sa vie le divin, il ne servira que le temps qu’il trouve autre chose à faire…Cela risquait juste de prendre un peu de temps.

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Plus charmants, hein ? Sûrement, mais Flavius ne voulait pas s'y attarder. Il n'avait pas envie de parler de ses frères, surtout en des termes élogieux. Personne ne savait ce qu'il avait enduré en devant obéir à des brutes comme Caius, l'aîné, ou des tordus comme Tiberius, celui juste avant lui. Les Scylla étaient tous abîmés, et comme des hérissons, ils se blessaient les uns les autres, s'étouffant mutuellement. Flavius était bien mieux depuis qu'il était à la Chantrie, c'était un fait.

Il n'était peut-être pas très expressif, mais au moins il arrivait à se contenir. Il avait voulu répondre cela, mais s'était arrêté au dernier moment. Ce n'était pas très malin de dire une chose pareille, et ça aurait seulement permis à Vitus d'enchaîner. À la place, Flavius écouta ce qu'il aurait voulu faire. Tout le monde avait des regrets, et son confrère ne faisait pas exception.

— Je n'ai pas beaucoup voyagé non plus, mais cela pique parfois ma curiosité. Qui sait ? Peut-être qu'un jour nous pourrons partir à l'étranger, en mission officielle.

Ce n'était pas demain la veille, mais rien n'empêchait Flavius de rêver, non ? Il esquissa un nouveau sourire, et passa une main dans ses cheveux. Ça ne lui ressemblait pas de tirer au flanc au lieu de travailler, mais le changement n'était pas désagréable, si on oubliait sa conscience qui le démangeait.

— Tu sembles en douter... Craindrais-tu que l'on t'exclues de la Chantrie ?

Car Flavius n'avait jamais songé qu'un jour, le Divin ne voudrait plus de lui. C'était si inconcevable que cette pensée le mettait terriblement mal à l'aise. Que Vitus l'évoque, même très indirectement, interpellait le jeune Scylla.

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Malheureusement Flavius ne répliqua pas quand Vitus mentionna la famille, le prêtre était un peu déçu mais la discussion n’était pas finie. Il pourrait revenir sur le sujet plus tard. Oui il était bien trop curieux mais les réactions de Flavius l’amusait aussi beaucoup, lui qui était en temps normal si inexpressif.

-Je ne pense pas qu’on sera envoyés en mission en l’extérieur de l’Empire. Bon à moins que tu es envie d’aller visiter les cercles du sud, c’est une mauvaise idée.

En voyant l’autre se détendre un peu et sourire, Vitus se dit que c’était bon, les comptes étaient oubliés et ils allaient discuter pendant un petit moment. Il devait bien l’avouer discuter avec Flavius était distrayant, bien plus qu’il ne le pensait. Cependant la dernière question de l’autre prêtre ne lui plut pas vraiment, Vitus se crispa involontairement, fronçant légèrement les sourcils, il répondit sur un ton sec.

-Quoi ? Non. Ferme-la, je sais pas ce que tu as compris mais tu en es loin.

Vitus se releva puis retourna s’asseoir près de la fenêtre, les bras croisés. Flavius avait mis le doigt sur quelque chose, Vitus n’était pas particulièrement croyant et oui il était possible d’être exclue pour ça. Cependant le jeune prêtre ne voulait pas quitter son poste pour le moment, il était fidèle au Divin et faute de mieux il se contentait de sa situation actuelle.

Soupirant, il continua de regarder le vide derrière la vitre, il n’avait pour le moment plus très envie de discuter ou poser des questions. Il était vexé et légèrement énervé contre lui-même, il allait donc rester là silencieusement en attendant que le temps passe et que l’autre s’en aille.

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On pouvait toujours rêver, non ? Il n'était pas exclu qu'on les envoie en Antiva, ou à Nevarra, le monde ne tournait pas autour de ces nombrilistes orlésiens ou leurs alliés crasseux de Ferelden. Mais Vitus avait pourtant raison : le risque était trop grand de finir dans un cercle, maintenant que Faustine V était revenue sur l'une des plus grandes avancées sociales sudistes. Bande d'arriérés.

Flavius hocha simplement la tête et laissa la discussion suivre son cours. Il ne put s'empêcher, en sentant les doutes de Vitus en filigrane dans sa voix, de pousser un peu plus loin ses questions : pour le grand déplaisir de ce dernier. Boudeur, il se leva et alla minauder après voir rabroué assez violemment Flavius. Choqué, ce dernier ne répondit rien dans l'immédiat, se contentant d'évaluer la situation. On l'avait traité de bien pire manière, et s'il était vexé, il comprenait surtout qu'il avait joué un peu trop fort sur une corde un peu trop sensible.

— Vitus...

La voix de Flavius était douce et baignée de perplexité : il voulait en savoir plus, mais il rechignait à s'y prendre frontalement. Ce n'était pas quelque chose qui avait l'air de fonctionner avec Vitus. À la place, il se leva et se rapprocha de lui, assez pour le toucher mais sans le faire : ce n'était pas dans les habitudes du prince des glaces de faire des câlins, lui qui frissonnait de dégoût au moindre contact.

— Je ne voulais pas te blesser. Je ne pensais pas que le sujet était aussi... épineux pour toi. Je te connais mal, et il faut dire que tu donnes l'impression que rien ne peut t'atteindre, que tu te moques de tout. Je te présente mes excuses, cette taquinerie était déplacée.

Flavius garda un moment le silence, et soupira enfin.

— Je suis toujours là, si tu veux parler.

Malheureusement pour Vitus, Flavius ne comptait pas quitter la salle des archives avant d'avoir terminé son office : le livre de comptes était toujours là, et il n'avait pas fini de reporter les modifications.

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Il avait réagi comme un enfant, il n’aurait pas dû, maintenant Flavius pourrait très bien le trouver immature. La pièce resta silencieuse avant que Flavius ne décide de prendre la parole, Vitus serrant les dents en entendant son nom. Il s’attendait à entendre un ton moqueur ou condescendant mais ce ne fut absolument pas le cas, il était surpris mais il resta sans réagir, ne voulant pas donner satisfaction à l’autre pour l’instant. Flavius s’approcha de lui, très près, Vitus le regarda de haut en bas, se demandant à quoi il pouvait bien penser à s’approcher aussi près de lui, il n’avait jamais entendu parler de l’espace vitale ? Il pouvait très bien mal prendre le fait qu’il envahisse son espace personnel. Puis au final il s’excusa, Vitus haussa les sourcils surpris. Flavius était plutôt surprenant aujourd’hui.

- Oh oui tu ne me connais pas, mais bon ce n’est pas pour autant que je devais être aussi sec avec toi. Je suis aussi désolé. Et juste comme ça, non je ne me moque pas de tout.

Un petit sourire en coin apparu de nouveau sur le visage de Vitus. Il était plutôt sincère en disant qu’il était aussi désolé, il espérait aussi que l’autre oublierait rapidement ce qu’il venait de se passer. Il n’avait pas particulièrement envie que les vieux croutons apprennent que ce sujet était compliqué pour lui. Après un petit silence, l’autre homme prit de nouveau la parole, de nouveau Vitus allait pouvoir en profiter pour taquiner son confrère.

-Tu es là si je veux discuter ?

Vitus posa doucement une main sur le torse de Flavius puis commença à le pousser doucement vers la table et lorsqu’il fut bloqué contre le meuble, Vitus rapprocha son visage de celui de l’autre prêtre.

-Et si je préfère faire autre chose que discuter ? Tu seras toujours là pour moi?

Il le savait, l’autre allait détester ça, mais il ne pouvait pas résister. Le taquiner était tellement amusant, il avait tellement hâte de le lire la confusion sur le joli visage de son confrère.

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Vitus pouvait être d'agréable compagnie, ce que Flavius n'aurait jamais cru s'il ne l'avait pas expérimenté lui-même. Cet éclat de doute qu'il avait vu dans ses yeux avant qu'il ne se cristallise dans sa vexation l'avait rendu plus humain, et quelque part, plus proche de Flavius. Ce dernier en montrait le moins possible, mais ce genre de points de douleur invisibles ne lui étaient pas étrangers.

Il alla donc s'excuser, presque sincèrement. Il en faisait toujours trop selon ses propres critères, mais il fallait en rajouter pour obtenir des réponses comme 'non, c'est moi qui ai été méchant', ce qui ne manqua pas d'arriver cette fois-ci aussi. Flavius esquissa un nouveau sourire, et repartit s'occuper des comptes.

Tout aurait pu en rester là entre eux, si seulement Vitus ne s'était décidé à jouer avec le feu. Il était de notoriété publique que Flavius, s'il n'avait aucun mal à entrer dans l'espace personnel de quelqu'un, était plus tâtillon avec le sien, et qu'il détestait qu'on le touchât. Ce que Vitus fit en le plaquant, gardant une main sur son torse.

Choqué et dégoûté, Flavius regarda la main puis le visage de Vitus, le regard noir hanté par des horreurs que son confrère ne pouvait imaginer. Une lueur de haine et de rage passa en un éclair dans le fond des yeux, avant qu'il ne les détourne et ne s'écarte violemment pour échapper à toute forme de contact. Sa chasteté légendaire était peut-être source de moquerie, mais il y tenait, et refusait en bloc ce genre d'avances bien peu subtiles.

— Pour discuter, mais pas plus. Je ne sais pas ce qui se passe dans vos têtes, mais on peut très bien rester en compagnie de quelqu'un sans vouloir lui grimper dessus comme un animal en rut.

Flavius porta la main à sa bouche, soudain pris de nausée. Ce n'était pas contre Vitus, pas directement, mais ce dernier ne pouvait le deviner. Tout comme il n'avait pu deviner qu'il n'y avait aucune arrière-pensée à ce qu'avait proposé Flavius.

— Je... Tu ne... Je commençais à te penser de bonne compagnie. Mais je ne suis pas comme... ce que tu penses que je suis.

Quelque part, il voulait toujours croire que Vitus pouvait être son ami, mais il n'en était plus certain. Ce ne serait pas le cas s'il continuait ainsi, en tout cas.

— Ne me touche plus jamais.

Flavius lança un nouveau regard glacé à Vitus, avant de repartir à ses comptes. L'autre pouvait faire ce qu'il voulait, il n'en avait cure. Il avait un travail, et il avait eu tort de s'en écarter.

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Pourquoi il s’était rapproché de Flavius, en sachant que l’autre n’aimait pas ça ? Parce qu’il le voulait, enfin non plutôt parce qu’il le pouvait. Il voulait taquiner son confrère et voir où se trouvait réellement les limites et vu la réaction, les limites n’étaient pas loin. Flavius l’avais regardé avec colère et dégout avant de s’écarter rapidement, Vitus fut légèrement vexé, pas la peine de s’écarter de lui aussi vite, il n’avait pas la peste non plus. Vitus le regarda légèrement surpris puis soupira, il écouta attentivement l’autre parler, il voulut l’interrompre à un moment mais se retint. Ce fut le ‘vos têtes’ qui interpella un peu le prêtre, de qui pouvait-il parler ? D’autres confrères avaient déjà tenté quelque chose ou c’était avant qu’il n’arrive à la Flèche d’Argent ? Vitus se dit qu’il devrait essayer d’en savoir plus une autre fois, là il voulait continuer à le taquiner.

Flavius avoua qu’il commençait à trouver Vitus de bonne compagnie, il fut plutôt content de l’entendre en réalité mais la dernière parole le refroidit assez vite. Il regarda l’autre prêtre retournait au livre de compte, lui resta plusieurs secondes au même endroit sans bouger, réfléchissant à quoi faire. Il pouvait partir et en rester là ou continuer son petit manège. Il décida de rester encore un peu, le jeune prêtre alla s’asseoir sur la table, juste à côté de Flavius, le regardant faire ses comptes.

-Je n’étais pas sérieux hein, tu as vraiment cru que toi…Je te rassure, t’es pas mon genre mais absolument pas.

Il dit tout cela en rigolant légèrement, si Flavius avait réagi ainsi ça voulait dire qu’il y avait au moins pensé quelques secondes, il n’était donc pas aussi pur qu’il voulait bien le faire croire.

-Enfin je sais pas ce que t’a cru mais tu as dû te tromper.

Toujours assit, il s’étira puis se leva pour aller se positionner derrière Flavius, posant ses mains sur les épaules de l’autre homme.

-Et maintenant, tu vas faire quoi ?

Le visage souriant, Vitus cherchait vraiment à pousser à bout l’autre prêtre, par curiosité, par ennui…Il pouvait le faire donc il le faisait, pas besoin d’une autre raison.

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Flavius n'avait sûrement aucune idée de où il mettait les pieds, et des risques qu'il prenait en restant simplement avec Vitus. Ce dernier était pire qu'un serpent, et le provoquait par pur jeu. Si Flavius s'était écarté, ce n'était pas par plaisir, plutôt même le contraire : il détestait devoir repousser quelqu'un aussi violemment, d'autant plus qu'il avait tenté de faire ami/ami avec juste avant.

Vexé, il repartit s'asseoir à sa table, reprit le livre de comptes et tenta de terminer son travail. Il espéra que Vitus s'en aille, mais ce dernier resta, s'assit près de lui et continua de le tourmenter. Voilà qu'il ajoutait l'insulte à l'agression : qu'est-ce qui était le plus blessant, finalement ? Se sentir un bout de viande, ou être rejeté car pas assez bien ? Flavius eut un sourire mauvais, mais ne releva pas le regard vers Vitus.

— Parfait alors. Tu n'es pas mon genre non plus. Trop collant.

Il n'avait plus que les mots pour se défendre, un sarcasme de basse qualité pour tenter de garder Vitus à bonne distance. Hélas, il était plus tenace que Flavius l'espérait : il vint derrière lui, et reposa ses sales pattes sur ses épaules. Un frisson lui parcourut l'échine, et il trembla sans s'en cacher.

— La solitude te pèse ? Tu en es donc réduit à souiller les gens qui, je cite, "ne sont pas ton genre" ?

Posant sa plume, Flavius eut un mouvement de recul pour se dégager du contact de Vitus, et se releva. Il avait terminé de reporter les modifications dans les comptes, il pouvait très bien s'en aller désormais. Pourtant, il ne put s'empêcher de lancer un nouveau regard noir à Vitus.

— Qu'est-ce que tu me veux ? Est-ce que tu sais seulement ce que tu veux ? Es-tu à ce point esseulé, rejeté, peur d'être exclu de la Chantrie même, d'après ce que j'ai compris, que tu t'en prends à moi ? Je n'aurais jamais dû m'abaisser à m'excuser auprès de toi, pour t'avoir ne serait-ce qu'un peu secoué. Tu ne respectes rien, pas même toi-même. Tu mérites sans doute mieux que de venir te frotter à moi comme une chatte en chaleur, mais tu n'as sûrement pas assez d'auto-discipline pour t'empêcher de succomber à tes pulsions primaires. Je retire ce que j'ai dit : je te connais très bien les gens comme toi. Et vous me dégoûtez.

Flavius reprit le livre pour le remettre à sa place, ignorant Vitus ce faisant. Il en avait assez enduré avec ses frères pour ne pas prendre une dose supplémentaire avec un confrère.