GENTLE HEART (KAIDA)

Le marché a toujours été un endroit parfait pour voir la populace se mélanger. aussi bien les riches que les pauvres. les nobles et les esclaves. c'est un terrain de jeu parfait pour tout ceux et celles qui désireraient surveiller l'évolution d'une situation au sein d'une ville ou d'un pays. d'ailleurs, je préfère d'avantage m'aventurer au sein d'un tel milieu que durant des réceptions désormais. surtout quand l'on sait la considération que les altus pourraient avoir envers vous. je ne dis pas que Minrathie ne grouille pas d'anonymes dédaigneux des êtres aux oreilles pointues, mais au moins l'essentiel se retrouve au cœur des bals. Alors j'erre à travers les étalages, faisant mine d'y chercher quelque chose pour trois fois rien même si, en vérité, je cherche avant tout à voir si tout se passait pour le mieux. Si l'on ne conspirait ni contre l'Archonte, ni contre Marianis. une nation maintenue par l'ordre pour le meilleur et pour le pire. Et puis, soudainement, je suis arrêté. Je relève la tête, détaillant un instant ce nouveau visage et cette voix qui m'interpelle avant de finalement me rendre compte de la personnalité. Une demoiselle tout aussi asservie que ma petite personne, elle, enchaînée à la famille Tilani. Une dynastie que je ne connais que de nom et auquel je ne me suis jamais réellement intéressé lorsque je su que ces derniers avaient tendance à fréquenter Nero, mon ancien bourreau. D'ailleurs, retrouver Caelia me pousse souvent à être sur les gardes, comme si le Magister pouvait resurgir à tout instant, derrière des buissons, comme durant notre toute première rencontre. Mais récemment, je compris que je pouvais cependant lui faire confiance. Qu'entre esclaves, nous nous devons d'être un soutient dans cet univers dangereux. Et c'est sur cette idée que je décidais d'agir lorsque je vis un homme chercher à dérober la demoiselle, sans même avoir eu le temps de lui répondre. Je bondis sur le bandit, tel un prédateur sur sa proie avant de lancer un sort maladroit de feu en direction de son visage, hurlant soudainement. ≪ - Ce n'est pas à toi ! Rends-lui ce que tu as pris ! ≫. Cette situation attire rapidement les regards, mais je n'ai que faire de la réputation que je peux me construire. Je pense agir correctement. Qui sait, peut-être que ses propriétaires me remercieront pour ce geste héroïque ? Tant que cela ne m'attire pas des ennuis, c'est tout ce qui compte. Il y a bien longtemps que je n'attends plus des libéralités pour une bonne action.

Sur le coup, j'ai peur de ce qui pourrait m'arriver. Le voleur est en tord, et mon action pourrait être considéré comme un acte de docilité semblable à un chien de garde, mais pas totalement. En réalité, je ne savais pas vraiment. La culture tévintide me dépassait toujours et jusqu'à présent, j'avais la sensation que tout ce que j'entreprenais était, de toute manière, vouée à l'échec. J'aurais pu alors tout aussi bien faire semblant et laisser croire que je n'avais rien vu. Mais j'avais pensé à Caelia et ce qu'il lui arriverait si elle venait à rentrer chez elle sans sa bourse. On l'aurait probablement puni pour cela. Je ne voyais les choses se passer autrement. Nous nous devons d'être des créatures aux attitudes parfaites et irréprochables. Un pas de travers et l'on risquait la mort si ce n'est la torture. Puis quand on sait ce qu'est capable Nero, je me disais que les Tilani devaient être pareils. Aussi, fort heureusement, l'homme finit par abandonner son butin avant de prendre la fuite lorsque je finis par le relâcher. Je me dis qu'il aurait très bien pu se débattre ou répliquer, mais les flammes l'avaient poussé à s'y résigner. Tant mieux. Alors, Caelia ramasse son bien avant de me remercier et de me conseiller de déguerpir à notre tour. Je regarde alors les alentours et je finis par comprendre. Nous sommes observés, et pas forcément en bien. Pour une fois, j'aimerais laisser croire que je m'en fiche, mais je suis en mission. Et si Marianis apprend que je me suis fait remarquer au lieu d'être discret, cela pourrait également mal se passer pour moi aussi. ≪ - De rien, c'est normal. D'accord, je te suis. ≫. Je la laisse alors me tirer par le poignet quand j'évite royalement le regard des autres Tévintides avant d'être arrêté plus loin de la scène d'action, tandis que Caelia reprend une nouvelle fois la parole pour me remercier. J'ose pousser un petit rire. ≪ - Tu sais, c'est normal. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive des ennuis à cause de quelques bandits qui n'ont rien à faire de leur vie en rendant celle des autres plus difficile. ≫. Déjà que la nôtre n'avait rien à envier. Qu'il fallait supporter l'humiliation quotidienne d'être considéré comme des biens ou des êtres inférieurs. Mais ça, tout le monde en a rien à faire. Et encore plus les voleurs qui pourraient justement considérer comme des proies faciles. Pourtant, nous restons des mages, un danger.

Alors que nous nous éloignons de la scène d'action, Caelia se rassure et tente d'en faire de même en ce qui me concerne ; m'expliquant que jamais ses propriétaires ne l'auraient puni pour cela, que c'était avant tout par sentiment de culpabilité que cela l'aurait d'avantage gêné. Je hausse légèrement les sourcils, quelque peu surpris, mais je finis par me raviser ne sachant dire ce que Marianis aurait fait si j'aurais également perdu de l'argent par inadvertance. D'un côté, cela n'aurait point été réellement de ma faute et peut-être aurait-elle condamnée le véritable coupable, mais tout de même... N'avais-je pas déjà une dette envers elle, alors qu'elle m'avait tiré des griffes de Nero ? Sans doute me serais-je sentis tout aussi bête, oui. Bête d'avoir été un fardeau pour l'immaculée en ayant guère surveillé les alentours convenablement. Mais fort heureusement, je ne m'étais point rendu sur le marché pour faire des achats. Aussi avais-je moins de chance d'être la proie de quelques malfrats.

Pourtant, Caelia rétorque qu'elle ne s'attendait pas aussi à en rencontrer. Je me retiens de lâcher un petit rire avant de répondre à mon tour. ≪ - Cette terre est remplie de monstres, pourtant. ≫ crachais-je presque méchamment, évoquant les tévintides comme des ennemis. À vrai dire, je m'étais fait une raison concernant la personnalité de la populace. Pour moi, il ne pouvait y avoir une quelconque âme pleinement charitable quand on accepte la mise en place de l'esclavage au sein d'une nation. Pour moi, cette idée était tout bonnement inconcevable ; tout comme le mépris que l'on pouvait lire dans les prunelles de quelques personnalités libres lorsqu'elles daignaient à se poser sur nous. Les chaînes ne devaient avoir aucune signification. Nous ne méritions pas un tel traitement. C'est alors que Caelia fait la remarque sur mon attitude qui prouve certainement cette manie d'être aussi prévenant lorsqu'il est question de surveiller les alentours. Je serais habitué à cela. La réalité, c'est que ma mission d'aujourd'hui consistait justement à être sur mes gardes et, fort heureusement, elle n'a pas eu conscience de cela... Mais d'un côté, elle n'avait pas tord. Si Tévinter était un milieu propice à la pègre pour se déployer, ce n'est pas seulement en arrivant ici que j'en avais reçu les frais. Aussi, je répliquais. ≪ - Quand j'existais dans les bascloîtres, jadis, il valait mieux pour moi de ne pas rentrer trop tard... Et en tant que voyageur solitaire, certaines personnes ont cru juste de s'attaquer à moi... Sans parler de tout le reste. ≫. Oui, avec un destin comme le mien, on comprenait rapidement à quel point la vie est injuste ; elle nous fait de cadeau. Et Andrasté non plus, d'ailleurs.

caelia ne semble pas tout saisir. comme une enfant en pleine découverte du monde. un instant, je reste silencieux, ne sachant s'il ne vaut mieux pas la préserver alors qu'elle a eu la chance de ne pas être désillusionnée ou s'il ne vaut mieux pas la prévenir du danger qui pourrait la guetter. aussi, je préfère la prévenir sur la seconde option. car, à vrai dire, j'aurais aimé être prévenu de ce qui allait m'arriver avant que cela ne me tombe dessus comme une fatalité. ainsi, je commence par lui parler des bascloîtres, sourcils froncés. ≪ - c'est... le quartier où les elfes vivaient parqués... à dire comme cela, ça paraissait terrible et injuste. et ça l'est... mais au moins, j'étais presque libre de mes choix, là-bas. ≫. "presque" car il ne fallait pas traîner dans le quartier des humains la nuit si l'on ne voulait pas d'ennuis. que si l'esclavage n'existait pas à Orlaïs, il y avait malgré tout des inégalités. Les chaînes n'étaient pas matérialisées mais elles restaient là malgré tout. Invisibles et tenaces. ≪ - quant à "tout le reste", je veux parler de mon ancien propriétaire qui n'était point tendre avec moi... ≫ finissais-je en la fixant d'un petit regard et d'un petit sourire triste. Cette fois-ci, je préférais rester bien plus flou que mon argumentation précédente. Tout simplement parce que je n'en voyais en rien l'intérêt de détailler les sévices que j'avais pu subir par le passé. Que j'en avais tout simplement pas envie même si j'étais prêt à me montrer un peu plus précis si elle décidait de se montrer bien plus curieuse encore. au moins pour avoir une image de ce qui pouvait l'attendre si ses propriétaires actuels décidaient de la revendre, la jugeant soudainement inutile. mais sincèrement, j'espérais pour elle à ce qu'elle ne fasse jamais l'expérience d'un tel maître. elle ne méritait pas cela. personne. pas même moi.

Elle me regarde tristement lorsque j'évoque les bascloîtres mais elle se montre d'avantage curieuse lorsque j'évoque mon ancien maître ; Nero. Malheureusement. Il est vrai que je ne voulais détailler plus encore ce qui m'était arrivé. Je ne voulais pas ressasser le passé. Je voulais tout bonnement oublier. Faire comme si cette partie de ma vie ne serait que des chimères pleinement inventées par mon esprit. Mais comment fermer les yeux aussi aisément ? Impossible. J'avais cru que je saurais rester droit face à lui ; qu'il ne saurait me dompter tel un animal. Qu'importe les coups et même s'il faut passer par le trépas pour décider de mon propre destin. Car je savais ce que ça faisait que d'être libre. Et pourtant, il avait réussi à me prouver le contraire. Plus que blessé ; il avait marqué mon âme au fer rouge. Peu à peu, j'avais fini par céder et à courber docilement l'échine, oubliant la sensation de l'indépendance pour mieux correspondre à l'image tant désiré de l'animal de compagnie docile. Peut-être aurais-je fini par le vénérer et omettre l'idée de toute rébellion si seulement Marianis ne serait pas arrivée à temps. Ainsi, je me relève aujourd'hui, mais je ne reste pas moins imprégné par le passage de sa violence, ma peau de ma porcelaine meurtrie et l'esprit à demi-assiégée. Je tente de rester droit, mais plus aucune fierté n'habite mon essence. J'avais le sentiment d'être devenue une bête immonde, sale et inutile. Un pauvre petit insecte sans défense... "Blessé" était donc un bien petit mot pour décrire comment je me sentais désormais. ≪ - Oui, il m'a... détruit à jamais... Je... Décrire tout ce qu'il a pu me faire serait bien trop long... Mais, dans tout les cas, je peux te dire qu'il n'hésitait pas à user tout les moyens possibles pour me faire du mal. ≫ fis-je dans un premier temps. ≪ - J'ai compris à quel point je pouvais être vulnérable... ≫ terminais-je, finalement. Rien. Je n'étais rien. Du moins, c'est ainsi comment j'étais représenté aux yeux des Altus. Que je ne pouvais rien faire d'autre pour améliorer la situation ; seulement accepter pleinement ce nouveau destin qui s'offrait à moi ; loin du Grand Jeu d'Orlaïs où je croyais y garder une place. Désormais, cela résonnait comme un lointain souvenir.

Réminiscences dans lesquels j'allais probablement y plonger par nostalgie jusqu'à ce que je sois interpellé par les paroles de Caelia. Ce ne sont pas des maîtres qui lui ont fait du mal ? ≪ - Ah oui ? À cause de qui donc ? ≫ questionnais-je naturellement. Pour moi, il n'y avait que des Tévintides pour s'en prendre à vous. Des gens malhonnêtes qui vous obtiennent contre une certaine d'argent. Je ne voyais pas les choses autrement, mais sans doute me trompais-je certainement. Peu importe, je balaye mes pensées d'un revers de la main pour me concentrer à nouveau sur la jeune femme lorsqu'elle avoue devoir revenir sur le marché pour continuer ses achats. Aussi, je réponds ≪ - Je pense rien n'acheter, mais on peut bien évidemment y retourner... Et s'il y a un problème, je suis là. ≫ fis-je afin de la rassurer.