Autumn race ▬ FB [Sarren]

Autumn race

Sarren & Fëanor

« No one is ever ready for anything. I would never doom you to that. What sort of adventureless life would that be ? »

Quand il pense au lendemain, une infinité d'émotions en totale contradiction se bousculent, lui serrant le coeur. C'est décidé, il part demain, à l'aurore. Ou même un peu avant, histoire d'être sûr que personne ne le surprenne. Quitter son clan n'est pas une décision facile à prendre pour un dalatien.
Fëanor est excité de ces nouvelles perspectives qui s'ouvriront enfin à lui, mais il également peur. Pour la première fois de sa vie, il sera seul. Vraiment seul. Oh, il ne doute pas de ses capacités à survivre et s'orienter en pleine nature, on l'a bien éduqué, mais l'inconnu l'angoisse un peu. Ses parents lui manqueront, aussi. Ses amis, bien sûr. Deux tout particulièrement. Fenara et Fensas, avec lesquels il a grandi et qu'il considère comme des membres de sa famille à part entière.
Un nouveau soupir passe le seuil de ses lèvres tandis que Fëanor se saisit d'une cape de voyage supplémentaire pour la fourrer dans son sac. Après tout, on ne sait jamais, et on ne peut pas en avoir trop, de ces choses-là. Rapidement, il revoit l'inventaire de ce qu'il emporte. Ce n'est que le strict nécessaire, mais ça lui sera bien suffisant. Pour ce qui est des vivres, il a pris quelques petites choses qui se conservent sur le long terme, comme de la viande séchée ou des fruits secs, mais il compte surtout les réserver pour les coups durs. Pour manger, l'elfe table plus sur ses connaissances des plantes comestibles et ses talents de chasseur amateur. Ou bien il pourra toujours troquer ses services de mage contre un repas, aussi. Les possibilités ne manquent pas.

Une fois son paquetage terminé, Fëanor le cache soigneusement dans un coin. Il n'y retouchera pas jusqu'au lendemain, afin de ne pas attirer les soupçons. Dans le ciel, le soleil commence doucement à décliner, teintant les feuilles déjà colorées par l'automne de nuances mordorées que Fëanor trouve proprement magnifique. C'est sa saison préférée entre autres pour ces raisons.
C'est bien décidé à profiter de ses dernières heures au sein du clan de la meilleure façon qui soit que l'elfe part à la recherche de Fensas, qu'il ne tarde pas à trouver dans un coin du campement. Avec un grand sourire, Fëanor se glisse silencieusement dans son dos pour quasi littéralement lui sauter dessus en lui ébouriffant les cheveux.

- Alors, on baille aux corneilles ? Quitte à ne rien faire, tu viens faire une petite course dans les arbres avec moi ? A moins que tu n'aies peur de te faire battre à plate couture, évidemment.

Feindre que rien ne change de d'habitude est plus dur qu'il ne l'aurait cru. Mais il fait bonne figure, pourtant. Il n'a pas le choix.

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« A friend is someone who gives you total freedom to be yourself. »

C'est une journée plutôt tranquille pour Fensas qui après avoir accompagné les chasseurs du clan pour une petite ronde, s'est retrouvé libre de vaguer à ses occupations. Tant mieux d'un côté, ça lui change de celles où il n'a au contraire pas une minute à lui... Mais c'est déséquilibré. Complètement. Pourquoi est-ce quand il s'ennuie que les activités manquent et que tout le monde est occupé ? Comme Fenara avec Josifen, ou Fëanor qu'il n'a pas encore vu d'ailleurs. Ce manque d'action l'appelle à être moins énergique, s'installant sur un tronc d'arbre avec une vue imprenable sur certaines têtes du clan qui s'entraînent. Oh, il pourrait se joindre à eux mais lui est mage, ce n'est pas le même entraînement qu'il lui faut. Puis ainsi installé, il commence à avoir envie de somnoler ; une petite sieste peut-être ? Fensas y songe, tout comme il songe qu'il serait bien mieux niché au sommet d'un arbre...

Au même instant, plongé dans ses pensées, il sursaute à l'apparition de Fëanor dans son dos. Ah, le malin ! Néanmoins c'est un sourire qui accueille son camarade plutôt que des reproches, malgré la surprise. Même si depuis le temps, l'elfe devrait être habitué. « Tu arrives pile au bon moment, quand je pensais plutôt somnoler au sommet d'un arbre. Cela dit une course me plairait tout autant... Et tu vas voir ce que tu vas voir, non mais. » Aussitôt redressé il attrape à son tour la crinière de son ami pour lui rendre la monnaie de sa pièce et ainsi l'ébouriffer. Fëanor est petit comme lui. Enfin presque comme lui, étant donné que ce bougre le dépasse de deux misérables centimètres et n'hésite pas à le lui rappeler à l'occasion. C'est plutôt vexant pour Fensas qui fait une fixette, ou plutôt un complexe sur sa taille. Et comme celui-ci est autant fan des hauteurs qu'il l'est, ces compétitions lui laissent au moins l'opportunité de prendre sa revanche - amicale, en un sens.

Seul bémol : Fensas est mou, épuisé sans l'être, faute d'avoir baillé aux corneilles. Il va falloir qu'il s'active avant que la course commence. « On file au même point de départ que l'autre fois ? » Déjà il trottine sans attendre Fëanor jusqu'à leur coin fétiche où Fenara les retrouvera très probablement plus tard, s'ils traînent. C'est un peu un échauffement qu'il fait là, il se réveille, se secoue les puces et tant pis si son ami se moque un peu de lui. Le pire c'est quand un dernier bâillement s'échappe à peine en bas du fameux arbre qui servira de point de départ. « Non, tu n'as rien vu, rien entendu. Ça ne m'empêchera pas de gagner. » L'elfe ajoute un sourire taquin à ses paroles. Même si son cerveau était programmé pour une petite sieste, il a bien envie de gagner. Et puis n'est-ce pas lui qui se plaignait du manque d'activité ? Là, le voici servi.

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Le temps se prête à une course dans les hauteurs, et Fëanor sait qu'il ne le regrettera pas. Ces jeux ont toujours été très distrayants, ont toujours eu le don d'égayer son humeur, même lorsqu'il était au plus bas. Ou tout simplement trop ronchon pour être fréquentable. Car c'est qu'il a son caractère, le petit elfe. Sûrement ce même caractère qui le pousse à prendre le large, d'ailleurs. Tout ce qu'il espère, c'est qu'il n'aura pas à le regretter. Bah, la vie est faite de rencontres, il finirait par croiser des personnes qui lui correspondront, et lui donneront une raison de continuer à mettre un pied devant l'autre. Cela, il en est persuadé.

Avec un sourire amusé, le cadet des deux voit son aîné partir en trottinant, et le suit sans se presser jusqu'au point de départ de leur course. Là, il croise les bras tout en riant de bon coeur, la mine on ne peut plus espiègle.

- Tu as l'air aussi éveillé qu'une marmotte en plein hiver. Regardes-toi bâiller ; tu veux aller faire une sieste, plutôt ? Que c'est triste, seulement un an de plus que moi, et pourtant la vieillesse te menace déjà ! Déclares forfait avant que je ne t'écrase. Il hausse cependant une épaule, poursuivant son laïus. Mais si tu y tiens, je te propose qu'on fasse le parcours habituel. Je suppose que ça te convient ? Laissant son ami se mettre en place à côté de lui, Fëanor se tient prêt à détaler, plus motivé que jamais à gagner, commence le décompte... Et s'élance pour grimper aux branches de leur point de départ sitôt après avoir donné le top. Il en est persuadé, cette fois-ci ce sera lui qui gagnera.

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Bon, ce n'est pas malin d'être ainsi emporté dans un énième bâillement. C'est une faiblesse qu'il dévoile avant même que la course ne démarre mais qui sans étonnement, amuse son ami - et fatalement lui aussi. Heureusement que Fensas est accoutumé à son caractère et ne se vexe pas pour si peu, rigolant plutôt de bon cœur non sans un certain esprit de compétition. Il aimerait vraiment gagner pour narguer un peu Fëanor ; et se venger gentiment. « Allons, ne t'en fais pas pour moi, je ferais la sieste pour t'attendre une fois que j'aurais atteint la ligne d'arrivée. En revanche si tu continues de trop parler, tu risques de ne plus avoir de souffle pour la course. » Sourire taquin en coin, il étouffe à temps un dernier bâillement et s'amène sur la lignée de départ, comme ils ont convenu du parcours. Habituel, avec peu de risque de perdre. L'elfe est en parfaite connaissance du terrain tout comme son compagnon : ce sera la rapidité et l'agilité de chacun qui fera la différence.

Quand le décompte s'achève, Fensas démarre du mieux qu'il en est capable. Peut-être pas en trombe à la manière de Feänor mais il ne perd pas une minute et grimpe en s'aidant des branches voisines. Se hisser ainsi après sa somnolence est plus difficile qu'il ne le pensait, ses muscles doivent le maudire ; si ce n'est pas non plus à froid, ce n'en est pas loin. Il a l'impression d'être moins souple qu'en temps normal et compense avec sa mémoire de la trajectoire. Filer de branches en branches avec la possibilité de tomber sur une plus fragile que ses consœurs. Ce qui lui arrive malheureusement. Le bon côté, c'est qu'il se rattrape à temps pour continuer, la coupable chutant à terre plus bas. Intérieurement c'est un "ouf" qui résonne, vérifiant que son ami n'en a pas profité pour filer plus vite que le vent.

C'est que le bougre est... plus en avance. Fensas ignore les quelques courbatures - signe que ses muscles râlent, il peut aisément passer outre, et se concentre plutôt sur la dernière ligne droite. Bercé par une nouvelle énergie, un élan qui le propulse ; il espère que celui-ci sera suffisant pour le rattraper jusqu'à temps. Si non, il n'est pas mauvais perdant, mais ce serait tout de même vexant.

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Les provocations de Fensas, le cadet préfère les ignorer. Ah, il est si persuadé que cela de pouvoir gagner, hein ? Eh bien il lui ferait ravaler ses certitudes ! En ce qui le concerne, Fëanor n'est pas peu fier de ses propres capacités à crapahuter dans les arbres avec la célérité d'un chat sauvage, et compte bien le prouver. Tomber ? Bah, aucun risque ! Il ne tombe plus depuis longtemps, allons. Ce n'est plus un enfant aux prises incertaines, il sait ce qu'il fait.

Aussi, lorsqu'il donne le signal de départ, l'enchanteur ne perd pas la plus infime seconde pour s'élancer en avant et entamer son ascension. Une branche craque derrière lui. Par acquis de conscience et un peu inquiet pour Fensas, il jette rapidement un œil en arrière... Et laisse échapper un soupir soulagé en constatant qu'il va bien et s'accroche toujours. Il ne lui en fait pas plus pour continuer sa folle cavalcade. Une fois à la bonne hauteur, Fëanor commence à passer d'arbre en arbre, bondissant et se réceptionnant avec une aisance quasi féline qu'il tient de son père. Sa mère, elle, a coutume de dire en riant qu'elle est aussi souple qu'un manche à balai. La victoire est toute proche, il la touche presque du doigt... Mais voilà qu'au dernier moment son propre poids lui joue un bien vilain tour. Le bois cède ses pieds, mais heureusement il a le réflexe de sauter pour se saisir de la branche juste au dessus de lui. Pendu à son perchoir comme une chauve-souris qu'on aurait forcée à se tenir droite, il ne peut que grogner en voyant Fensas lui ravir la première place.

- Tsss, c'est pas du jeu. Si j'avais eu plus de chance, j'aurais gagné! T'es aussi vif qu'un cochard, là ! Mauvais perdant, Fëanor maugréé dans sa barbe inexistante tout en se demandant comment il va bien pouvoir descendre de là sans faire une chute vertigineuse vers le sol. Ce n'est pas que ses bras comment à le faire souffrir à force de se cramponner comme cela à sa branche mais... Si.

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Son manque de vigilance est bien heureusement pour lui rattrapé pile à temps, déjà élancé vers une branche plus solide quand la coupable chute au sol sans l'avoir emporté. Fensas remarque d'ailleurs que Fëanor, alerté par le bruit, s'est retourné pour s'assurer de son état. Si il ne le montre pas excessivement vu de l'extérieur, faute à sa concentration pour rattraper son retard, cette attention le touche énormément ; surtout connaissant l'envie de gagner de son ami. L'elfe lui décoche tout de même un petit sourire avant de se rendre compte que la victoire risque de lui passer à ras du nez... Ou pas.

Coup de chance ou manque d'attention de son comparse, celui-ci se retrouve bien bêta quand une vilaine branche lui joue le même tour que pour lui quelques instants plus tôt. Fensas profite qu'il soit perché pour le dépasser et parvenir à la lignée d'arrivée, non sans protestations du malheureux. « Ah si, c'est le jeu ! » Clame-il finalement avec un sourire taquin, bien heureux d'avoir remporté cette manche malgré son état moindre comparé à d'autres fois. Il est vrai que sans cet accident de dernière minute, son ami aurait été l'heureux vainqueur. Enfin, c'est le jeu et si les rôles avaient été inversés, il aurait accepté sa défaite... Quoi qu'avec un minimum d'amertume. Sans être un mauvais perdant à la manière de Fëanor, c'est une réaction normale.

Maintenant que la course est terminée, Fensas saute quelques branches en arrière pour revenir à sa hauteur. Il ne va tout de même pas le laisser dans cette position sans lui venir en aide, quand bien même l'instant est magique. « Allez Lethallin, ne fais pas ta tête de cochard, je vais t'aider à descendre de là. » Avant de lui tendre une main à laquelle s'accrocher, il s'assure que ses prises à l'arbre sont bonnes pour ne pas être emporté vers le sol. Dans ce cas de figure, pour sur, ils seraient deux à avoir l'air con. Heureusement son semblable n'est pas un poids lourd - ni un poids léger, techniquement, mais rien de terrible.

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Agrippé à sa branche, Fëanor fulmine d'avoir été battu à cause d'un coup de malchance. Comment est-ce que quelque chose de si bête a pu se produire ? Lui qui est d'ordinaire si prudent quant aux appuis qu'il prend lorsqu'il gambade en hauteur, cette erreur aurait pu lui coûter cher. Plus cher qu'une simple défaite face à son ami de toujours. Le mécontentement passé, il réalise que le sol est dangereusement éloigné de ses pieds et il commence à s'en inquiéter. D'autant plus que son perchoir ne paraît pas plus solide que cela, à en juger par les craquements presque inaudibles qui lui parviennent.
C'est donc avec soulagement que le cadet attrape la main tendue et profite de l'aide de Fensas pour rejoindre des branchages plus sûrs. Un soupir satisfait lui échappe alors qu'il s'assoit sur l'un d'eux, le dos contre le tronc de l'arbre qui constituait la ligne d'arrivée quelques minutes à peine auparavant.

- D'accord, t'as gagné. On va dire que c'est de bonne guerre pour toutes les fois où c'est ta poisse légendaire qui a interféré dans nos petites compétitions. Fëanor retient une moue un peu plus maussade en songeant que ce sera aussi une sorte de cadeau d'adieu. Est-il content que sa dernière course s'achève sur une défaite ? Il ne saurait pas le dire. Pendant un instant fugace, il s'interroge sur le sens de cet échec. Si c'était un signe ? S'il devait renoncer ? … Non. Sa décision est prise. Demain, il part. A lui de faire illusion jusque là. Eh, tu crois qu'on pourrait aller piquer de quoi grignoter un peu ? Je commence à avoir faim.

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Fensas n'a perdu ni son agilité, ni sa force afin de rapatrier son ami en sûreté sur des branchages solides. Il reprend place à proximité et se cale le mieux possible pour ne pas faire un saut de l'ange imprévu tout en espérant que ce dernier ne le boudera pas trop longtemps. Visiblement non, comme il accepte sa victoire. Naturellement l'elfe vainqueur lui envoie un doux sourire - quoi qu'un peu vexé à sa poisse évoquée. Pour autant il ne lui en porte pas rigueur, il le connaît depuis le temps. Mais il remarque également son égarement qui l'interpelle assez pour qu'il ouvre la bouche. « Tu as l'air bien pensif. J'espère que ce n'est pas cette défaite qui te tracasse, hein. » Sa paluche vient amicalement se nicher sur l'épaule du jeune avant que celui-ci ne lui rappelle un besoin vital. C'est que lui aussi commence à avoir faim, en fait.

« Moi aussi. Allons-y. » Fensas prend tout de même le temps de s'étirer un peu puis redescend sans fanfare après cette course plutôt énergique. Il vérifie que Fëanor ne reste pas bloqué non plus puis marche à ses côtés pour retourner avec leurs semblables Halveri. En route, son estomac rumine un peu mais cela ne l'empêche pas de converser. « Si tu veux, demain nous ferons une nouvelle course pour que tu prennes ta revanche. On pourrait même changer de parcours. » Très enthousiasme, probablement grâce à sa victoire, il espère aussi arracher un rictus à son ami qui lui semble bien maussade si ce n'est sombre depuis quelques minutes. Ou peut-être se fait-il des idées ? Peut-être est-ce la faim ? En tout cas, il est normal qu'il s'inquiète. Il songe aussi à Fenara qui n'a malheureusement pas été témoin de cette belle course d'aujourd'hui ; mais sans surprise l'elfe lui en touchera plus que deux mots.

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Plus les heures passent, et plus l'excitation de l'inconnu se mêle à l'angoisse et la tristesse de se retrouver séparer des siens. Fëanor est déterminé, oui, mais il a peur aussi. Être seul est probablement ce qui l'effraie le plus dans ce qui l'attend. Cela mais aussi le fait de ne pas savoir précisément où il ira. Se laisser porter par ses envies, c'est bien beau, mais où est-ce que cela finira par le mener ? Il n'en a encore aucune idée. Tout ce dont il est sûr, c'est qu'il évitera Tevinter à tout prix. Comme tout elfe sensé.
Avec un sourire, le jeune mage reporte son regard sur le visage de son ami et pouffe un peu en entendant son ventre grogner. Il s'étire de tout son long tout en marchant, adoptant une expression plus ouverte et joviale. Donner le change est plus important que jamais à cet instant.

- Bien sûr qu'on recommence demain. Et tu verras, cette fois-ci je vais gagner ! Je vais pas rester sur une défaite, qu'est-ce que tu crois. Ces mots lui font bien plus mal qu'il ne l'aurait cru. Demain, il aura disparu. Et pour la première fois, d'angoissantes pensées lui traversent l'esprit. Si Fensas et Fenara se mettaient à le détester ? S'ils voulaient le rayer de leur mémoire, faire comme s'il n'avait jamais existé ? Cette perspective l'effraie. Malgré tout, l'enchanteur doit faire comme si de rien n'était. Tout ce qu'il peut espérer, c'est que ses proches ne souffriront pas trop et ne lui en voudront pas de son absence aussi subite qu'inattendue.

- Eh, tu veux manger quoi ? Je vais utiliser mes talents d'illusionniste pour qu'on puisse prendre ce qu'on aura envie. Vas-y, passe commande, je vais aller attraper ça. Il adresse à Fensas un léger rictus espiègle, un peu comme une provocation. Qu'il lui demande n'importe quoi, il le lui rapporterait.

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Interloqué par le comportement de son ami plus que par son ventre qui grogne, finalement, il réalise bientôt que ce n'était probablement qu'une fausse alerte. Très vite Fëanor retourne dans un état plus habituel et Sarren pouffe gentiment à sa réflexion. Il est content que sa proposition ait fait mouche. Cela le rassure également, en un sens. « Imagine si je gagne encore, il ne faut pas que Fenara rate ça ! » Ce qui serait aussi très ridicule si il après avoir conté sa victoire à cette dernière, il terminait sur les rotules le lendemain lors de la revanche et ce sous son nez. Mais plus sérieusement, l'avoir emporté aujourd'hui lui suffit déjà amplement : voilà ce qu'il pense pour l'heure alors que demain son esprit de compétition ne sera peut-être pas du même avis.

Une nouvelle fois son ventre le rappelle à l'ordre dans un grognement distinct. L'elfe zieute en sa direction avant que ne résonne la provocation aguicheuse de son camarade. Sans surprise il mord à l'hameçon mais qui ne le ferait pas, surtout avec la faim ? Cependant, si il n'écoutait que son estomac, il lui demanderait une nourriture sûre qu'il sait présente afin de le remplir au plus vite. D'un autre côté l'envie de lui donner un défi de taille n'est pas moindre et au pire, ça ne le ferait attendre que quelques minutes de plus. « Voyons voir... Des pommes, du lait de Hahl et... la réserve personnelle de Fellen. Surprends moi ou plutôt mon ventre en moins de cinq minutes. » Il lui renvoie un rictus joueur notamment en raison de cette réserve personnelle évoquée, ce qui ne sera pas une mince affaire s'il en chipe même juste une maigre partie. Sans oublier cette contrainte de temps intégrée - tant est que Fëanor décide de la respecter.

Fellen est un ancien du clan installé à l'écart des autres Aravels. Vieil elfe râleur avec la majorité et plus encore les jeunots, il est encore très en forme pour son âge. Il met également beaucoup de côté dans cette fameuse réserve convoitée par les petits curieux qu'il ne laisse pas approcher. Les mioches, ça l'agace. Sarren se remémore encore avoir crapahuté à proximité dans sa jeunesse et avoir été aussi sec renvoyé dans les pattes de l'Archiviste. Comme il rôde souvent dans le coin, ce n'est pas une mince affaire d'attirer son attention autre part ou de passer dans son dos sans se faire remarquer. Certains clament d'ailleurs qu'il aurait des yeux dans le dos.

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Un défi n'a jamais fait reculer Fëanor. Depuis qu'il sait marcher ses parents n'ont eu de cesse de devoir lui courir après pour lui éviter de se retrouver la tête la première dans les ennuis. Ce qui ne l'a ceci dit pas empêché de tomber dans la rivière, se prendre un arbre en plein visage, marcher une ruche tombée au sol, provoquer la colère d'une mère hahl en marchant par inadvertance sur la jambe de son petit, ou bien encore d'atterrir on ne sait trop comment dans un panier de linge sale. La témérité est sans doute l'un de ses traits de caractère les plus marqués. Alors quand on lui propose de mettre à l'épreuve ses capacités, il ne refuserait pour rien au monde.
Le cadet croise les bras, une lueur déterminée embrasant ses iris sombres, un sourire mutin collé sur le visage.

- Je pensais pas vraiment à ce genre de choses, mais si c'est ce que tu veux... D'accord, je vais te ramener ça. En cinq minutes, tu dis ? Hm, ça devrait être possible... Attends-moi près du ruisseau, je t'y rejoins dès que possible. Dans cinq minutes, si tout va bien ! Ni une ni deux le voilà qui s'élance déjà vers son objectif. A vrai dire il a déjà sa petite idée sur la façon de procéder, mais il va devoir ruser et surtout se concentrer comme jamais pour parvenir à mener bien son plan.

Accroupi dans les fourrés, Fëanor observe le vieil elfe qui semble occupé à tailler une flèche, assis sur un petit tabouret. Bien sûr, il pourrait faire une diversion. Le souci est que ce serait se trahir immédiatement. Fellen n'est pas né de la dernière pluie et saurait qu'on essaie de l'éloigner de son aravel. Mauvaise idée, donc. Par chance, ce n'est pas la stratégie que le jeune dalatien a décidé d'adopter.
N'ayant guère le temps d'attendre davantage, le mage rassemble son énergie pour lancer un sort tout nouvellement maîtrisé ; correctement utilisé, il permet de créer une illusion derrière laquelle se dissimuler. Comme si on se fondait dans le décor. Sûr de lui, il quitte l'abri des buissons pour se glisser silencieusement vers ce qu'il a plus tôt identifié comme la fameuse réserve. Mais à l'instant où il tend la main pour commencer à fouiner, voilà qu'il ressent une vive douleur à l'oreille gauche. Et pour cause, Fellen la lui tire tout en lui aboyant vivement dessus.

- Dis donc espèce de petit voyou, tu te crois tout permis ? L'Archiviste ne t'apprend pas la magie pour que tu viennes voler tes aînés ! Où est ton respect des anciens ? Tu devrais avoir honte, chenapan ! Sale gosse !
Pour sa part, Fëanor se contorsionne légèrement pour essayer de lui faire lâcher prise, grognant et geignant à moitié en même temps que son humeur oscille entre la colère et l'envie de filer derechef se réfugier dans le giron de son père -qui contrairement à sa mère bien plus autoritaire lui passera à coup sûr cette tentative de larcin bien maladroite. Et cesse de chouiner comme un chiot, je ne vais pas t'arracher l'oreille non plus, crétin. Allez, file de là, et que je ne t'y reprenne plus !

Aussitôt libéré, le jeune mage détale plus vite que son ombre en direction du plus gros du campement. Sa fierté sérieusement bafouée, il se frotte l'oreille et maugréé qu'on ne l'y reprendra plus. Rapidement, il rassemble le reste de ce que Fensas lui a demandé, attrapant au passage de quoi grignoter pour lui aussi, puis file le rejoindre. La moue boudeuse, l'esgourde encore rouge vif, il se laisse tomber dans l'herbe tendre de la berge avec un profond soupir.

- Bon, c'est raté. Pourtant je suis persuadé que j'ai lancé mon sort correctement... Je comprends pas. Enfin bon, tu as de quoi manger quand même, donc tu vas pas râler, hein. Et puis si tu n'es pas content, tu n'as qu'à aller chercher ça toi-même, tiens ! Je suis curieux de voir comment tu t'y prendrais. Et je doute que ton regard de chien battu marcherait avec lui. Ah ça, Fensas est doué pour amadouer les gens, mais avec ce vieux dalatien-là, c'est une partie perdue d'avance. Laissant échapper un nouveau soupir, il s'allonge à-même le sol pour observer les nuages avancer paresseusement dans le ciel, prenant le temps de savourer ces instants de tranquillité qu'il sait être les derniers. Dans quelques temps, il se pourrait que même les remontrances de Fellen lui manquent.

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Pas le temps d'en dire plus que son compère s'élance déjà sous les prunelles impatientes de Fensas qui pour l'heure, file en direction du ruisseau. Celui-ci se situe à quelques mètres à peine et une fois arrivé, il se niche contre un gros rocher. Plus qu'à attendre mais aussi à prendre son mal en patience... Son estomac lui rappelle une fois encore qu'il a besoin de nourriture en s'égosillant depuis l'intérieur. Oui, oui, ça arrive. Ce n'est pas tout de titiller Fëanor, il espère que celui-ci s'en sortira sans trop de mal. Peu importe ce qu'il prévoie, Fellen n'est pas né de la dernière pluie et peu osent désormais tenter de piocher dans sa réserve. Personnellement, il se demande s'il se risquerait comme quand il était plus jeune. Quelques souvenirs lui reviennent en tête, songeur, s'allongeant de moitié.

L'elfe retrouve enfin son ami le faciès contrarié mais surtout l'esgourde bien rouge : alors avant même qu'il lui raconte ses mésaventures, il devine que Fellen n'a pas été dupé. C'est un peu sa marque de fabrique au vieux bougre, s'en prendre aux oreilles des petits chenapans qui se croient plus malins. Enfin, tant pis. Fensas est loin de lui en vouloir ni de le blâmer. Pourtant, sans que celui-ci ne puisse en placer une, voilà que le cadet l’agresse presque suite à son échec. Du Fëanor tout craché. Il pioche une des pommes qu'il entame derechef puis juge bon de s'approcher. « Eh... J'ai jamais dis ça ! T'en fais pas, c'est Fellen. Merci pour le reste... » Une bouchée en plus, il s'étonne d'être finalement lui-même asticoté par les réflexions exprimées. En temps normal il essaie de radoucir son semblable et de laisser couler le temps qu'il se calme mais étrangement, en cet instant, il se demande si il ne tenterait pas le coup. Ce qui est bête ; l'ancien doit être à l'affût maintenant. Une fois sa pomme achevée, il se décide tout de même. « Je te promets rien mais je vais essayer... Tu verras que je reviendrais l'oreille aussi rouge que la tienne. Peut-être même avec les deux colorées. » Pour une fois qu'il se jette à l'eau, on ne va pas lui en vouloir. Dans le pire des cas Fensas espère que son plantage apaisera la fierté entachée de Fëanor. Ça l'embête de le voir dans cet état.

Le jeune elfe attrape un second fruit avant de se mettre en route et de réfléchir en même temps à sa tactique d'approche. La magie ? Risqué. Une approche frontale ? Encore plus risqué si ce n'est perdu d'avance. Se faufiler dans son dos ? Fellen a des yeux greffés à son échine. A mesure qu'il s'achemine vers la zone, ses jambes commencent à trembler, son front à s'humidifier en raison du stress. Combien de fois a-t-il été traumatisé par ce vieux bougre... Mais il ne recule pas, quand bien même tout espoir semble s'être envolé. Et pour cause, une fois caché derrière la réserve - dans un angle mort, il s'essaie à une diversion ratée : son trognon de pomme file pile à l'entrée de cette dernière. Fensas ravale immédiatement sa salive, observant l'ancien suspicieux après avoir découvert celui-ci. « Parce qu'en plus tu te payes ma tête maintenant, sale gosse ?! Viens ici, je vais te faire l'autre oreille ! » Visiblement, Fellen pense qu'il s'agit encore de Fëanor et furieux, il fonce en direction des fourrés qu'il inspecte. C'est sa chance. Rêve-il ? Il n'arrive pas à y croire.

Deux secondes plus tard, Fensas pénètre la réserve. Son palpitant cogne si fort contre sa poitrine et la pression est si élevée qu'il reste planté là comme un bêta au moins cinq secondes de plus. Celle d'après, il attrape la première chose qui lui vient sous la main avant de ressortir en trombe en s'imaginant qu'il ne passerait pas une seconde fois discrètement mais en coursant puis en le semant. Mais non. Fellen l'attend à la sortie et lui barre la route, l'air mauvais. Il baisse instinctivement la tête.

Quand Fensas retourne au ruisseau, sans surprise, ses deux oreilles sont colorées et... il se masse l'arrière train. La fessée comme quand il était un jeune bambin galopant autour des Aravels. Une larme coule encore depuis sa prunelle gauche : il n'ose dire qu'il avait enfin mis la main sur le butin avant d'être salement pris la main dans le sac. Quelle honte. « J'aurais dû rester ici à déguster le reste des pommes. Au moins le lait de Hahl me consolera. Ah, j'étais si près du but... »

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