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Enfant unique

donne bébé

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Nero & Aedan

Moi les enfants, j'aime pas tellement

Magisterium, parents qui se méprisent derrière une porte close, grand-père invasif, esclaves torturés, cousine malformée, « tonton » Divin, oui, cela ne faisait aucun doute aux yeux de l’enfant, sa vie était bien rangée. Il y avait des repères, des petites habitudes, on le traitait bien, on ne l’ennuyait pas, il arrivait même qu’on le couvre de cadeaux sans qu’il n’ait eu à forcer son caractère. Car du caractère, le bambin n’en manquait pas, il en était certain. Il aimait se faire respecter, et quand il décidait, les autres enfants n’avaient pas droit au chapitre. Certains adultes se pliaient même à ses caprices, et c’était là la meilleure des friandises. Cet univers était bien confortable et, oh non, ce n’était pas négociable – n’était pas né celui qui viendrait le déranger.

Aedan réalisa brutalement, à la fin d’une matinée réjouissante dans la lugubre nécropole où sa mère officiait, qu’il ne croyait pas si bien dire : la perturbation, le gêneur, l’indésirable faisait d’ores et déjà siège dans le ventre de sa mère. Le fripon, cet ennemi invisible, s’était installé en silence et sans qu’il ne s’en aperçoive, s’invitant chez lui, sans pourtant y avoir été convié. Le toupet !

Et Jezabel, sa douce mère aux longs cheveux noirs, s’était abaissé à son niveau et avec un sourire, avait pris sa main, l’avait posé sur la cachette du coupable. De ses yeux elle l’avait caressé, attendant il ne savait quelle douceur de ses lèvres pincées. Pas question de se réjouir, et puis quoi, encore ? Voilà qu’il atteignait ses dix ans, seul et maître de sa glorieuse destinée, et on lui flanquait dans les pattes un petit, un remplaçant, un secours. Prudents, les parents, cherchant à se prémunir d’un risque d’une catastrophe, d’une « Rhea » incarnée en leur fils. Leur héritier. L’unique ! D’un geste vif il avait ôté ses doigts, comme brûlés par le contact avec ce petit cœur pulsant sous la chair, défiant le sien par son simple battement.

« Je n’en veux pas, de cet enfant-là. Gardez-le dans un coin, je ne veux pas le voir ! » S’était-il alors exclamé à l’adresse de sa mère, et également pour son père, qui lui faisait le déplaisir de son absence. Car si son père avait été là, nul doute qu’il se serait défié de son épouse. Un autre fils ? Une fille ? Mais pour quoi faire Jezabel, nous avons déjà Aedan ! Oui, oui, son père aurait défendu sa place d’héritier et séance tenante, d’un sort bien dosé, l’infamie disparaitrait. Bon vent, bébé !

Il n’avait plus adressé un mot à sa mère, et l’avait ignoré sur le chemin du retour. Offense suprême, il s’était dérobé à ses baisers et ses doigts cajoleurs, ne la gratifiant plus que d’œillades agacées et courroucées. On ne le remplacera pas sans histoire, ça, non ! La chaleur réconfortante du foyer Pavus retrouvée, il avait royalement pris le chemin de sa chambre, le menton haut, les épaules dégagées, comme on le lui avait enseigné. Comme un prince, se retirer dans ses appartements, s’y calfeutrer et fomenter une vengeance. Non, mieux, faire ce que doit faire un Pavus : élaborer un plan, et se débarrasser de l’adversaire, de l’héritier de trop. En voilà, une perspective judicieuse.

Tout à son complot, il n’entendit que tardivement les pas se rapprocher de l’orée de son antre. Serait-ce sa mère, réalisant soudain son erreur, qui viendrait le délivrer de son tourment ? Il sauta au pied de son lit et, par précaution, dissimula dessous l’écrit qu’il consultait avidement : un recueil de sortilèges qui n’avait rien à faire dans les mains d’un enfant, mais qui avait toute sa place dans celles de l’héritier Pavus. L’unique héritier, rappelons-le.

« Maman ? » Nulle mère derrière la porte, mais la silhouette haute, carrée et admirée de son père, qui se dessina dans l’embrasure de la porte. L’enfant se jeta dans ses jambes pour l’embrasser, car dans son univers bien rangé, il n’y avait pas moyen que Nero Pavus laisse passer cette infamie. L’enfant qui n’était pas né, devait disparaître. « Papa, c’est effroyable ce que maman m’a révélé. Tu vas la convaincre, n’est-ce pas ? Il n’est que dans son ventre, mais j’en ai déjà trop entendu parler. »

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