Que reste-t-il de ces beaux jours ? ⚜ feat Jason

Wilhelma & Jason

⚜ Que reste-t-il de ces beaux jours ? ⚜

Que reste-t-il ? Des souvenirs lointains, des familles brisées dont la sienne. Bonheur fané, souffrance lancinante. Volonté inébranlable, désir de liberté. Le passé est loin et enterré, laissé derrière elle à Lothering lors de ce jour fatidique où sa mère est morte. Elle y a tout abandonné, jusqu’à son véritable nom : Hélène. Hélène est morte ce jour-là avec sa mère, piétinée du talon métallique de l’Ordre des Templiers. Hélène n’existe plus, elle appartient au passé. Elle s’est effacée derrière Wilhelma, nouvelle identité destinée à couvrir ses traces. Nouveau visage pour un minois identique, simplement plus hargneux qu’autrefois.
La capitale et les grandes cités ne sont pas une option pour subsister. Depuis sa fuite, elle erre à travers le territoire féreldien, sans nul autre but que celui d’assurer sa survie et sa liberté. Tâche éreintante, attention constante qui la pousse presque à la paranoïa. Toujours jeter un œil derrière elle, toujours se méfier des inconnus qui croisent sa route, les éviter autant que possible. Si la nature lui procure l’essentiel nécessaire à sa survie – nourriture, eau et plantes pour se soigner – il est toutefois des choses que seule la civilisation peut lui procurer. Une nouvelle corde pour son arc notamment.

Trancher, dépecer, tirer la peau. Le doigté est devenu expert dans cette tâche qu’elle répète inlassablement de jour en jour. La fourrure s’entasse, presque de quoi l’assembler en un manteau bien chaud pour l’hiver prochain, quoique les températures du royaume ne plafonnent jamais très haut. Monnaie d’échange pour obtenir une nouvelle corde, peut-être même s’offrir le luxe de dormir dans un lit chaud et de manger autre chose que du lièvre et des baies. Elle se laisse aller à cette éventualité un court instant, avant de trancher. Le risque n’en vaut pas la chandelle. Autant qu’elle s’en tienne au strict minimum dans ses contacts avec la civilisation. Et dormir à la belle étoile n’est pas si mal alors que les températures tendent finalement à s’adoucir à cette époque de l’année. Les fourrures viennent s’entasser sur son paquetage alors qu’elle se relève pour se remettre en route.

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Un petit village, non loin des Dorsales de Givre. Un coin perdu, assurément. Lieu parfait à approcher pour effectuer la transaction qu’elle recherche, malgré l’heure qui commence à se faire tardive alors que le soleil décline lentement. Trouver ce qu’elle cherche ne lui prend que peu de temps, les principaux lieux d’activités du village étant regroupés tous au même endroit. Effectuer la transaction se révèle plus fastidieux, mais son air intransigeant finit par lui donner raison : elle repart avec l’objet de sa présence en ces lieux et même quelques pièces. Son regard s’attarde sur l’auberge devant laquelle elle passe afin de quitter le village et sa détermination flanche légèrement. Aucun signe de poursuivants depuis des jours, et son corps mis à rude épreuve depuis ces derniers mois ne pourrait que la remercier de bénéficier d’une nuit complète de sommeil. La promesse d’une nuit reposante l’emporte et elle franchit la porte de l’auberge. S’attendant à trouver un lieu peu fréquenté de part la localisation du village, c’est avec surprise qu’elle découvre une ribambelle d’hommes attablés un peu partout. Hommes, elfes, et même quelques nains. Tous en armure, reconnaissable entre mille : celle de la Garde des Ombres.

Un mouvement de recul la prend : peut-être aurait-elle mieux fait de quitter le village, quand bien même ce ne sont pas des Templiers. La nervosité s’installe, pourtant elle s’avance malgré tout au comptoir, demande une chambre et un repas à faire monter jusqu’à celle-ci. Son regard méfiant ne peut s’empêcher de parcourir la salle, alors ses yeux buttent sur un visage qui lui semble familier. Jason. Elle a la sensation un instant que le passé l’avale puis l’englouti, sombrant bien des années en arrière. Son regard croise le sien et cet instant lui semble durer mille ans. L’a-t-il reconnu, malgré les années qui ont passé, malgré ses cheveux loin d’être aussi bien coiffés qu’à l’époque ? Brusquement elle se détourne, grimpe les escaliers comme une furie pour gagner sa modeste chambre. La porte claque, et elle se laisse glisser contre celle-ci.

Elle ne s’attendait tellement pas à revoir un visage amical après tout ce temps qu’elle n’a pas su quelle autre réaction adopter que celle-ci.

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QUE RESTE-T-IL DE CES BEAUX JOURS ?

Les jours s'allongent de plus en plus, et c'est une bonne nouvelle pour Jason. Cela signifie qu'ils permettent à l'Agent de l'Ordre d'être plus productif et d'arpenter le sol de sa terre natale plus longtemps chaque jour, à la recherche de nouvelles recrues. C'est d'ailleurs en compagnie d'une poignée de celles-ci qu'il est revenu aux dorsales de givre, il est bientôt temps pour eux de se confronter aux Engeances pour la première fois. Mais pour le moment, ils se sont tous installés dans une auberge après une journée de marche éreintante. Assis à une table de l'auberge, Jax est soulagé de retrouver certains de ses camarades qui n'ont pas le loisir de voyager dans tout Ferelden comme lui, tenus de rester près de l'entrée des Tréfonds. Wiggins rit avec ses amis, écoute les anecdotes ridicules qu'il a pu rater pendant son absence. Il n'y a pas à dire, il n'y a qu'avec la Garde qu'il se sente vraiment à la maison. Son "chez lui" n'est pas vraiment un endroit, mais tous ces individus qui ont tout abandonné pour protéger Thédas, qui connaissent le sens du mot sacrifice. Absorbé dans l'histoire que l'un de ses amis raconte, il n'entend pas la porte s'ouvrir. C'est seulement quand il sent le regard d'une jeune femme rousse sur lui qu'il tourne la tête. Ses prunelles azurées accrochent celles de la chasseuse à l'autre bout de la pièce et il a l'impression que le temps ralentit au moment où il la reconnait. Les souvenirs d'une autre vie pleine d'innocence lui reviennent et l'emmènent des années en arrière. Le charme se rompt soudainement tandis qu'elle se précipite à l'étage. Jason doit tirer une tronche pas possible parce que les autres Gardes ne se gênent pas pour lui faire savoir. « Qu'est-ce qu'il se passe, t'as vu un revenant, Jax? » « On peut dire ça comme ça, oui. » répond-il sans réfléchir. Il se lève, toujours secoué, sous les regards emplis d'incompréhension de ses compagnons. Il donne une légère tape sur l'épaule de son voisin. « Je reviens. » Les questions fusent dans son esprit tandis qu'il se dirige vers le bar. Que fait son amie si loin de Lothering? Cela signifie que les Templiers ont du saisir les mages de la ville pour les emmener dans des Cercles. Il ressent une certaine amertume en pensant à son père qui a bien du prendre son pied. Mais ça veut aussi dire que la jeune mage s'est échappée et par conséquent est désormais une fugitive. Cela expliquerait l'expression horrifiée sur son visage. Il s'approche du tenant du bar et demande dans quelle chambre elle réside. Peut-être qu'il pourra la rassurer et lui faire savoir qu'elle ne risque rien avec lui, il l'espère en tous cas.

Il grimpe les escaliers et se dirige vers la porte indiquée. Il lève le poing puis suspend son geste dans un moment de doute. Il secoue légèrement la tête et finit par toquer. Le silence est pesant, mais il croit percevoir une présence dans la chambre. « Hey. C'est Jason. » dit-il juste derrière la porte. « Ca fait un bail. A chaque fois que je passe à Lothering, je demande de tes nouvelles à Baldric, tu sais. Mais je m'y suis pas arrêté depuis un moment, alors je savais pas. » Il ressent une pointe de culpabilité, le risque de voir l'expression satisfaite de son père envoyant des mages dans les Cercles étant la principale raison qui l'a poussé à éviter sa ville natale ces derniers mois. Il se sent un peu égoïste, puis il se rassure en se disant que la Garde a été très occupée de son côté, avec les choses étranges qui se passent dans les Tréfonds. « Promis, je ne dirai à personne que tu es là, ni qui tu es. Tu me connais, je suis très bon pour garder les secrets. » Il passe une main à l'arrière de son crâne, il se sent un peu stupide de parler à une porte. « J'aimerais juste te voir juste une fois. En souvenir du bon vieux temps? » La nervosité le prend, il espère qu'elle ne va pas fuir ou lui demander de partir. Il a vraiment envie de savoir ce qu'elle devient, et s'il peut faire quelque chose pour l'aider.

Wilhelma & Jason

⚜ Que reste-t-il de ces beaux jours ? ⚜

Toc toc toc.
Le bruit résonne comme les pulsations de son cœur qui lui parviennent jusqu’aux oreilles. Le répit ne fut que de courte durée, et elle n’a pas bougé derrière la porte, le souffle court. En silence, elle attend. Peut-être que feindre qu’il n’y a personne le fera partir ? Mais il s’avère vite que l’aubergiste a probablement vendu la mèche, sans doute intrigué ou soucieux du brusque revirement de sa cliente. La confirmation qu’il s’agit bien du Jason la soulage autant qu’elle l’étouffe. Il est ce fragment du passé qu’elle ne s’attendait pas à revoir, un passé qu’elle a accepté de laisser derrière elle, mais qui refait subitement surface en la présence de son ami. Le nom de Baldric lui étreint le cœur, sensation fragile qu’elle étouffe dans l’œuf en serrant les dents et les poings. Elle n’a plus rien à faire avec lui, il est du côté de l’ennemi. Alors elle repousse l’image de Baldric dans un recoin de son esprit. Mais c’est aussitôt l’image du père de Jason qui vient le remplacer, figure maléfique au rire inhumain, acteur des événements de Lothering. Mais Jason n’a jamais rien eu à voir avec son père.

Lentement, elle se redresse. Ses mains glissent sur la poignée, s’y accrochent. Elle se remémore la raison de sa présence ici : profiter d’une accalmie, et le destin lui a envoyé Jason. Un visage amical, un moyen de panser ses plaies au moins temporairement. Elle ouvre la porte. Ses yeux viennent se figer dans ceux bleutés de Jason. On peut lire dans les siens sa nervosité, son incertitude. Mais aussi, un sentiment de paix alors qu’elle redécouvre le visage de celui qui a souvent jouer les frères aînés auprès d’elle. « Salut, Jason… » Sa voix est rauque, gorge nouée qui pourtant se détend peu à peu. Les mots lui manquent, partagée entre la joie et l’envie de poursuivre sa route. « J’aime autant pas qu’on reste sur le pas de la porte, si tu veux qu’on discute. » D’un signe de tête, elle l’invite à la rejoindre dans sa chambre, maigre pièce pourvue d’un lit, d’une table de chevet et d’une chaise. Derrière un rideau miteux transparaît une grande fenêtre donnant sur l’arrière de l’auberge, où s’étend un paysage sauvage à perte de vue, gagné par l’obscurité. C’est sur le lit qu’elle vient s’asseoir. « Tu as vite compris le tableau… » L’évidence même, la raison de sa présence ici plutôt qu’à Lothering ou même pire, au Cercle d’Orlaïs. Son statut d’apostat. « Y’a plus rien pour moi à Lothering. Les Templiers n’ont pas traîné quand la nouvelle catin de la Chantrie a décidé qu’on n’avait plus le droit d’être libre. » Mots prononcées avec haine et hargne. Si elle le pouvait, elle enverrait cette femme droit dans les flammes ou l’Immatériel, qu’elle se fasse démembrer vivante par les démons y rôdant. Ses yeux viennent scruter le visage de Jason, apaisant quelque peu la rage en elle. « Du coup, je survis en attendant de trouver mieux. D’habitude je n’approche pas des villages sauf si j’ai besoin de quelque chose. Et je dors encore moins à l’auberge. C’est le premier vrai lit que je vois depuis trois mois. » Maigre sourire. Ça aussi, ça doit bien faire trois mois qu’elle n’en a plus esquissé. Loin de se laisser abattre, la situation ne s’y prêtait tout simplement pas. « Et toi ? Je suppose que tout ça ne change pas grand-chose au quotidien d’un garde… »

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QUE RESTE-T-IL DE CES BEAUX JOURS ?

Le temps passe si vite. Jason n'aime pas trop y penser, car ses jours sont comptés, avec la souillure qui le rapproche chaque jour d'une mort certaine. Mais quand son regard se pose sur le visage de son amie d'enfance alors qu'elle ouvre la porte, le voilà devant le fait accompli. Elle n'est plus la petite fille qu'il a connu. Elle est désormais une jeune femme à l'expression farouche mais sombre. Il n'est pas sûr qu'il l'aurait reconnue si elle n'avait pas pris la fuite et attiré son attention. Cependant, quand elle le salue avec cette vulnérabilité dans la voix, il se rend compte que l'enfant qu'il considérait comme une petite sœur n'a pas complètement disparu, et ça lui fend le cœur qu'elle soit ici, si loin de Lothering, si loin de chez eux. Néanmoins soulagé qu'elle lui ait ouvert la porte, il sourit doucement. « Salut. » souffle-t-il en retour avant de la suivre à l'intérieur de la chambre. Il parcourt du regard la pièce, mais ne remarque rien qui sorte de l'ordinaire. C'est juste une modeste couche d'auberge, au final. Il vient s'asseoir à côté de son amie sur le lit, et l'écoute d'une oreille attentive. Il laisse échapper un rire amer et baisse les yeux sur ses mains entrecroisées. « Je suppose que ces nouvelles lois doivent bien plaire à mon père. » Parfois, quand il ne rêve pas de l'archidémon la nuit, il lui arrive de voir son père venir à Fort Castel et saisir tous ses camarades mages de la Garde afin de les traîner de force dans des Cercles. Il sait que ce n'est pas rationnel, son père n'en aurait pas le droit, mais les cauchemars ne sont pas réputés pour être proches de la réalité. La renarde lui explique ensuite la conduite nomade qu'elle a adopté afin de ne pas se faire attraper par la Chantrie, et l'expression de Jason montre à quel point il se sent désolé pour elle. Pour avoir beaucoup voyagé, il sait à quel point on peut se sentir seul parfois. « Je suis tellement désolé d'entre ça. C'est vraiment de la merde ce décret. » dit-il avec frustration. Pourquoi tous les mages doivent-ils payer pour la poignée d'entre eux qui est vraiment dangereuse? « Tu sais, si tu passes près de Fort Castel, on pourra te trouver un lit si tu as besoin, même pour une nuit. » C'est le moins qu'il puisse faire, il se sent légèrement impuissant, il se met déjà beaucoup en danger de par son alliance officieuse avec Marlene, le Chevalier-Capitaine de Ferelden, alors il ne veut pas trop attirer l'attention de la Divine. Mais une mage pour une nuit, cela devrait tout de même passer inaperçu. Il esquisse un nouveau sourire à la remarque de la jeune femme, légèrement plus malicieux cette fois-ci. « Officiellement, ça ne change rien. » dit-il en se grattant le front. « Officieusement, je peux te le dire, je ne pense pas que tu ais qui que ce soit à qui le répéter... Je fais équipe avec le Chevalier-Capitaine, elle fait passer des troupes de Templiers qui ramènent des mages aux Cercles près de mes itinéraires quand elle le peut, afin que je puisse recruter certains apostats. » Le droit de circonscription est très utile par les temps qui court, et si les mages qu'il recrute ne sont pas tous très heureux de leur nouveau sort - certain voient ça comme une autre sorte de condamnation - beaucoup sont soulagés de ne plus avoir à se retrouver enfermés. Au final, la cruauté de son père envers les mages n'aura fait qu'amplifier l'empathie de Jason envers ces êtres aux capacités hors du communs, mis à l'écart parce qu'ils sont simplement différent. Tout cela, ajouté à ses propres problèmes, agace sérieusement le Garde des Ombres. « C'est tellement stupide. La Divine ferait mieux de se concentrer sur les vrais problèmes. Il se passe des trucs bizarres dans les Tréfonds, et tout le monde semble nous ignorer quand on essaye de prévenir. J'ai l'impression qu'un nouvel Enclin est proche, mais j'aimerais me tromper... » Il soupire. Son instinct lui a rarement fait défaut, il espère connaître pour cette fois l'exception qui confirme la règle.

Wilhelma & Jason

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Impuissants face aux folies des élites, voilà ce qu'ils sont, lui comme elle. La rousse ne peut qu'approuver : oui, c'est bien une disposition foireuse que de vouloir à nouveau emprisonner les mages. Les mains se crispent, se referment sur elles même alors qu'est fait mention du père de son ami. A croire que les erreurs du passé sont faites pour être répétées sans modération. L'histoire et le soulèvement des Cercles il y a de cela un siècle n'ont rien appris à la Chantrie, église décadente et obstinée à se mettre des œillères, à éradiquer les maigres progrès qui ont été faits. Un pas avant, trois pas en arrière. Et allons-y gaiement. « C'est gentil, merci. Mais ça ira. Je veux pas t'attirer des ennuis. » Maigre sourire, retrouver Jason en cet instant lui fait un bien fou qu'elle-même n'aurait pas soupçonné possible. A trop vivre dans l'adversité, on en oublie que le monde entier ne peut pas être intégralement contre soi.

Puis son ami lui explique sa petite affaire pour sauver les mages à sa manière, chose qui arrache un sourire à la Renarde tant elle se dit que c'est bien là son genre. « Petit malin. Mais, ne te vexe pas, c'est une autre forme d'entrave pour certains. Pour ma part, je sais que c'est une vie qui ne me conviendrait pas. » Mais lui a l'air épanoui dans ce qu'il fait malgré les contraintes de sa condition, et c'est tout le bien qu'elle peut lui souhaiter. Elle ne sait elle-même quel serait le pire pour elle : être parquée dans un cercle ou intégrée à la Garde des Ombres ? L'un comme l'autre lui semble être un sort peu enviable, ou plutôt pour lesquels elle ne se sent sûrement pas pousser des ailes. S'il y a une cause qui pourrait la pousser à œuvrer pour quelque chose de plus grand qu'elle, ce serait une lutte pour la cause des mages. Un nouveau soulèvement, une nouvelle ère. Loin de l'obscurantisme de la Chantrie qui ne fait que remettre en cause ce dont elle ne sait rien. « Si un Archidemon pouvait se rendre serviable et déchaîner l'Enclin contre la Chantrie et la Divine, et uniquement contre elles... Je pourrais presque souhaiter qu'on en ait un. Presque. » Elle s'empresse d'ajouter le dernier mot pour ne pas fâcher Jason, son côté malicieux et insolent d'autrefois refaisant surface en sa présence.

Mais les paroles de son ami déchaînent un trouble intérieur. Les Templiers sont des ennemis déjà bien assez ennuyeux, y rajouter des Engeances ne l'aiderai pas à survivre. « Tu le saurais si c'était certain, non ? C'est un de vos... Trucs de savoir ces choses-là, n'est-ce pas ? » Mots maladroits. La condition des Gardes des Ombres lui est inconnue. Elle n’en a connaissance qu’à travers les histoires, ou par les faits que les intéressés eux-mêmes ont daigné lui raconter. Elle ne souhaite pas le chaos que provoquerait un nouvel Enclin, même si cela détournerait l’attention de la Chantrie sur les mages. Car cela ne manquerait pas de les anéantir elle et les siens – apostats en fuite et perdus dans la nature. « C’est toi qui aurait le plus à perdre. » Car après tout que lui reste-t-il à elle, si ce n’est sa liberté ? Une liberté d’ailleurs bien précaire, condamnée à fuir jusqu’à la fin. Ou jusqu’à un changement. Comment tout ceci se serait-il passé, si sa mère avait pu partir avec elle ? Cette pensée vient obscurcir son visage, réveiller la douleur et la colère froide sommeillant en elle. « Tu n’es pas au courant je suppose… Ma mère est morte lorsque nous avons voulu prendre la fuite. » L'émotion est absente de ses mots. Elle ne veut pas de la pitié de Jason. Elle avait seulement besoin de le dire à voix haute, en face d'un témoin. Peut-être pour commencer à accepter ce fait. Pour qu'elle ne soit pas seule à porter la mémoire de sa mère, à se souvenir de la personne qu'elle était.

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QUE RESTE-T-IL DE CES BEAUX JOURS ?

Jason raconte le petit manège qu'il a mis en place avec le Chevalier-Capitaine, et son amie lui fait remarquer que ce n'est pas vraiment la meilleure des solutions et que c'est un style de vie qui ne conviendrait pas à tout le monde. Il pince les lèvres et hausse les épaules. « J'en suis conscient. Mais quelque part, c'est peut-être mieux que d'être enfermés dans un Cercle, au moins, ils voient du pays. » Jason ne peut pas imaginer rester en permanence au même endroit et ne jamais en sortir. Il a besoin de voyager, de voir le monde, c'est sans doute pour cela que son rôle d'Agent de l'Ordre lui va si bien. Après la plupart de son enfance et de son adolescence à travailler d'arrache pied parce que son père désirait faire de lui un Templier exemplaire, s'enfuir et voyager fut une libération sans égale pour le jeune Wiggins. Il ne regrette aucunement cette décision, au contraire, il pense que c'est la meilleure qu'il ai faite. Mais il y a une différence entre voyager pour découvrir et voyager pour fuir, et Wilhelma se retrouve dans le second cas. Lorsqu'elle en vient à souhaiter que l'Archidémon s'en prenne à la Divine et à la Chantrie, Jason ne peut s'empêcher d'afficher un sourire en coin. « Malheureusement, avec cet oiseau de malheur, c'est tout ou rien. On a juste à espérer que la Divine se trouve sur son chemin et pas nous. » Jason ne se fait pas de faux espoirs, il sait très bien qu'il sera en première ligne pour tenter de détruire cette créature terrifiante. Il se demande parfois s'il sera celui qui plantera son épée dans la tête du dragon. Il sait qu'il n'hésitera pas si l'occasion se présente. Mais encore faut-il qu'il connaisse l'Enclin avant son Appel. Si seulement il savait ce qu'il se trame dans les Tréfonds. D'ailleurs, la rouquine lui demande si ce ne serait pas une capacité des Gardes de savoir ce genre de choses. « Le seul moyen de le savoir, c'est de surveiller les Tréfonds. En général, les Engeances sont beaucoup plus nombreuses quand un Enclin se prépare. On ne m'a jamais parlé des Tréfonds qui se vident. Le Garde-Commandeur est aussi perplexe que moi. » Et il a bien vu l'inquiétude dans son regard lorsqu'il lui a demandé si le Premier Garde avait dit quelque chose à ce sujet. Personne ne sait ce qu'il se passe, et Jason n'est pas tranquille. Quand Wilhelma dit qu'il aurait le plus à perdre, il ne peut que hocher la tête. De toutes ces jeunes personnes qu'il recrute depuis quelques temps, peu sont vraiment prêtes à affronter un Enclin, et il perdrait beaucoup d'entre elles. Jason a beau se montrer fort et froid envers ces nouvelles recrues, il aurait du mal à supporter de les voir périr, comme beaucoup d'autres avant elles. On ne s'habitue pas à voir des Gardes tomber au combat. C'est sa famille qu'il regarde succomber aux Engeances à chaque fois, et c'est toujours aussi douloureux. Mais on n'en parle jamais à la Garde, tout le monde est trop pudique au sujet des émotions. Ils passeraient leur temps à pleurer leurs morts, et ils n'ont pas le temps. C'est ça, la véritable tragédie d'être un Garde des Ombres. Quand la renarde lui annonce la mort de sa mère, Jason serre les poings. C'était quelqu'un de bien, elle n'aurait pas du subir ce combat, ce n'était pas le sien. Il secoue la tête, les mâchoires serrées, refoulant une colère sourde. Puis son regard s'adoucit à nouveau tandis qu'il se pose sur son amie. « Je suis désolé. Tu tiens le coup? » demande-t-il, parce que ça fait beaucoup pour elle, entre ça et sa fuite constante, peut-être a-t-elle besoin de relâcher la pression. Jason sait être une oreille attentive ou une épaule sur laquelle pleurer, si besoin est, même si Wilhelma semble démontrer une force de caractère conséquente.

Wilhelma & Jason

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Il l’apaise. Le visage de son ami parvient à apaiser fugacement ce feu vengeur qui brûle en elle. Et lorsqu’il s’enquière d’elle, c’est une partie de son fardeau qui s’envole le temps de cette rencontre. Elle n’a jamais aimé être un poids, la rouquine. Elle n’a jamais aimé qu’on la pense moins capable que les hommes et ses camarades principalement masculins. Alors quand Jason s’inquiète, elle ressent un regain d’énergie et la réponse lui paraît évidente. « Oui, ne t’inquiète pas. C’est juste un mauvais moment à passer. » Parce qu’elle ne veut pas être celle qui s’appuie sur l’épaule d’un autre pour avancer. Elle a partagé son fardeau avec lui, mais il n’est pas question qu’il le porte à sa place. Alors elle lui sourit doucement, rendant ce visage sévère presque innocent.

« Si jamais tu croises Baldric, à tout hasard… Ne lui dit pas que tu m’as vu, s’il te plaît. Il n’a pas besoin de savoir. Il est sûrement déjà bien assez dans l’embarras comme ça. » Baldric, leur ami commun. Ami ? Elle se voile encore la face, ne pouvant pas adopter une autre vision du jeune homme que celle-ci, par crainte d’en souffrir. Une mage et un templier, tabou ayant persisté malgré le temps et pleinement de retour avec les dispositions de la Divine. Leur route respective ne peut que les éloigner l’un de l’autre, au risque de les réunir de la pire des manières. C’est en solitaire qu’elle avancera sur la sienne car tant que Baldric restera templier, tous les opposera. « Il était là, quand ma mère et moi… Il m’a laissé filer déjà deux fois. Il va sérieusement s’attirer des ennuis s’il y en a une troisième. Je ne suis même pas certaine qu’il y en aura une. Dans le doute je préfère encore qu’il ne me retrouve pas. »

Son fessier quitte le dessus du lit. Elle se tient debout face au Garde des Ombres et scrute ses yeux, comme y lire quelque chose ou se préparer à lui faire un aveu. L’appréhension, peut-être. Celle de se préparer à quelque chose qu’elle n’a jamais fait de toute sa vie, mais qu’elle estime nécessaire. « Je vais quitter Férelden. Je crois que c’est la meilleure chose à faire si je veux espérer gagner un peu de répit. Allez là où on ne me cherche pas encore, même si le sort des mages n’est pas si différent ailleurs. Je pensais aller au Névarra. Qu’est-ce que tu en penses ? »

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